Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

L'évaluation du préjudice lié à la rupture d'un contrat de distribution n'obéit malheureusement pas à des règles très précises. Les juges se contentent le plus souvent de donner une réponse immédiate aux demandes qui leur sont présentées plutôt que de se livrer à une réflexion approfondie sur ce que devrait être une juste indemnité. 
Deux cas de rupture doivent être distingués : la rupture brutale …

Évaluation du préjudice.

L'évaluation du préjudice lié à la rupture d'un contrat de distribution n'obéit malheureusement pas à des règles très précises. Les juges se contentent le plus souvent de donner une réponse immédiate aux demandes qui leur sont présentées plutôt que de se livrer à une réflexion approfondie sur ce que devrait être une juste indemnité. 

Deux cas de rupture doivent être distingués : la rupture brutale et la rupture abusive.

En cas de rupture brutale, seuls les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même sont indemnisables . Le préjudice causé par la rupture brutale du contrat réside le plus souvent dans la perte des bénéfices pouvant être légitimement attendus pour la durée du contrat restant à courir ou pour la période de préavis . La réparation doit être limitée à la marge bénéficiaire qui aurait été dégagée jusqu'au terme du contrat ou pendant la durée du préavis. Certains distributeurs n'hésitent pas à réclamer en justice des indemnités représentant plusieurs années de chiffre d'affaires. La jurisprudence rejette avec régularité ce type de demande en retenant que “seul le préjudice réel doit être indemnisé” et que celui-ci résulte “non de la perte de son chiffre d'affaires” avec le concédant, “mais de celle des bénéfices [que le distributeur] pouvait escompter tirer du maintien des relations” .

La jurisprudence a longtemps retenu la marge brute , alors même que la marge nette  ou la marge déduction faite des coûts évités rend mieux compte du préjudice réel subi : dès lors que le distributeur cesse de commercialiser les produits contractuels, il ne supporte plus un ensemble de frais, notamment de frais variables (frais d'assurance des matériels, frais de commercialisation, commissions des vendeurs, frais de communication et de publicité etc.) qui devraient venir en déduction de l'indemnité. La Cour d'appel de Paris a entendu ces critiques : dans ses fiches méthodologiques sur l'indemnisation du préjudice économique ,  elle préconise désormais d'indemniser non plus la perte de marge brute, mais la perte de marge sur coûts variables, c'est-à-dire de retrancher  du chiffre d'affaires les charges qui n'ont pas été supportées du fait  de la baisse d'activité. Néanmoins, si certaines formations de la Cour d'appel de Paris ont aussitôt mis en oeuvre ces principes, d'autres continuent malheureusement de se référer à la perte de marge brute . La Cour de cassation a validé l’appréciation du préjudice sur le  fondement de la marge déduction faite des coûts évités, qui peuvent  comprendre non seulement les charges variables, qui fluctuent au gré du  volume d'activité , mais aussi des charges fixes, non supportées lors du préavis non effectué, comme les charges de personnel .

Par ailleurs, la Haute juridiction estime que la durée du préavis doit s'apprécier au regard de la durée des relations et des autres circonstances au moment de la rupture et non d'événements ultérieurs tels que la reconversion réussie du partenaire résilié avant le terme du préavis accordé . Le droit positif peut donc conduire à accorder au distributeur dont le préavis de résiliation effectif a été inférieur au droit légal à préavis une indemnité compensatrice de préavis non effectué qui ne correspond à aucun préjudice. Cette incohérence du droit de la rupture des relations commerciales établies, inéquitable et infondée, contribue à l'inefficience des réseaux de distribution.

Le préjudice matériel n'est pas le seul réparable. L'atteinte à la réputation commerciale du distributeur peut également constituer un préjudice moral justifiant l'indemnisation, notamment lorsque la rupture du contrat a été brutale et inexpliquée . Le distributeur peut ainsi être indemnisé de “l'atteinte portée au travers de la clientèle” dont il n'a pu satisfaire la demande . 

L'évaluation du préjudice causé par une rupture abusive du contrat s'avère particulièrement délicate. La réparation doit être limitée au préjudice effectivement causé par la faute commise par l'auteur de la rupture. Un agent ne saurait ainsi recevoir une indemnité calculée sur la base de trois années de chiffre d'affaires alors que les relations contractuelles n'ont duré que quatre ans . 

La question s'est posée de savoir si le distributeur pouvait être indemnisé de la perte de son fonds de commerce. La réponse de la jurisprudence varie selon les circonstances. Si le distributeur a pu se reconvertir rapidement, la réparation du préjudice ne peut s'élever à la valeur du fonds . Au contraire, lorsque la rupture a été conduite de telle façon qu'il n'a pu ni représenter une autre marque ni céder son fonds, le distributeur peut être indemnisé de sa perte . La solution paraît contestable alors que le seul préjudice indemnisable en cas de résiliation abusive est celui causé par l'abus invoqué. Si l'abus résulte de l'incitation donnée au distributeur de procéder à des investissements propres à la marque, il semble normal que les éventuels investissements spécifiques réalisés à la demande du fournisseur et non amortis soient remboursés. En revanche, il n'existe pas de lien de causalité entre la résiliation abusive et l'impossibilité de céder le fonds de commerce.

Cass. com., 10 février 2015, LawLex201500000184JBJ, Contrats Conc. Consom. 2015, n° 89, obs. MATHEY ; JCP, E, 2015, n° 1180, obs. LE GAC-PECH ; AJCA 2015, 182, obs. CARVAL ; RJDA 2015, n° 392.

 Paris, 2 juillet 1999, LawLex200200004262JBJ approuvée par Cass. com., 25 juin 2002, LawLex200200004218JBJ ; Paris, 7 mai 2014, LawLex201400001980JBJ.

Paris, 17 novembre 1976, D., 1977, I.R., 331 ; Cass. com., 5 octobre 1993, LawLex200200006021JBJ, JCP E, 1994, II, 557, obs. JAMIN.

Paris, 17 février 1993, LawLex200200005975JBJ ; RJDA, 1993, nº 689.

Paris, 1er février 2002, LawLex200200000555JBJ.

Cass. com., 3 juillet 2001, LawLex200200004957JBJ ; Paris, 1er février 2002, LawLex200200000555JBJ.

Cass. com., 17 juillet 2001, LawLex200200004948JBJ, RJDA, 2002, nº 148.

Cass. com., 3 décembre 2002, LawLex200300000572JBJ (rupture du contrat d'une agence de communication).

Amiens, 15 février 1977, JCP G, 1978, II, 19012, obs. MEJEAN ; Paris, 27 mai 1980, D., 1981, 314, obs. LE TOURNEAU ; 17 février 1993, LawLex200200005975JBJ : la marge brute comprend le bénéfice du concessionnaire et la couverture de ses frais généraux ; Cass. com., 25 juin 2002, LawLex200200004218JBJ : le préjudice résultant de la rupture brutale d'un contrat de concession doit être réparé à hauteur de la marge brute qui aurait été dégagée pendant la durée du préavis.

Paris, 6 décembre 2001, LawLex200200004637JBJ ; TGI Paris, 19 juin 2006, LawLex200600002073JBJ ; Grenoble, 4 octobre 2007, LawLex200700001517JBJ

V. fiche n° 6, “Quel concept de marge ?”, dont la dernière révision date de janvier 2024.

V. not. Besançon, 11 juin 2024, LawLex202400004435JBJ, estimant qu''un distributeur exclusif ne peut prétendre à être indemnisé d'une perte de  marge brute sur des produits non couverts par la clause d'exclusivité.

Cass. com., 23 janvier 2019, LawLex201900000114JBJ, AJ Contrat, 2019, 186 ; Contrats Conc. Consom., 2019, 46, obs. MATHEY ; LD mars 2019, 1, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; AJ Contrat 2019, 186, obs. REGNAULT ; RJDA 2019, n° 299 ; 28 juin 2023, LD juillet-août 2023, 2, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; Contrats Conc. Consom. 2023, n° 132, obs. MATHEY ; Concurrences 4/2023, 89, obs. BUY ; D. 2023, 2217, obs. DORANDEU ; LEDICO septembre 2023, 2, obs. MARTIN ; D. 2023, 2268, obs. BELLINO ; RJDA 2023, n° 549 ; JCP E 2024, n° 1065, obs. DECOCQ, des YLOUSES, FERLA, DUMARCAY, BALLOT-LÉNA. - Adde : L. et J. VOGEL, Requiem pour la marge brute, LEDICO mars 2019, 4.

Cass. com., 7 décembre 2022, LawLex202200011037JBJ, Contrats Conc. Consom. 2023, n° 25, obs. MATHEY ; LD janvier 2023, 1, et JCP E 2023, n° 1079, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; RJDA 2023, n° 166, revenant expressément sur la solution implicite mais contraire retenue par Cass. com., 11 mai 2022, LawLex202200002542JBJ, Contrats Conc. Consom. 2022, n° 118, obs. MATHEY ; Contrats Conc. Consom. octobre 2022, Etude 12, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; LD juin 2022, 1, obs. MOULY-GUILLEMAUD. - Rappr. Paris, 15 juin 2022, LawLex202200003207JBJ, considérant que les frais de personnel peuvent s'apparenter à des charges variables, pour le calcul de la marge perdue, s'il en ressort effectivement une baisse dans les derniers comptes de l'exercice clos par rapport aux comptes qui les précèdent.

Cass. com., 6 novembre 2012, LawLex201200002304JBJ ; Contrats Conc. Consom., 2013, n° 9, obs. MATHEY ; RJDA, 2013, n° 263 ; 9 juillet 2013, LawLex201300001090JBJ, JCP E, 2012, 1499, obs. VILMART ; Contrats Conc. Consom., 2013, n° 209 et JCP E, 2013, 1543, obs. MATHEY ; RLDA 2013, n° 4725, obs. LALOT ; D., 2013, 2324, obs. MOULY-GUILLEMAUD.

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154. Évaluation du préjudice.

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