Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

Pour améliorer leur situation, certains distributeurs ont invoqué la notion de mandat d'intérêt commun, prétendant qu'en devenant membre d'un réseau de distribution ils avaient, au même titre que le fournisseur, intérêt à satisfaire leur clientèle pour développer leurs entreprises respectives. Contrairement au mandat de droit commun, le mandat d'intérêt commun n'est pas librement révocable. Il ne  …

Rejet de la notion de mandat ou de contrat d'intérêt commun.

V. BUHAGIAR, Doit-on créer un statut légal des distributeurs ?, JCP CI, 1975, 11636 ; CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale des contrats et les créations récentes de la pratique commerciale, in Mélanges Marty, 1978, 240 ; FERRIER, Absence d'intérêt commun dans la concession, Cah. dr. entr., 1983, n°  2, 25 ; HASSLER, L'intérêt commun, RTD civ., 1984, 612 ; BÉNABENT, Le contrat d'intérêt commun en droit positif et en droit communautaire, LPA, 1990, nº 147, 21 ; PLANTAMP, L'intérêt commun dans les contrats de distribution, ALD, 1990, 177 ; L. et J. VOGEL, Loi Doubin : faut-il désormais motiver la rupture des contrats de distribution exclusive ?, Aff. Mon., 25 septembre 1990, nº 77 ; VOGEL, Loi Doubin, PIC, mai 1991, 37 ; SCHMIDT, De l'intérêt commun des associés, JCP G, 1994, I, 3793 ; L. et J. VOGEL, Loi Doubin : des certitudes et des doutes (premier bilan sur l'information précontractuelle après cinq ans d'application de la loi), D. Aff., 1995, 5 ; JAMIN, L'évolution du droit français de la distribution exclusive commerciale, in Les contrats de distribution commerciale en droit belge et en droit français, sous la coordination de PINCHARY et TRIALLE, Larcier, 1996 ; FERRIER, La considération juridique du réseau, in Mélanges Mouly, t. 2, Litec, 1998, 95 ; FAGÈS, L'abus dans les contrats de distribution, Cah. dr. entr., 1999, n° 6, 11 ; LELOUP, Le partage du marché par les réseaux de vente et les réseaux de distribution. Dix ans de droit de l'entreprise, 940 ; LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec, 2002 ; RESPAUD et DELEBECQUE, La jurisprudence reconnaît au franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, RLDA, 2002, nº 52 ; CONSTANTIN, Pour une typologie de l'abus dans les contrats de distribution, LPA, 2005, nº 111, 17 ; LICARI, La notion d'agent commercial et l'indemnité de fin de contrat dans la jurisprudence récente de la CJCE, RLC, 2006/29, nº 2118 ; LICARI, L'application par analogie du droit de l'agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d'une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé, RLDA, 2007, nº 785; GRIMALDI, Rapport introductif au Colloque sur l'indemnisation des distributeurs à l'occasion de la rupture de la relation de distributeurs, Rev-contrats, 2015, 986 ; MARTIN, L'indemnisation du distributeur à l'occasion de la rupture du contrat-Quelle rationalité?, Rev-contrats, 2015, 1005.

Pour améliorer leur situation, certains distributeurs ont invoqué la notion de mandat d'intérêt commun, prétendant qu'en devenant membre d'un réseau de distribution ils avaient, au même titre que le fournisseur, intérêt à satisfaire leur clientèle pour développer leurs entreprises respectives. Contrairement au mandat de droit commun, le mandat d'intérêt commun n'est pas librement révocable. Il ne peut y être mis fin que par consentement mutuel des parties, pour une cause légitime, ou en application d'une stipulation contractuelle. Une indemnité est par ailleurs due au mandataire afin de compenser les investissements devenus inutiles du fait de la rupture. On comprend donc l'intérêt que présenterait pour le distributeur lié par un contrat de distribution exclusive à durée indéterminée la requalification de son contrat en mandat d'intérêt commun. Le distributeur souhaite par là contraindre le fournisseur à justifier la rupture du contrat par une cause légitime, telle une faute suffisamment grave ou des circonstances économiques rendant impossible la poursuite du contrat. Cependant, dans les faits, dès lors que le fournisseur doit motiver la rupture, il y a renversement de la charge de la preuve.

D'anciennes décisions de juges du fond avaient eu recours à la notion de “mandat d'intérêt commun” pour accorder une protection aux distributeurs contre la précarité de leur lien contractuel . L'article L. 330-3 du Code de commerce avait semblé conforter cette analyse en se référant à la notion de “contrat conclu dans l'intérêt commun des parties”. Certains juges ont d'ailleurs accueilli cette analyse par le passé  en assimilant le contrat de distribution exclusive à un contrat d'intégration par lequel le distributeur constitue une clientèle au profit quasi exclusif du fournisseur. Le distributeur perdait alors sa qualité de commerçant indépendant, pour devenir un simple mandataire.

La Cour de cassation a, au contraire, formellement rejeté la notion de mandat d'intérêt commun en distinguant soigneusement le contrat de distribution exclusive et le mandat . Le distributeur vend et achète en son nom et pour son propre compte. Le mandataire agit au nom et pour le compte de son mandant. En effet, le distributeur, à la différence du mandataire, est un commerçant indépendant qui achète pour revendre et assume tous les risques juridiques et financiers de l'opération. La résiliation du contrat de distribution exclusive n'est donc subordonnée à aucune autre formalité que le respect d'un préavis raisonnable. Une exception à ce principe a néanmoins été admise pour le contrat conclu entre un éditeur et un diffuseur de presse .

Par ailleurs, la qualification de mandat d'intérêt commun n'est pas forcément favorable au distributeur. Ce mandat ne peut certes être révoqué, sauf consentement mutuel, que pour une cause légitime reconnue par le juge. Toutefois, son renouvellement n'est jamais automatique et il peut toujours être rompu par le jeu de stipulations contractuelles, comme une clause résolutoire de plein droit.

Certains juges du fond, approuvés par une partie de la doctrine , se sont référés non pas au mandat d'intérêt commun, mais à la notion de “contrat d'intérêt commun”. Une indemnisation du distributeur placé dans une situation de dépendance économique complète aurait ainsi été possible . La Cour de cassation  ainsi que la Cour d'appel de Paris  ont également condamné cette interprétation, refusant toute protection fondée sur l'intérêt commun. Après le rejet de la théorie du mandat d'intérêt commun ou de l'intérêt commun, la jurisprudence a été tentée de fonder un droit à indemnité du distributeur résilié sur l'enrichissement sans cause du fournisseur lorsque celui-ci empêche le distributeur de poursuivre son activité en raison d'une clause de non-concurrence post-contractuelle . Le juge a toutefois rapidement abandonné ce fondement juridiquement inexact dès lors que les règles gouvernant l'appauvrissement et l'enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées lorsque l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties .

V. not., pour un contrat de représentation exclusive, Cass. com., 8 octobre 1969, LawLex200200004828JBJ, Bull. civ. 4, nº 284 ; D., 1970, 143, obs. LAMBERT ; TGI Carpentras, 10 janvier 1997, LawLex200200005624JBJ : le contrat de distribution exclusive est un contrat d'intérêt commun dont la rupture doit être fondée sur un motif légitime.

Lyon, 29 janvier 1964, D., 1965, 185, obs. PLAISANT : “Le but essentiel du contrat était de développer la vente dans le secteur envisagé et de réaliser, dans l'intérêt des parties, un chiffre d'affaires de plus en plus important” ; Aix-en-Provence, 31 octobre 1964, JCP G, 1964, II, 13647, obs. HÉMARD ; T. com. Paris, 14 février 1979, Cah. dr. entr., 1979, nº 6, 14, obs. FERRIER.

Cass. com., 7 octobre 1997, LawLex200200005053JBJ, D., 1997, I.R., 228 ; D. Aff., 1998, 1284 ; LPA, 6 juillet 1998, 19, obs. MALAURIE-VIGNAL ; D., 1998, 413, obs. JAMIN ; LPA, 14 septembre 1998, 17, obs. CONSTANTIN ; Contrats Conc. Consom., 1998, nº 20, obs. LEVENEUR ; JCP G, 1998, II, 10085, obs. CHAZAL ; JCP E, 1998, 616, nº 28, obs. FERRIER, RTD civ., 1998, 130, obs. GAUTIER ; Cah. dr. entr., 1998, nº 5, 21, obs. MAINGUY, GRIGNON, RESPAUD ; RJDA, 1998, nº 36 : le contrat de concession exclusive n'étant pas un mandat d'intérêt commun, un concessionnaire ne peut être indemnisé pour rupture unilatérale de son contrat. - V. égal. Paris, 12 mai 1995, LawLex200200005466JBJ, D., 1997, Somm. 53, obs. FERRIER ; RJDA, 1995, 1354 : le contrat de distribution exclusive n'étant pas un mandat d'intérêt commun, le fournisseur peut le résilier sans invoquer de motif légitime ; 27 novembre 1996, LawLex200200005518JBJ : la notion d'intérêt commun est propre au contrat de mandat.		

Cass. com., 29 février 2000, LawLex200200004840JBJ, JCP E, 2000, 1287, obs. CADOU ; D., 2000, AJ, 165, obs. FADDOUL ; RTD com., 2001, 37, obs. SALVAT : le diffuseur de presse est un mandataire d'intérêt commun.

CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale des contrats et les créations récentes de la pratique commerciale, in Mélanges Marty, 240 ; HASSLER, L'intérêt commun, RTD civ., 1984, 612 ; LE TOURNEAU, RJ com., 1980, 203. Contra, BUHAGIAR, Doit-on créer un statut légal des distributeurs ?, JCP CI, 1975, 11636, nº 2 ; LELOUP, Le partage du marché par les réseaux de vente et les réseaux de distribution, in Dix ans de droit de l'entreprise, Litec, 940 : selon ces auteurs, les intérêts des parties au contrat de distribution exclusive sont divergents.

Amiens, 29 novembre 1973, D., 1975, 452, obs. ROLLAND ; Gaz. Pal., 1974, 1, 190, obs. GUYÉNOT ; Amiens, 13 décembre 1973, D., 1975, 452, obs. ROLLAND.

Cass. com., 15 décembre 1969, Bull. civ., 3, nº 384 ; 30 novembre 1982, nº 81-11.978, Bull. civ., 4, nº 383 ; Cah. dr. entr., 1983, nº 2, obs. FERRIER. Adde : Paris, 17 février 1992, LawLex200200005896JBJ, D., 1992, I.R., 138 ; Contrats Conc. Consom., 1992, nº 52, obs. VOGEL.

Paris, 1er mars 2006, LawLex200600001064JBJ, RJDA, 2006, nº 1014 ; RLDA, 2007, n° 785, obs. LICARI : “le contrat de concession exclusive ne constitue pas un contrat d'intérêt commun”.

Cass. com., 9 octobre 2007, LawLex200700001569JBJ, D, 2008, 388, obs. FERRIER.

Cass. com., 23 octobre 2012, LawLex201200002236JBJ, D, 2012, 2862, obs. DISSAUX, RLDA, 2013, 32, obs. MAINGUY.

Droit français de la distribution

102. Rejet de la notion de mandat ou de contrat d'intérêt commun.(1)

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