Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

La prohibition des prix imposés vise l'imposition directe ou indirecte d'un prix ou d'une marge bénéficiaire minimale . Si le fournisseur ne peut imposer un prix de revente, il lui est en revanche possible de diffuser un tarif indicatif, voire une fourchette de prix. Il suffit que le prix de revente effectivement proposé à la clientèle reste librement fixé par les distributeurs. La diffusion de ta …

Prix conseillés.

V. ARHEL, L'affaire JCB : restrictions injustifiables dans le secteur de la distribution d'engins de chantier, LPA, 21 mai 2002, nº 101.

La prohibition des prix imposés vise l'imposition directe ou indirecte d'un prix ou d'une marge bénéficiaire minimale . Si le fournisseur ne peut imposer un prix de revente, il lui est en revanche possible de diffuser un tarif indicatif, voire une fourchette de prix. Il suffit que le prix de revente effectivement proposé à la clientèle reste librement fixé par les distributeurs. La diffusion de tarifs indicatifs au sein d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas une pratique de prix imposés, dès lors que les distributeurs ne sont pas soumis à des pressions tendant à leur application effective  ou qu'il existe des écarts importants entre les prix conseillés et les prix effectivement pratiqués et que le fournisseur ne procède à aucun contrôle . Mais la combinaison de prix conseillés et d'une surveillance resserrée des capacités promotionnelles du distributeur est souvent perçue comme le signe d'une imposition indirecte du prix de revente . De même, il y a pratique de prix imposés lorsqu'un faisceau d'indices graves, précis et concordants converge pour établir que les prix de vente au détail souhaités par le fournisseur sont connus du distributeur, contrôlés et appliqués .

Pour démontrer le consentement des distributeurs à la politique de prix du fournisseur, les autorités françaises ont développé, lorsqu'il n'existe pas de preuves documentaires , un test en deux temps (double test)  fondé sur la méthode du faisceau d'indices. L'identification de l'infraction d'entente nécessite de s'assurer que le parallélisme des comportements constaté dans les prix pratiqués par les distributeurs procède réellement d'un accord de volontés et non d'une simple réaction identique de ces derniers à la diffusion de prix conseillés par leur fournisseur. L'échange des consentements existe dès lors que les prix de vente publics ou les taux de remise maximum ont été évoqués par le fournisseur et acceptées par les distributeurs.

Des prix peuvent être “évoqués” sans qu'il soit nécessaire qu'ils aient été négociés avec les distributeurs ni même discutés oralement. La diffusion de catalogues de tarifs mentionnant un prix public indicatif, des courriers faisant état d'un coefficient multiplicateur précis ou d'un taux de remise maximum, ou les conseils donnés aux distributeurs quant au positionnement du prix du produit suffisent à remplir la condition. 

La police des prix se manifestait non seulement par l'exercice de pressions, menaces de rétorsion et représailles effectives de la part du fournisseur mais également par des interventions moins coercitives, comme des demandes de remontées de prix de vente ou des interventions du fournisseur (qui peuvent être établies par de simples témoignages) visant à inciter ses distributeurs à corriger les anomalies constatées dans leur politique de prix. 

L'autorité de concurrence considérait enfin qu'un taux de respect des prix publics indicatifs d'au moins 80 % fait présumer l'application effective des prix. En deçà, l'analyse devait être complétée par la prise en considération de la dispersion effective de ces prix relevés, en observant directement la concentration effective des prix à proximité du prix public indicatif. La Cour d'appel de Paris se montrait en revanche beaucoup plus exigeante pour admettre la force probante des relevés de prix. Ainsi, les relevés effectués par l'Administration sur une période de temps limitée ne bénéficiaient pas nécessairement de force probante pour une période plus étendue. De même, des relevés insuffisamment représentatifs ne permettaient pas de conclure à l'existence d'une pratique de respect des prix imposés. Aussi la Cour de cassation soulignait elle que les relevés de prix ne constituent qu'un indice parmi d'autres pour caractériser l'application significative des prix déterminés par un fournisseur.

La jurisprudence française en matière de prix imposés apparaît critiquable à la fois dans son principe et dans ses modalités. D'un point de vue pratique, elle se contente toujours d'indices limités pour considérer que chaque critère du double test est rempli et requiert un degré d'intervention sur les prix beaucoup plus faible qu'en droit européen  : elle a abandonné, dans la période récente, l'exigence d'une police des prix pour ne plus se fonder que sur un double test en requérant uniquement une évocation de prix et l’acceptation des distributeurs .

Plus fondamentalement, la condamnation générale et per se des prix imposés ne correspond plus à l'état actuel de l'analyse économique ni même au droit positif des pays les plus avancés en droit de la concurrence. La science économique souligne en effet que les prix imposés peuvent être légitimes dans certaines circonstances, notamment en cas de forte concurrence intermarques ou à l'occasion du lancement d'un nouveau produit. Adoptant une analyse plus moderne, la Cour suprême des États-Unis a opéré un revirement de jurisprudence en substituant à la condamnation per se des pratiques de prix imposés entre fabricants et distributeurs une appréciation au cas par cas fondée sur la règle de raison . Le maintien d'un prix minimum de revente peut stimuler la concurrence intermarques et compenser un affaiblissement de la concurrence intramarque.

Il convient de souligner qu'indépendamment de la condamnation des prix conseillés qui seraient en réalité des prix minimum imposés, la jurisprudence se montre sévère à l'égard des pratiques de prix maximum adoptés horizontalement par des entreprises concurrentes  et que la Commission rappelle, dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales, qu'au-delà des seuils d'exemption, la pratique verticale de prix maximum ou conseillés peut entraîner une convergence des prix ou faciliter la collusion entre fournisseurs .

Décision Cons. conc. nº 87-D-14 du 26 mai 1987, LawLex201000000527JBJ. - V. égal. en ce sens : Décision Comm. conc., 27 mai 1982, BOSP, 8 novembre 1983, 322 ; Rec. Lamy, nº 200 ; 9 octobre 1986, BOCC, 19 janvier 1987, Rec. Lamy, nº 266, obs. MEFFRE ; Décision Cons. conc. nº 89-D-43 du 5 décembre 1989, LawLex200200002448JBJ, BOCC, 3 janvier 1990.

Décision Cons. conc. nº 00-D-15 du 3 mai 2000, LawLex200200002501JBJ, LPA, 19 juillet 2001, 20, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Paris, 28 novembre 2000, LawLex200200003279JBJ.

Décision Aut. conc. n° 11-D-01 du 18 janvier 2011, LawLex201100000048JBJ.

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pt 199.

Décision Cons. conc. nº 06-D-22 du 21 juillet 2006, LawLex200600001829JBJ.

Décision Cons. conc. nº 91-D-03 du 15 janvier 1991, LawLex200200002442JBJ, BOCC, 12 février 1991 ; Paris, 25 septembre 1991, LawLex200200002629JBJ ; nº 96-D-72 du 19 novembre 1996, LawLex200200002671JBJ, BOCC, 6 mars 1997, 141 ; Contrats Conc. Consom., 1997, nº 66, obs. VOGEL ; Europe, 1997, nº 118, obs. IDOT ; Paris, 9 décembre 1997, LawLex200200003411JBJ, D., 1998, I.R., 40 ; D., 1998, Somm. 340, obs. FERRIER ; D. Aff., 1998, 465 ; JCP E, 1998, Pan., 349 ; Europe, 1998, nº 68, obs. IDOT ; Cah. dr. entr., 1998, nº 5, 23, obs. MAINGUY, GRIGNON, RESPAUD ; Contrats Conc. Consom., 1998, nº 26, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Décision Cons. conc. nº 01-D-45 du 19 juillet 2001, LawLex200200002335JBJ.

Paris, 21 janvier 1993, LawLex200200005969JBJ (une fois l'an) ; Décision Cons. conc. nº 07-D-03 du 24 janvier 2007, LawLex200700000167JBJ, LD, février 2007.

Décision Aut. conc. n° 21-D-20 du 22 juillet 2021, LawLex202100004687JBJ, JCP E 2022, n° 1147, n° 23, obs. DIENY, soulignant que l'Autorité  de la concurrence n’est pas tenue de réunir un faisceau d’indices articulé en trois branches, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui établissent l’invitation du fabricant et l’acquiescement des distributeurs à la pratique de prix imposés.

Avant de se référer au double test, les autorités de contrôle pratiquaient un triple test : évocation des prix par le fournisseur, mise en place d'un dispositif de police des prix, application significative des prix conseillés par le distributeur. La police des prix se manifestait non seulement par l'exercice de pressions, menaces de rétorsion et représailles effectives de la part du fournisseur mais également par des interventions moins coercitives, comme des demandes de remontées de prix de vente ou des interventions du fournisseur (qui peuvent être établies par de simples témoignages) visant à inciter ses distributeurs à corriger les anomalies constatées dans leur politique de prix.

L'autorité de concurrence considérait enfin qu'un taux de respect des prix publics indicatifs d'au moins 80 % fait présumer l'application effective des prix. En deçà, l'analyse devait être complétée par la prise en considération de la dispersion effective de ces prix relevés, en observant directement la concentration effective des prix à proximité du prix public indicatif. La Cour d'appel de Paris se montrait en revanche beaucoup plus exigeante pour admettre la force probante des relevés de prix. Ainsi, les relevés effectués par l'Administration sur une période de temps limitée ne bénéficiaient pas nécessairement de force probante pour une période plus étendue. De même, des relevés insuffisamment représentatifs ne permettaient pas de conclure à l'existence d'une pratique de respect des prix imposés. Aussi la Cour de cassation soulignait elle que les relevés de prix ne constituent qu'un indice parmi d'autre pour caractériser l'application significative des prix déterminés par un fournisseur. V. : Décision Cons. conc. nº 06-D-04 du 13 mars 2006, LawLex200600000762JBJ, Concurrences, 2/2006, 89, obs. CLAUDEL ; RLC, 2006/8, n° 557, obs. DUMARCAY ; Contrats Conc. Consom., 2006, n° 83, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RDC, 2006, 726, obs. PRIETO ; RLDA, 2006/5, n° 267, obs. MEAR ; RJDA, 2006, nº 705 : l'acceptation effective par des distributeurs agréés de la politique de prix de leur fournisseur peut être démontrée par la signature d'un contrat de coopération commerciale, par l'acceptation de remises conditionnées au respect des prix ou encore par la preuve du respect effectif de ces prix ; Décision Aut. conc. n° 21-D-26 du 8 novembre 2021, LawLex202100005760JBJ, qui rappelle qu'en signant les contrats de distribution les invitant à limiter leur communication sur les prix et à encadrer la liberté tarifaire de leurs revendeurs-installateurs afin de tendre à l'uniformisation des prix affichés au stade de la vente au détail, des distributeurs ont acquiescé à l'invitation du fabricant ; V. aussi : Paris, 26 juin 2007, LawLex200700000867JBJ, RDC 2007, 1179, obs. PRIETO ; Contrats Conc. Consom., 2007, n° 211, obs. DECOCQ ; RLC 2007/13, n° 893, obs. SÉLINSKY ; RLC 2007/13, n° 895, obs. CHOLET et SÉLINSKY ; RJDA, 2007, n° 1015 ; Décision Cons. conc. nº 07-D-50 du 20 décembre 2007, LawLex200700002024JBJ, RJDA 2008, nº 328 ; Contrats Conc. Consom., 2009, nº 39, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Concurrences, 1/2008, 108, obs. CLAUDEL ; Concurrences, 1/2008, 172, obs. LEMAIRE ; Cass. com., 8 avril 2008, LawLex200800000515JBJ, Contrats Conc. Consom., 2008, n° 163, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RLC 2008/16, n° 1132, obs. ROBIN ; Concurrences, 3/2008, 87, obs. CLAUDEL ; 7 avril 2010, LawLex201000000430JBJ, Contrats Conc. Consom., 2010, nº 163 ; RDC 2010, 861, obs. PRIETO, qui rappelle les conditions du triple test ; Décision Aut. conc. n° 20-D-20 du 3 décembre 2020, LawLex202000003445JBJ, qui retient que lorsqu'un fournisseur a communiqué des prix conseillés à ses distributeurs dont il a imposé le respect, dans le but d'éviter des divergences entre les prix pratiqués lors de la vente en ligne des produis contractuels, en contrôlant les modalités de vente sur internet, en incitant par le biais des conditions générales de vente ou des accords de distribution en ligne l'application des “prix conseillés” et en infligeant des sanctions aux distributeurs qui s'en écartent (suppression ou modification de remises, retards de livraison, etc.), la preuve d'une invitation du fournisseur et d'un acquiescement des distributeurs est apportée, le refus de quelques distributeurs d'adhérer à la pratique étant sans incidence ; Décision Aut. conc. n° 21-D-14 du 24 juin 2021, LawLex202100004011JBJ, qui considère que la preuve de l'invitation du fournisseur n'est pas apportée lorsqu'aucun élément ne permet d'établir que ses commerciaux se sont appuyés auprès des revendeurs sur un argumentaire commercial élaboré pour un séminaire de formation, que leurs visites avaient pour objet une surveillance des prix ou permettaient la mise en œuvre de mesures de coercition, les distributeur ne faisant remonter que des données statistiques. la communication par le fournisseur aux distributeurs agréés de prix conseillés, alors qu'il a mis en place un dispositif de surveillance des prix, établit l'existence d'une entente verticale contraire aux articles 101 TFUE et L. 420-1 du Code de commerce lorsqu'il est établi que les prix conseillés sont appliqués de manière significative ; Paris, 19 décembre 2018, LawLex201900002084JBJ, LEDICO février 2019, 6, obs. CELAYA ; LD janvier 2019, 5, obs. VERTUT ; LPA 15 mars 2019, 11, obs. ARHEL ; Concurrences 2019/2, 73, obs. CHONE-GRIMALDI ; Décision Cons. conc. nº 05-D-66 du 5 décembre 2005, LawLex200500010286JBJ ; Paris, 19 décembre 2018, LawLex201900002084JBJ, préc., estimant qu'une pratique de prix imposés est établie lorsque la tête de réseau communique ses tarifs fournisseur à son distributeur, qui se voit contraint de les appliquer sur rappel à l'ordre dès qu'une déviation est constatée et dénoncée par les autres membres du réseau ; Paris, 26 juin 2007, LawLex200700000867JBJ, Contrats Conc. Consom., 2007, nº 211, obs. DECOCQ ; Gaz. Pal., 22-25 août 2007, 25, obs. PHILIPPE et JANSSENS ; RJDA, 2007, nº 1015 : il y a pratique de prix imposés lorsque, par tous moyens, le fournisseur a évoqué les prix souhaités devant le distributeur et a exercé des pressions, même si celles-ci ne sont constatées qu'envers certains points de vente, et que les prix ont été effectivement appliqués, cette constatation pouvant résulter de relevés de prix, qui ne peuvent tenir compte que des prix nets affichés en magasin et doivent être effectués à des périodes de forte demande et renouvelés plusieurs fois durant l'enquête ; Cass. com., 11 juin 2013, LawLex201300000942JBJ, D., 2013, 1542, obs. CHEVRIER ; RJDA, août/septembre 2013, 635, obs. TRÉARD.

V. not., Cass. com., 11 juin 2013, LawLex201300000942JBJ, retenant que la preuve d'une entente verticale reprochée à un fournisseur n'exige pas l'identification de tous les distributeurs ayant participé à l'entente, a fortiori lorsque celle-ci n'est pas retenue à l'encontre de tous les distributeurs des différents réseaux mais seulement des membres des trois plus grandes enseignes de distribution mises en cause.

Décision Aut. conc. n° 21-D-26 du 8 novembre 2021, LawLex202100005760JBJ, LD déc. 2021, 8, obs. BIANCONE ; Concurrences 1/2022, 90, obs. DEBROUX : “Contrairement à ce que soutiennent les entreprises  mises en cause, il sera rappelé que l’Autorité n’est pas tenue de réunir un faisceau d’indices articulé en trois branches pour démontrer l’existence d’une entente verticale sur les prix, lorsqu’elle dispose d’indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d’une  part, l’invitation du fabricant, et d’autre part, l’acquiescement des distributeurs [...] à la pratique litigieuse”.

Supreme Court of the United States, Leegin Creative Leather Product Inc v. PSKS Inc, No 06-480 du 28 juin 2007, WL 2335892.

Droit français de la distribution

179. Prix conseillés.(1)

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