Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

1) Prix et remises .
Comme l'ancien règlement automobile 1400/2002, le règlement général sur les restrictions verticales 2022/720 du 10 mai 2022 refuse l'exemption aux accords privant le distributeur de la liberté de déterminer son prix de vente, sans préjudice, toutefois, de “la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que  …

Clauses restrictives.

Comme l'ancien règlement automobile 1400/2002, le règlement général sur les restrictions verticales 2022/720 du 10 mai 2022 refuse l'exemption aux accords privant le distributeur de la liberté de déterminer son prix de vente, sans préjudice, toutefois, de “la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations offertes par l'une des parties” (art. 4, sous a)) . Le texte vise les pratiques de prix minima et fixes . La preuve de l'infraction suppose la communication non équivoque de la politique du constructeur aux membres du réseau  et sa mise en œuvre sur le terrain par ces derniers. Le juge national, dans un arrêt rendu sous l'empire des anciens règlements automobiles, a estimé que la clause d'un contrat par laquelle le distributeur s'engageait à ne pas consentir de rabais ou de remises excessifs ne relevait pas de la prohibition, dès lors que les taux de remise envisagés n'étaient pas précisés . Cet arrêt semble en contradiction avec une décision de la Commission qui a estimé que la réduction des quotas de véhicules alloués aux distributeurs accordant des remises élevées aux consommateurs finals constitue une pratique illicite de prix imposés contraire au règlement automobile . 

La Commission a adopté une attitude plus compréhensive à l'égard des pratiques de prix imposés : si le règlement 2022/720 maintient l'interdiction per se, les lignes directrices sur les restrictions verticales prévoient la possibilité d'une exemption individuelle lorsque des gains d'efficience sont établis .

2) Interdiction des restrictions de vente.

L'article 4, sous c) du règlement 2022/720 pose le principe de la liberté de tout acheteur de revendre les biens ou services contractuels sans limitation de territoire ni restriction de clientèle. Le texte prévoit cependant des exceptions à l'interdiction per se des restrictions de vente qui diffèrent selon le système de distribution. Les ventes actives sur un territoire ou à une clientèle que le fournisseur s'est exclusivement réservés ou qu’il a alloués à titre exclusif à un nombre maximal de cinq distributeurs exclusifs peuvent être restreintes, contrairement aux ventes passives sur le territoire concédé ou à la clientèle objet du contrat (art. 4, sous c), i)).

Les restrictions aux ventes croisées au sein des réseaux sélectifs, qu'elles soient directes ou indirectes, constituent des restrictions caractérisées qui justifient la perte de l'exemption de l'accord dans son intégralité (art. 4, sous c), ii). Relèvent de la prohibition les mesures de restriction et d'interdiction d'exportations parallèles imposées par un fabricant à ses concessionnaires consistant notamment à interdire les livraisons croisées entre distributeurs de plusieurs États membres, organiser un contrôle des commandes et prévoir des sanctions en cas de non-respect . Les membres d'un réseau de distribution sélective doivent demeurer libres d'effectuer des ventes actives et passives. Le fournisseur dispose cependant de la faculté d'interdire à ses membres d'exercer leurs activités à partir d'un lieu non autorisé (art. 4, sous c), i) 3). Il est possible d'interdire aux grossistes de livrer des utilisateurs finals et de prohiber les ventes hors réseau dans les réseaux de distribution sélective (art. 4, sous c), i) 4).

De même, dans les réseaux exclusifs, la prohibition des ventes actives est licite. Cette exception est limitée aux ventes actives sur le territoire exclusif ou vers la clientèle exclusive, toute protection territoriale absolue étant interdite (art. 4, sous b), i). Les ventes passives sur le territoire concédé ou à la clientèle objet du contrat ne doivent pas être restreintes. Enfin, l'interdiction de la vente sur internet est désormais prohibée à part entière (art. 4 sous e), et non plus seulement en tant que pratique assimilée à une vente passive . 

Contrairement au règlement 123/85 du 12 décembre 1984 qui autorisait sans restriction le monomarquisme , le règlement 1475/95 du 28 juin 1995 a posé le principe du multimarquisme, en précisant toutefois que la distribution de produits de marques concurrentes ne pouvait avoir lieu “que dans des locaux de vente séparés soumis à une gestion distincte, sous une forme d'entité juridique distincte et de manière telle qu'une confusion de marques soit exclue”. Appliquant ce principe, la Cour de justice avait estimé qu'une clause de non-concurrence interdisant au distributeur de vendre des véhicules neufs de toute autre marque, même dans des locaux commerciaux distincts de ceux dans lesquels les produits contractuels sont offerts, sauf justification objective, était contraire au règlement . La Cour d'appel de Douai, appelée à se prononcer dans le litige, s'était alignée sur la Cour de justice .

Le règlement 1400/2002 avait opté pour un multimarquisme absolu en prohibant dans son article 5 toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence, alors que le règlement restrictions verticales 330/2010 et l'actuel règlement 2022/720 ne refusent l'exemption qu'aux obligations de non-concurrence à durée indéterminée ou supérieure à cinq ans, le seuil de l'achat exclusif étant fixé à 80 %. Sous l'empire du règlement 1400/2022, les clauses post-contractuelles de non-concurrence étaient purement et simplement interdites (Règl. 1400-2002, art. 5, paragr. 1, d)), alors que les règlements restrictions verticales 330/2010 et 2022/720 admettent leur validité, pour la protection du savoir-faire transmis par le fournisseur au distributeur, lorsqu'elles sont limitées à un an. 

Depuis le 1er juin 2013, le règlement 1400/2002 ne s'applique plus : un fournisseur et un distributeur qui ne détiennent pas plus de 30 % de part de marché peuvent convenir que le distributeur se fournira uniquement auprès du constructeur, à condition que la durée de cette obligation soit limitée à cinq ans. A l'expiration de la période de cinq ans, le renouvellement de la clause de non-concurrence devra faire l'objet d'un accord exprès des parties, et rien ne doit empêcher le distributeur de mettre un terme à l'obligation de non-concurrence au terme de la période de cinq ans . Par ailleurs, en cas d'effet cumulatif susceptible de verrouiller le marché, la Commission se réserve le droit de retirer le bénéfice de l'exemption .

V. VAN DEN BERGH, Modern Industrial Organisation Versus Old-fashioned European Competition Law, ECLR, 1996, 75 ; HUGUES, FOSS, ROSS, The Economic Assessment of Vertical Restraints under UK and EC Competition Law, ECLR, 2001, 427 ; GOGESHVILI, Resale Price Maintenance - a Dilemma in EU Competition Law, Georgian Law Review 5, 2002-2:3 ; JENNY, Pratiques restrictives, concurrence et efficience, Cah, dr. entr., 1989, n° 4, 5 ; DELBARRE, Réglementation des prix imposés : pour la retraite à 40 ans, RJDA, 3/1993, 167 ; XOUDIS, Les accords de distribution au regard du droit de la concurrence, Publications du Centre d'études juridiques européen, Genève, 2002 ; ALESE, Unmasking the Masquerade of Vertical Price Fixing, ECLR, 2007, 514 ; KOKKORIS, Purchase Price Fixing: a per se Infringement?, ECLR, 2007, 473 ; KNEEPKENS, Resale Price Maintenance: Economics Call for a more Balanced Approach, ECLR, 2007, 656 ; SPECTOR, Minimum resale prices: is a ban justified?, Concurrences, 3/2007, 28 ; ALLAIN et CHAMBOLLE, The recent economic debate on the welfare effects of resale price maintenance, Concurrences, 3/2008 ; CARNEY et McAHREN, Resale price maintenance agreements after Leegin, Concurrences, 3/2008 ; DUBRUILLE et FARGUES, Le prix de revente : un libre espace de jeux, Concurrences, 3/2008 ; PEEPERKORN, Resale Price Maintenance and its Alleged Efficiences, ECJ, 2008, Vol. 4-1, 201 ; BOTTEMAN et KUILWISK, (Minimum) Resale Price Maintenance Under the New Guidelines: A Critique and a Suggestion, The CPI Antitrust Journal, June 2010 ; SUBIOTTO et DAUTRICOURT, The Reform of European Distribution Law, World Comp., 2011, 11, 29 ; NIHOUL et LÜBBIG, Competition Policy: Going International?, JECLAP, 2010 ; CALLERY, Should the European Union embrace or exorcise Leegin's “rule of reason”?, ECLR, 2011, 42.

Pour une application, V. T. com. Paris, 21 novembre 2016, LawLex201800000606JBJ.

CJCE, 30 avril 1998, aff. C-230/96, Cabour SA c. Arnor “Soco” SARL, LawLex200200003460JBJ, Europe, 1998, nº 201, obs. IDOT ; LPA, 1998, nº 94, 32, obs. ARHEL ; Cah. dr. entr., 1998, n° 5, 22, obs. MAINGUY, GRIGNON, RESPAUD ; Rev. Conc. Consom., 1998, nº 106.

Douai, 1er février 2001, LawLex200200003463JBJ ; Contrats Conc. Consom., 2001, nº 62, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Cah. dr. entr., 2001, n° 4, 27, obs. MAINGUY ; D., 2001, 3178, obs. PRIETO.

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pts 247 s. 

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pts 256 s.

Pour un exemple de sanction, V. Décision Comm. CE nº 2002-758 du 10 octobre 2001, Mercedes-Benz, LawLex200200003465JBJ, LPA, 24 octobre 2002, 7, obs. ARHEL ; Europe, 2002, nº 377, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom., 2002, nº 161, obs. POILLOT-PERUZZETTO.

Telles que des mises en demeure ou des circulaires : Décision Comm. CE nº 2001-711 du 29 juin 2001, Volkswagen, LawLex200200003539JBJ, Contrats Conc. Consom., 2001, nº 10, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; LPA, 1er août 2001, 5, obs. ARHEL ; Europe, 2001, nº 374, obs. IDOT ; RTD eur., 2002, 556, obs. IDOT et BLAISE ; Cah. dr. eur., 2002, 177, obs. VALLÉRY et LOUIS ; l'exercice de pressions : TPICE, 21 octobre 2003, General Motors Nederland BV, aff. T-368-00, LawLex200300003646JBJ, Rev. Conc. Consom., 2003, nº 135, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom., 2004, nº 27, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; JDI, 2004, 619 ; RJDA, 2004, nº 759.

Versailles, 20 septembre 2001, LawLex200400000463JBJ.

Décision Comm. CE nº 2002-758 du 10 octobre 2001, Mercedes-Benz, LawLex200200003465JBJ.

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pt 197.

Décision Comm. CE nº 98-273 du 28 janvier 1998, VW, LawLex200200003727JBJ, Contrats Conc. Consom., 1999, nº 5, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Europe, 1998, nº 2000, obs. IDOT, Cah. dr. entr., 1998, nº 5, 23, obs. MAINGUY, GRIGNON, RESPAUD.

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pts 203 s.

C'est-à-dire la faculté, pour le constructeur, d'imposer à ses distributeurs de concentrer tous leurs efforts sur la commercialisation de ses produits.

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