Infractions au Code pénal, au Code de commerce ou au Code de l'environnement, Procédure pénale

Droit pénal des affaires

Les abus de marché constituent, aux termes du règlement 596/2014 du 16 avril 2014 , des pratiques, qui “nuisent à l’intégrité des marchés financiers et qui ébranlent la confiance du public dans les valeurs mobilières et les instruments dérivés” (cons. 2). Selon ce texte, la notion d'abus de marché recouvre tout comportement illicite sur un marché financier, tel que les opérations d'initiés, la divulgation illicite d'informations privilégiées et les manipulations de marché (cons. 7). Les potentiels intervenants aux négociations sur titres cotés en bourse, qui disposent d’informations déterminantes sur les cours, sont soumis à une obligation absolue d’abstention  et de confidentialité . Dès lors qu’ils détiennent une information qui n’est pas encore connue du public, il leur est interdit de l’utiliser pour intervenir sur le marché, sous peine d'éliminer ou tenter d’éliminer le risque spéculatif du marché, nécessaire à son fonctionnement régulier et transparent.

Effectuer une opération boursière en se fondant sur une information privilégiée, recommander à autrui d’effectuer une opération boursière sur la base de cette information, utiliser cette recommandation , ou divulguer illicitement cette information , constituent des opérations d’initiés. Effectuer une opération qui donne des indications fausses ou trompeuses sur le cours d’un instrument financier ou qui fixe ou soit susceptible de fixer le cours d’un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel, constituent des manipulations de cours . Ces comportements tombent sous le coup de la réglementation tant pénale qu'administrative relatives aux marchés financiers.

Soucieux de garantir l’intégrité des marchés financiers et de protéger les investisseurs, censés agir sur le marché sur un pied d’égalité, le législateur a inséré les abus de marché dans le dispositif français dès 1970, au sein de l’article 10-1 de l’ordonnance 67-833 du 28 septembre 1967 , devenu l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier , modifié en 2016  et qui incrimine aujourd’hui le délit d’initié. L'ordonnance de 1967 a également institué la Commission des opérations de bourse (COB) , devenue en 2003 l’Autorité des marchés financiers (AMF) , qui s’est vu attribuer des pouvoirs réglementaires et de sanction des manquements boursiers  et s’est dotée, en 2004 , de son propre règlement général (RGAMF), au sein duquel le Livre VI prohibait, jusqu’en 2016, les manquements d’initiés, au même titre que le Code monétaire et financier interdisait les infractions d’initiés. Deux corps de règles distincts régissaient ainsi les abus de marché, ce cumul étant susceptible de porter atteinte au principe de nécessité des délits et des peines , selon le Conseil constitutionnel , dès lors que les sanctions du délit d'initié et du manquement d'initié ne pouvaient être regardées comme de nature différente en application de règles distinctes devant leur propre ordre de juridiction. 

Au sein de l'Union européenne, les institutions s’efforcent, depuis 2003 , d'instaurer un cadre juridique commun à l'ensemble des Etats membres et à définir les contours de la matière boursière dans le but d’assurer un marché financier “intégré, efficace et transparent”   . En outre, partant du constat que l’adoption de sanctions administratives s'avère insuffisante pour assurer le respect des règles relatives à la prévention et à la lutte contre les abus de marché, les institutions européennes ont également adopté la directive 2014/57 , qui complète le cadre juridique et oblige les Etats membres à ériger en infractions pénales au moins les formes graves d’opération d’initié, de manipulation de marché et de divulgation illicite d’informations privilégiées lorsqu’elles sont commises intentionnellement .

A la suite de l'adoption du règlement 596/2014  et de la décision du Conseil constitutionnel ayant sanctionné le cumul de sanctions en matière d'infractions boursières, le législateur français a profondément modifié le régime des abus de marché qui se trouvent définis et sanctionnés au sein du Code monétaire et financier par les articles L. 465-1 à L. 465-3-6, pour les atteintes à la transparence des marchés réprimées pénalement, et l’article L. 621-15, pour les sanctions administratives  , ce qui a conduit à la refonte du règlement général de l’Autorité des marchés financiers . Ce faisant, la loi a mis fin au cumul des sanctions pénales et administratives des abus de marché et aligné la répression pénale sur la répression administrative. Ainsi, la commission des sanctions de l'AMF ne peut pas mettre en oeuvre de procédure de sanction si l'action publique est mise en mouvement. Il en est de même pour le procureur de la République qui ne peut ouvrir l'action publique si l'AMF a émis une notification des griefs.

Règl. 596/2014 du 16 avril 2014, sur les abus de marché et abrogeant la directive 2003/6/CE et les directives 2003/125/CE et 2004/72/CE, JOUE L 173/1 du 12 juin 2014, 1.

AMF, 4 décembre 2008, LawLex202300002026JBJ ; 11 décembre 2008, LawLex202300005880JBJ.

L. 2003-706 du 1er août 2003, de sécurité financière.

L. 85-1321 du 14 décembre 1985, modifiant diverses dispositions du droit des valeurs mobilières, des titres de créances négociables, des sociétés et des opérations de bourse ; L. 89-531 du 2 août 1989, relative à la sécurité et à la transparence du marché financier.

L. 2003-706 du 1er août 2003 transposant la directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003, qui a remplacé les règlements COB 90-08 et 90-04 par le règlement général de l’AMF publié le 24 novembre 2004.

Art. 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Cons. const., décision du 18 mars 2015, LawLex202200011270JBJ.

Dir. 2003/6 du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché.

Dir. 2014/57 du 16 avril 2014, relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché), JOUE L 173 du 12 juin 2014.

L. 2016-819 du 21 juin 2016, réformant le système de répression des abus de marché, JO du 22 juin 2016.

Arr. du 14 septembre 2016, JO du 23 septembre 2016.

V. Art. 8 Règl. 596/2014, qui définit les opérations d'initiés

V. Art. 10 Règl. 596/2014, qui définit la divulgation illicite d’informations privilégiées.

V. Art. 12 Règl. 596/2014, qui définit les manipulations de marché.

L. 70-1203 du 23 décembre 1970 portant modification de la L. 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; ’Ord. du 28 septembre 1967 instituant l'Autorité des marchés financiers et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.

Ord. 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du Code monétaire et financier.

L. 2016-819 du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché, JO du 22 juin 2016.

Ord. 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse.

167. Abus de marché