Introduction

Existence d'une créance

Délivrance d'un titre exécutoire

Existence de biens ou créances saisissables

Conditions de l’exécution forcée

Autorité judiciaire

Autres autorités

Autorités et personnes compétentes

Opérations

Difficultés d’exécution

Mise en œuvre de l’exécution forcée

Droit commun des voies d'exécution

Notion d'astreinte

Champ d'application rationae personae

Champ d'application rationae materiae 

Détermination de l’astreinte

Compétence du juge

Pouvoirs du juge

Effets de la décision prononçant ou rejetant l’astreinte

Prononcé de l'astreinte

Conditions de fond

 Conditions procédurales

Rôle et pouvoirs du juge

Effets du jugement de liquidation

Liquidation de l'astreinte

Astreinte

Conditions de mise en œuvre

Contestations des mesures conservatoires

Droit commun des mesures conservatoires

Saisies conservatoires

Sûretés judiciaires

Régimes particuliers

Mesures conservatoires

Saisie des créances de sommes d'argent

Saisie des biens meubles corporels

Saisie des droits incorporels

Mesures d'exécution sur les meubles

Saisies immobilières

Expulsions

Mesures d'exécution sur les immeubles

Mesures d'exécution forcée

5. Procédures civiles d'exécution

Le régime de la saisie des “récoltes sur pied”, appellation qui se substitue à celle de la “saisie-brandon” auparavant usitée, constitue une survivance de l'Ancien droit. Très pratiquée jusqu'à la fin du XIXe siècle, elle n'est aujourd'hui que rarement mise en oeuvre : les délais de procédure très contraints prévus par les textes et l'existence d'autres voies d'exécution plus aisées et plus efficaces  ont détourné les créanciers de cet instrument. 

Les récoltes sur pied, dont le régime de la saisie est aujourd'hui fixé par les articles R. 221-57 à R. 221-61 du Code des procédures civiles d'exécution, s'entendent de celles portant sur les fruits naturels, c'est-à-dire ceux qui sont le produit spontané de la terre, et les fruits industriels, c'est-à-dire ceux qu'on obtient par la culture, qu'ils soient pendants par branches ou par racines . Les parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées  peuvent également faire l'objet d'une saisie en vertu de ces dispositions. En revanche, ne relèvent du champ d'application de ces textes, ni les fruits civils, c'est-à-dire les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles ou les arrérages des rentes , ni les produits de la terre, tels que les minerais ou pierres de carrière, ni les récoltes qui ne sont plus “sur pied” pour avoir été coupées ou détachées des branches ou racines , et qui relèvent, à compter de cette opération, de la saisie-vente de droit commun . Ne peuvent pas davantage faire l'objet d'une saisie, en vertu de l'article R. 112-2 du Code des procédures civiles d'exécution, les denrées alimentaires ou les animaux destinés à la subsistance du saisi ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage. Enfin, doivent être considérés comme des immeubles par destination, relevant par conséquent de la procédure de saisie immobilière, lorsqu'ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds, les semences données aux fermiers ou métayers ainsi que les pailles et engrais .

Aux termes de l'article R. 221-57, les récoltes sur pied doivent, pour pouvoir être saisies, appartenir au débiteur. S'il est évident que le propriétaire-exploitant du terrain remplit cette condition, puisque l'article 547 du Code civil prévoit que “[l]es fruits naturels ou industriels de la terre [...] appartiennent au propriétaire par droit d'accession”, il en va également ainsi du fermier, même s'il n'est pas propriétaire de la terre. L'usufruitier est aussi considéré comme le propriétaire de la chose en vertu de l'article 585 du Code civil, selon lequel “[l]es fruits naturels et industriels, pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier”. Cependant, comme le précise le deuxième alinéa de ce texte, “[c]eux qui sont dans le même état au moment où finit l'usufruit appartiennent au propriétaire”, de sorte que les créanciers de l'usufruitier ne disposent plus, à compter de cette date, du droit de les saisir. Dans l'hypothèse du métayage, en revanche, le propriétaire du terrain et le métayer sont propriétaires indivis de la récolte. Dès lors, en vertu des règles applicables à l'indivision, seuls les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant l'indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de  la gestion des biens indivis, sont autorisés à poursuivre la saisie et la vente des biens indivis . Tout autre créancier personnel d'un indivisaire ne peut saisir sa part dans les biens indivis, mais seulement provoquer le partage . Les mêmes règles s'appliquent tout naturellement aux héritiers du propriétaire. Enfin, la vente des terrains ou des récoltes emporte transfert de leur propriété à l'acquéreur et s'oppose à la faculté, pour les créanciers du vendeur, de saisir les récoltes sur pied à compter du moment où elle est devenue parfaite, même si les marchandises n'ont pas encore été pesées, comptées ou mesurées . Il en va autrement si la vente alléguée n'est pas parfaite, en l'absence de prix déterminé ou déterminable dans l'acte produit . Réciproquement, les créanciers de l'acquéreur ne peuvent saisir les récoltes que s'ils agissent après que la vente soit devenue parfaite.

La saisie des récoltes sur pied constitue une variante de la saisie-vente, qui présente quelques spécificités par rapport à cette dernière du fait de l'objet particulier de la saisie. La première est qu'une condition de délai s'ajoute à celles de la saisie-vente : la saisie doit être pratiquée “dans les six semaines qui précèdent l'époque habituelle de la maturité” . Cette condition a été la source de multiples difficultés, qui ont contribué à détourner les créanciers de la mesure. En effet, la date de maturité des divers fruits et légumes présents sur une exploitation est souvent différente, ce qui peut impliquer une multiplication des actes de saisie pour un même débiteur. De plus, pour un même objet de saisie, la date de maturité n'est pas la même selon les régions ou les conditions climatiques . Enfin, le délai de six semaines s'avère très difficile à concilier avec les autres délais de la procédure, notamment l'articulation des délais de vente forcée et de vente amiable, cette dernière n'étant pas ouverte au débiteur lorsque ce délai a été introduit. La sévérité de cette règle est encore renforcée par l'interprétation jurisprudentielle qui en est faite : les juges estiment que le non-respect du délai de six semaines est sanctionné par la nullité de la mesure, même si la loi ne le spécifie pas .

Comme en matière de saisie-vente, la procédure débute par la signification au débiteur d'un commandement de payer sa dette dans un délai de huit jours faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles . A défaut de règlement dans ce délai, le créancier doit, à peine de nullité, faire établir un procès-verbal de saisie conformément aux dispositions de l'article R. 221-16 relatif à la saisie-vente de droit commun. Le procès-verbal comporte les mêmes mentions que celui dressé en matière de saisie-vente, à l'exception des mentions relatives à la désignation détaillée du bien saisi, qui sont remplacées par la description du terrain où sont situées les récoltes, avec sa contenance, sa situation et l'indication de la nature des fruits. Outre cette description, le procès-verbal comporte donc la référence au titre en vertu duquel la saisie est pratiquée , si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens, la mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie des mêmes bien, l'indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d'un délai d'un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis dans les conditions prescrites aux articles R. 221-30 à R. 221-32, la désignation de la juridiction devant laquelle doivent être portées les contestations éventuelles, l'indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie ainsi que leur signature, et reproduit les dispositions de l'article 314-6 du Code pénal et des articles R. 221-30 à R. 221-32.

La déclaration par le débiteur saisi de l'existence éventuelle d'une saisie antérieure est cruciale : en effet, une saisie immobilière antérieure prive d'effet la saisie des récoltes sur pied, l'article L. 321-3 du Code des procédures civiles d'exécution disposant que la saisie d'un immeuble emporte celle de ses fruits. Encore faut-il, cependant, que la saisie immobilière ait effectivement été transcrite avant que la saisie des récoltes sur pied ait été signifiée . En outre, un créancier titulaire d'un warrant agricole inscrit antérieurement à la saisie peut valablement former opposition-jonction à la saisie, conformément à l'article L. 221-1 du Code des procédures civiles d'exécution, même si son droit porte non seulement sur les récoltes pendantes par les racines, mais également  sur les récoltes futures, en application du droit commun du gage .

L'article R. 221-59 ajoute que les récoltes sont placées sous la responsabilité du débiteur en tant que gardien. Toutefois, si celui-ci est malade ou si le créancier saisissant redoute une désaffection de sa part pour l'exploitation du fait de la saisie, ce dernier peut demander au juge de l'exécution de désigner un gérant à l'exploitation, dont la rémunération s'imputera sur le produit de la vente. La perte de la récolte, du fait des conditions météorologiques, entre la date de la saisie et celle de la vente, ne peut en aucun cas être supportée par le saisissant, qui n'a acquis ni la propriété, ni la garde de la chose du fait de la saisie . 

Comme en matière de saisie-vente de droit commun, le débiteur dispose de la faculté de proposer la vente amiable des récoltes selon les modalités prévues aux articles R. 231-30 à R. 221-32. Il dispose à cet effet d'un délai d'un mois, auquel s'ajoutent les quinze jours ouverts aux créanciers saisissants et opposants pour rendre un avis sur l'offre faite, qui se concilie difficilement avec le strict délai de six semaines prévu par l'article R. 221-57. En cas d'échec de la vente amiable, soit que le débiteur n'ait pas trouvé d'acquéreur, soit que celui-ci ait fait l'objet d'un avis défavorable, il est procédé à la vente forcée. Celle-ci ne peut intervenir, en toute hypothèse, qu'à l'expiration des délais offerts pour parvenir à une vente amiable, ce qui pose de nouveau la question de la conciliation de ces délais avec le strict délai de six semaines de l'article R. 221-57 et de la praticabilité de cette voie d'exécution, qu'un auteur a pu qualifier d'impossible à mettre en oeuvre .

La publicité de la vente forcée présente, en matière de saisie de récoltes sur pied, certaines spécificités : elle est, aux termes de l'article R. 221-60, annoncée par des affiches apposées à la mairie et au marché le plus proche du lieu où se trouvent les récoltes. Les affiches font mention des jour, heure et lieu de la vente et indiquent le terrain où sont situées les récoltes ainsi que sa contenance et la nature des fruits. Le commissaire de justice certifie l'accomplissement de la mesure de publicité. Le lieu où se déroule la vente est également particulier : l'article R. 221-61 prévoit qu'elle intervient à l'endroit où se trouvent les récoltes ou au marché le plus voisin.

V. Cass. 2e civ., 10 janvier 1979, LawLex202400008020JBJ, retenant qu'un créancier peut faire pratiquer sur une récolte de blé sur pied, plutôt qu'une saisie-brandon, une saisie conservatoire, sans avoir à respecter les règles de la première.

Cass. 1re civ., 30 novembre 1982, LawLex202400008257JBJ.

Pour une illustration, V. Bourges, 24 janvier 1863, LawLex202400008263JBJ, DP 1863, 2, 155, relevant que pour les céréales, la date de maturité était fixé le jour de la Saint-Jean (24 juin) à Paris et en Normandie, et le jour de la Saint-Barnabé (11 juin) dans l’Orléanais et dans le Berri.

Cass. civ., 29 août 1853, LawLex202400008262JBJ, DP 1853, 1, 258 ; Bourges, 24 janvier 1863, LawLex202400008263JBJ, DP 1863, 2, 155.

Rappelant qu'une saisie-brandon ne peut être pratiquée lorsque le commissaire de  justice est invité à agir pour recouvrer des créances “ni exigibles, ni  douées de force exécutoire”, Cass. 1re civ., 4 janvier 1961, LawLex202400008259JBJ.

Cass. civ., 23 février 1892, LawLex202400008260JBJ, DP 1893, 1, 425.

Cass. 1re civ., 12 novembre 2015, LawLex202400008258JBJ, D. 2016, 178, obs. JUILLET ; D. 2016, 1955 et RTD civ. 2016, 415, obs. CROCQ.

Dijon,  28 décembre 1891, LawLex202400008264JBJ, DP 1892, 2, 119.

MARTIN, La saisie impossible des récoltes sur pied, Rev. huiss. 1993, 1142

Sur ces exclusions, V. BOUR, Saisie des récoltes sur pieds, Rép. proc. civ. Dalloz, 2017 ; LAUBA, Saisie-vente des récoltes sur pied, in Droit et pratique des voies d'exécution 2022/2023, Dalloz, 10e éd., nos 0721.38 s. 

Cass. civ., 25 février 1896, LawLex202400008261JBJ, S. 1897, 69.

Un régime impraticable

LOUCHOUARN, La saisie des récoltes sur pied, Rev. huiss. 1998, 200.

131. Un régime impraticable