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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 13 mars 2014, n° 2013-00714

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bang & Olufsen A/S , Bang & Olufsen France (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence , Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Reménieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

Me Rincazaux, SCP Fisselier & Associés

CA Paris n° 2013-00714

13 mars 2014

Le ministre de l'Economie a, le 20 février 2002, saisi le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité de la concurrence, et ci-après l'Autorité ou l'ADLC) de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma (dits produits "bruns").

A cette saisine, était annexé un rapport administratif d'enquête des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) relevant des éléments caractérisant, selon eux, la limitation, voire l'interdiction, faite par quatre sociétés à leurs distributeurs agréés, de recourir à Internet pour la vente de leurs produits.

Trois des quatre sociétés concernées ayant pris des engagements (acceptés par décision du 5 octobre 2006) afin de répondre aux préoccupations de concurrence soulevées par la rapporteure, la procédure a fait l'objet d'une disjonction.

La société Bang & Olufsen France n'ayant pas proposé d'engagements, la procédure a été poursuivie à son égard.

La société Bang & Olufsen France est une filiale de la société danoise Bang & Olufsen A/S qui fabrique des produits de l'électronique grand public de qualité haut de gamme tels que des produits audio, enceintes, produits vidéo, écrans plasma, téléphones, les "accessoires" (baladeurs, porte-clefs à télécommande) et des pièces détachées. Le chiffre d'affaires mondial consolidé pour l'exercice financier 2010-2011 de cette société s'est élevé à 384 819 000 euros environ. Sa filiale française est chargée d'assurer la commercialisation en gros des produits de la marque en France. Son capital est détenu en totalité par sa société-mère. Au 31 mai 2011, son chiffre d'affaires annuel s'élevait à 19 082 382 euros. En France, les produits de la marque Bang & Olufsen sont vendus au sein d'un réseau de distribution sélective composé de 48 distributeurs.

Par courrier du 13 mars 2012, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié aux sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S le grief suivant : "avoir depuis 2001, en interdisant la vente par correspondance - laquelle inclut la vente sur Internet - de ses produits à ses distributeurs agréés, mis en œuvre une pratique prohibée par l'article 81 du traité CE devenu 101§1 TFUE et qui n'entre pas dans le champ d'exemption du règlement n° 2790-1999 de la Commission du 22 décembre 1999, règlement concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (article 101, paragraphe 1, du TFUE) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ni du règlement n° 330-2010 de la Commission du 20 avril 2010, concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, ainsi que par l'article L. 420-1 du Code de commerce".

Le 12 décembre 2012, l'Autorité a adopté la décision n° 12-D-23 suivante :

Article 1er : Il est établi que les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S ont enfreint les dispositions des articles 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du Code de commerce,

Article 2 : Pour l'infraction visée à l'article 1er, une sanction pécuniaire de 900 000 euros est infligée aux sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S,

Article 3 : Il est enjoint à la société Bang & Olufsen France de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la modification de ses contrats de distribution sélective existants ou à la diffusion d'une circulaire générale, afin de stipuler, en termes clairs, que les distributeurs agréés membres de son réseau de distribution sélective ont la possibilité de recourir à la vente par Internet. Bang & Olufsen France adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure de l'Autorité de la concurrence, un exemplaire de ces contrats ou de cette circulaire.

LA COUR

Vu le recours en annulation et/ou réformation formé le 14 janvier 2013 par les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S à l'encontre de la décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 de l'Autorité de la concurrence (la décision) ;

Vu le "mémoire responsif récapitulatif" déposé par ces sociétés le 29 octobre 2013, après un mémoire du 14 février 2013, demandant à la cour:

- à titre principal, de constater que Bang & Olufsen n'a pas enfreint les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en ce qu'elle n'a jamais interdit à ses distributeurs de revendre ses produits par Internet et par conséquent d'annuler la décision ;

- à titre subsidiaire, de constater que la décision a sanctionné Bang & Olufsen sur le fondement des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, alors que la pratique retenue, à la supposer établie, ne résulte d'aucun accord de volontés entre Bang & Olufsen et ses distributeurs agréés ;

- à titre très subsidiaire si la cour devait considérer la pratique établie, dire qu'elle aurait été objectivement justifiée et aurait réuni les conditions pour bénéficier d'une exemption au titre de l'article 101 § 3 TFUE et qu'elle doit donc être exemptée au titre de ce texte ;

- à titre infiniment subsidiaire, de constater le caractère excessif et disproportionné de la sanction et en conséquence, de réformer la décision et de réduire le montant de l'amende prononcée à un montant qui ne saurait excéder 17 000 euros ;

Vu les observations de l'ADLC déposées le 15 juillet 2013, tendant au rejet du recours ;

Vu les observations du ministre de l'Economie déposées le 12 juillet 2013, tendant à la confirmation de la décision en son principe, et qui s'en remet à la sagesse de la cour quant au montant de la sanction ;

Vu les observations du Ministère public, mises à disposition des parties avant l'audience, aux fins de confirmation de la décision en ses articles 1 et 3 mais de réformation sur son article 2 relatif au montant de la sanction ;

Ayant entendu à l'audience publique du 9 janvier 2014, en ses observations orales, le conseil de la requérante qui a été mis en mesure de répliquer et qui a eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public ;

SUR CE

Considérant que le mémoire de la société Bang & Olufsen, déposé au greffe le 29 octobre 2013, dit "récapitulatif" sera considéré comme tel ;

Sur l'entente reprochée

Considérant que la décision attaquée retient que Bang & Olufsen France a mis en œuvre une entente anticoncurrentielle ayant pour objet l'interdiction faite à ses distributeurs agréés, membres de son réseau de distribution sélective, de recourir à Internet pour la vente des produits de sa marque ;

qu'au soutien de son recours, la société Bang & Olufsen France qui conteste avoir interdit aux distributeurs de son réseau, la vente par Internet, fait valoir que l'existence d'une entente verticale et particulièrement d'un accord de volonté entre elle et ses distributeurs n'est pas démontrée par l'Autorité qui a commis une erreur de droit en ne respectant pas le standard de preuve défini par l'arrêt Volkswagen 2 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) le 13 juillet 2006 ;

qu'elle expose qu'en effet, selon cet arrêt, l'accord de volonté résulte selon les cas :

- soit d'une clause explicite du contrat concerné, ou bien d'une invitation à la mise en œuvre de la pratique, adressée par le fournisseur à ses distributeurs sous contrat, telle une circulaire, mais seulement si les clauses du contrat autorisent le fournisseur à faire usage de telles "invitations" ;

- soit, en l'absence d'interdiction contractuelle explicite de vente par Internet, d'éléments précis et concordants, résultant du comportement des parties qui établissent l'existence d'une invitation explicite anticoncurrentielle du fournisseur et d'un acquiescement exprès ou tacite des distributeurs à cette interdiction ;

Considérant que la société Bang & Olufsen critique essentiellement la décision en ce qu'elle repose selon elle sur l'interprétation erronée de l'article 6.1 du contrat européen de distribution sélective établi le 10 août 1989, la liant à ses distributeurs, dès lors que celui-ci interdisant exclusivement la vente par correspondance, il ne pouvait en être déduit de facto, qu'il interdisait également la vente sur Internet ; que l'usage d'une circulaire n'ayant pas été expressément autorisé par le contrat en cause ne pouvait constituer une preuve contractuelle d'une invitation du fournisseur à la mise en œuvre de cette pratique ; qu'en l'absence de preuves contractuelles explicites, et à supposer l'existence de la pratique établie, l'Autorité devait justifier l'acceptation exprès ou tacite des distributeurs, conformément à la jurisprudence communautaire;

qu'elle conclut que la décision, qui a présumé l'acquiescement des distributeurs, a opéré un renversement de la charge de la preuve, en violation du principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de son obligation de preuve résultant de l'article 2 du règlement, CE 1-2003 ;

Considérant que la société Bang & Olufsen fait encore valoir que l'Autorité a commis une erreur de fait lorsqu'elle a analysé les pièces produites et notamment la circulaire du 23 août 2000, diffusée à ses distributeurs, qui ne contenait aucune interdiction de vente directe ou indirecte, sur Internet ; qu'elle estime également que l'Autorité a dénaturé les déclarations des représentants de Bang & Olufsen et des distributeurs ;

Considérant que pour sa part, l'Autorité soutient avoir caractérisé l'existence d'une entente au vu des preuves saisies par les enquêteurs et figurant au dossier ainsi que sur la base des déclarations des requérantes et de plusieurs distributeurs agréés membres du réseau de distribution sélective ; qu'elle précise que la circonstance qu'elle n'ait pas rappelé dans la décision, le standard de preuve ne signifie pas pour autant qu'elle l'aurait méconnu ; qu'elle ajoute que l'arrêt Volkswagen 2 cité par Bang & Olufsen est intervenu pour mettre un terme au raisonnement consistant à fonder l'acquiescement des concessionnaires sur la seule appartenance au réseau de distribution ; que par cet arrêt la CJUE a souligné que toute invitation adressée par un constructeur d'automobile à des concessionnaires ne dispense pas pour autant la Commission de démontrer l'existence d'un concours de volonté des parties au contrat, dans chaque cas particulier ;

Considérant qu'il convient, à titre liminaire, de rappeler :

- que les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence ;

- que la preuve d'une entente verticale requiert la démonstration de l'accord de volontés des parties à l'entente exprimant leur volonté commune de se comporter sur le marché de manière déterminée ;

- qu'aux termes de la jurisprudence de la CJCE (arrêts Bayer C-2-01 P et C-3-01 P du 6 janvier 2004) la preuve d'un tel accord "doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord"(arrêt Bayer C-2-01 P, point 173) ;

- que la preuve d'un tel accord peut être constituée par des preuves directes (tel qu'un écrit) ou indirectes (tel qu'un comportement) et qu'en présence de preuves documentaires ou contractuelles, il n'est pas besoin de recourir, au surplus, à l'étude de preuve de nature comportementale (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission (T-168-01, point 83, non remis en cause par l'arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services/Commission, C-501-06 P, C-513-06 P, C'515-06 P et C-519-06 P, et arrêt Bayer précité, point 47 ) ;

Considérant que dans l'arrêt Volkswagen C-74-04 P du 13 juillet 2006 cité par Bang & Olufsen au soutien de son moyen tiré d'une erreur de droit commise par l'Autorité, la CJUE a confirmé la position déjà exprimée dans l'affaire Bayer selon laquelle le concours de volonté caractéristique de l'entente ne pouvait être présumé du seul fait de l'appartenance d'un distributeur à un réseau ;

Considérant que comme le relève l'Autorité dans ses observations, c'est dans ce contexte qu'est intervenu cet arrêt, et qu'il a été retenu que :

- toute invitation adressée par (un constructeur automobile à des concessionnaires) une partie à l'autre ne constitue pas un accord au sens de l'article 81, §1, CE et ne dispense pas la Commission de démontrer l'existence d'un concours de volontés des parties au contrat dans chaque cas particulier, (point 36) ;

- pour constituer un accord de volontés, au sens de l'article 81, §1, CE, il suffit qu'un acte ou un comportement apparemment unilatéral soit l'expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n'étant pas déterminante en elle-même (point 38)

- la volonté des parties peut résulter tant des clauses du contrat (...) que du comportement des parties, et notamment de l'existence éventuelle d'un acquiescement tacite des concessionnaires à l'invitation du constructeur (voir en ce sens l'arrêt Volkswagen du 18 septembre 2003) (point 39) ;

Sur le standard de preuves :

Considérant qu'en l'espèce, l'article 6.1 du contrat européen de distribution sélective qui lie la société Bang & Olufsen France à ses distributeurs, établi en 1989, soit avant l'apparition d'Internet stipule : "le distributeur s'engage à n'offrir à la vente les produits Bang & Olufsen qu'aux consommateurs et aux autres distributeurs agréés Bang & Olufsen situés dans le territoire. La distribution de produits Bang & Olufsen par correspondance n'est pas autorisée" ;

Considérant que cette clause prohibant la vente par correspondance doit être interprétée comme interdisant la vente à distance ; que la vente en ligne constituant une forme de vente à distance, la circulaire relative à "la politique d'utilisation d'Internet" diffusée par Bang & Olufsen France, à l'ensemble de ses distributeurs, lors de l'apparition de ce nouveau canal de commercialisation en 2000, lui a permis de préciser son interprétation de la clause quant à la vente sur Internet, qui n'existait pas lorsque le contrat a été établi ;

qu'au regard du contexte de l'époque, d'évolution des nouvelles technologies, la circulaire s'inscrivait bien dans le champ des relations contractuelles des parties, et l'objection soulevée par Bang & Olufsen selon laquelle elle n'aurait pas été "autorisée" par le contrat n'a pas lieu d'être retenue ;

Considérant que dans ces circonstances, c'est sans méconnaître le standard de preuve défini par la jurisprudence communautaire que l'Autorité, afin de tenir pour établi que Bang & Olufsen France avait interdit de facto à ses distributeurs agréés de vendre ses produits par Internet, a dit que "cette interdiction ressortait en premier lieu, du contrat européen de distribution sélective de Bang & Olufsen France tel que lu à la lumière de la circulaire du 23 août 2000 relative à la politique d'utilisation d'Internet..." (§ 56) ;

Considérant que ce n'est donc qu'au surplus, et pour répondre à l'argumentation de Bang & Olufsen qu'il sera ajouté qu'à supposer qu'elle n'ait pas interdit "contractuellement" à ses distributeurs la vente par Internet, il suffit de constater que l'Autorité n'a pas seulement analysé le contrat et la circulaire mais qu'elle a pris en compte l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction de la procédure ;

qu'ainsi elle a souligné que "la portée et la politique de l'intéressée vis-à-vis de la vente en ligne par se distributeurs agréés est en second lieu confirmée par les déclarations de la société Bang & Olufsen France et de la société Bang & Olufsen A/S d'une part, et par celles des distributeurs agréés d'autre part" (§ 66) ;

Considérant que le moyen tiré de l'erreur de droit en ce que l'Autorité n'aurait pas respecté le standard de preuve, doit être écarté ;

Sur l'analyse des pièces et éléments recueillis :

Considérant que comme l'a relevé l'Autorité aux § 59 à 63 de la décision, qui observe avec raison que Bang & Olufsen lui oppose sans aucune justification, le caractère erroné de l'analyse qu'elle a développée, de la circulaire, il ressort de ce document que les distributeurs peuvent bénéficier d'une page web dans le domaine Bang & Olufsen et/ou d'un site web personnel dont le contenu doit être conforme à ce que prévoit la circulaire ; qu'en effet la circulaire mentionne que la page web "doit suivre la structure proposée" et que le site personnel ne doit contenir que les informations énumérées par Bang & Olufsen ;

qu'à la lecture de ce document, la vente par Internet n'est prévue dans aucun des deux cas ;

qu'il y est également mentionné que ces sites ne peuvent pas utiliser les "logos, marques déposées et autre biens immatériels appartenant au Groupe Bang & Olufsen" ;

Considérant qu'il en résulte, sans que Bang & Olufsen puisse utilement avancer son caractère équivoque, qu'elle ne permettait pas de fait, la vente des produits sur Internet ;

Qu'en outre, ainsi que le souligne la décision, dans une lettre accompagnant ce document, il est signifié aux distributeurs que "le groupe impose une volonté ferme quant au respect de ses mesures" ;

Considérant que dès lors c'est en vain que Bang & Olufsen dénie à la circulaire tout caractère contraignant ;

Considérant que l'Autorité s'est également fondée (§ 27 et 67) sur un courrier du 17 avril 2001 adressé par la société Bang & Olufsen France à la DGCCRF qui, dans un paragraphe intitulé "Sur notre position à l'égard de l'Internet" mentionne :

"Notre contrat de distribution n'autorise pas la vente à distance pour des raisons très essentielles liées à la nature de nos produits à la fois en termes logistiques et en termes techniques" ;

Considérant qu'il s'en déduit que contrairement à ce qu'allègue la requérante, elle a bien considéré la vente par Internet comme une forme de vente à distance soumise à la même interdiction que la vente par correspondance ; qu'il y était ajouté : "Ces spécificités propres à Bang & Olufsen et qui sont l'âme de la marque exigent un conseil adapté auprès du consommateur et c'est la raison pour laquelle la médiation du revendeur nous parait une absolue nécessité. Cela semble être également une évidence pour nos revendeurs puisque nous n'avons jamais eu à traiter de ventes par Internet avec aucun de nos revendeurs. Comme vous avez pu le constater sur une circulaire communiquée à notre réseau, nous n'avons pas pour autant une position frileuse à l'égard d'Internet que nous considérons plutôt comme une formidable opportunité de mieux faire connaître nos produits et nos revendeurs et d'enrichir encore la relation que nous souhaitons entretenir avec nos consommateurs" ;

Considérant enfin que l'Autorité a analysé les déclarations du directeur général de Bang & Olufsen France et d'un représentant du service juridique de Bang & Olufsen A/S le 14 octobre 2005 et contrairement à ce qui est soutenu, elle en a justement déduit qu'elles confirmaient que la vente en ligne était interdite ;

qu'en effet, à la question :

"La vente par commerce électronique est-elle toujours prohibée par l'article 6.1 du contrat européen de distribution sélective au travers de l'interdiction de toute vente par correspondance ?",

ils ont répondu : "Nous considérons que la qualité de service nécessaire à la vente de nos produits exige un contact que ne permet pas (la) vente par correspondance.

...

C'est la conséquence des nécessités précité(e)s" ;

que l'un d'eux souligne encore l'attachement de Bang & Olufsen au développement des relations directes entre les distributeurs et les consommateurs ;

Considérant que la circonstance que le directeur général de Bang & Olufsen France ait déclaré que l'interdiction visée à l'article 6.1 du contrat n'était pas contraire à la réglementation en vigueur est inopérante ;

Considérant que c'est par d'exacts motifs que la cour adopte que la décision a retenu que les déclarations des deux distributeurs interrogés, les 15 et 16 février 2012, visées au point 31 de la décision, corroboraient celles des représentants de Bang & Olufsen ; qu'en effet, à la question "la vente en ligne est-elle autorisée par le contrat de distribution sélective qui lie le magasin à la société Bang & Olufsen ?", le premier distributeur a répondu : "La situation est floue avec la marque. La marque ne voulait pas qu'on vende sur Internet jusqu'à il y a 2-3 ans. Les situations évoluent aujourd'hui. Nous sommes en consultation juridique pour déterminer nos droits" ; que le second distributeur a répondu : "La vente en ligne n'est pas autorisée par la société Bang & Olufsen. La situation est floue aujourd'hui avec la prochaine vente en ligne des produits de la gamme BO Play à la fois par la maison mère Bang & Olufsen A/S et les Apple Store. A ma connaissance, aucun distributeur n'a de site de vente en ligne" ;

Qu'il en ressort que si les deux distributeurs reconnaissent que la situation "évolue" ils confirment bien tous deux, l'existence d'une interdiction de vente par Internet, les dénégations de Bang & Olufsen à cet égard, ne pouvant importer la conviction ; que pas davantage celle-ci ne peut utilement opposer l'existence de contentieux avec eux pour remettre en cause la crédibilité de leurs témoignages, alors que les litiges portaient sur des questions différentes de la pratique en cause dans la présente procédure ;

Sur l'accord de volontés

Considérant que les requérantes soutiennent que le fait qu'aucun distributeur agréé ne vende sur Internet ne trouve pas sa cause dans leur acquiescement à la pratique reprochée, mais provient de l'absence d'intérêt financier et/ou commercial qu'ils trouveraient à utiliser ce canal de commercialisation s'agissant de produits de très haute technologie ;

Considérant qu'elles reprochent à l'Autorité d'avoir - au profit de la seule déclaration d'un distributeur (ci-dessus cité) sur les 48 que comprend le réseau, faisant état de prétendues demandes orales tendant à être autorisée à vendre sur Internet - écarté une étude économique établie le 26 septembre 2012, justifiant des coûts exorbitants, au regard du chiffre d'affaires moyen d'un magasin agréé, du lancement d'un site de vente en ligne et ce alors que compte tenu de la cohérence offerte par le maillage territorial du réseau de distribution Bang & Olufsen peu de clients non couverts par ce maillage seraient intéressés par ce site ;

qu'elles en concluent que l'Autorité a opéré un renversement de la charge de la preuve et omis de prendre en compte cet élément, "à décharge" ;

Mais considérant que s'il est exact que la décision ne fait pas état de l'acceptation expresse ou tacite des distributeurs, elle a néanmoins relevé les éléments permettant de considérer que les conditions de l'accord de volonté étaient réunies ; que c'est à juste titre que l'Autorité conteste le renversement de la charge de la preuve dénoncé par les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S, en se fondant sur le comportement des distributeurs, qui confirme leur acceptation tacite à l'entente également observée à travers les déclarations de deux d'entre eux, l'ensemble de ces éléments révélant l'absence de volonté réelle de leur part, de s'opposer à l'offre illicite ;

qu'en effet, les déclarations des distributeurs ci-dessus évoquées et la circonstance qu'aucun des 48 distributeurs du réseau n'ait eu recours à la vente sur Internet suffisent à démontrer que la stratégie mise en place par la société Bang & Olufsen France a non seulement été comprise mais également acceptée par eux ;

Considérant en outre que contrairement à ce qui est soutenu, l'étude économique invoquée a fait l'objet d'un examen par l'Autorité (§ 93 à 95) ; que celle-ci a exactement décidé que trop générale et abstraite, elle ne permettait pas d'établir que le fait qu'aucun distributeur agréé ne vende sur Internet soit dû à l'absence d'intérêt économique que représenterait, pour tel ou tel distributeur pris individuellement, la vente en ligne ; que si l'argument développé de ce chef par les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S peut, comme elles le soutiennent, constituer une explication plausible à l'absence de sites marchands exploités par des distributeurs agréés, il n'est pas pour autant de nature à remettre en cause la démonstration de ce que l'interdiction de la vente en ligne, a été acceptée par les distributeurs ;

Qu'il résulte de ce qui précède que pour retenir l'existence d'un accord de volontés entre Bang & Olufsen France et ses distributeurs, la décision ne s'est pas fondée exclusivement sur le contrat européen de distribution sélective mais aussi, tout en précisant le contexte dans lequel ils sont intervenus, sur un ensemble d'éléments factuels dont le comportement des parties, établissant suffisamment l'existence d'un acquiescement tacite de ceux-ci à l'invitation du fournisseur ;

que la décision sera donc confirmée en ce qu'elle a considéré que l'entente était caractérisée ;

Sur la demande d'exemption :

Considérant à titre préliminaire qu'il est rappelé que conformément à la jurisprudence communautaire et nationale, la pratique d'interdiction de vente sur Internet au sein d'un réseau de distribution sélective est susceptible de constituer une restriction de concurrence par objet, en ce qu'elle réduit la possibilité de vendre des produits aux clients situés hors de leur zone d'activité et restreint par voie de conséquence, la concurrence dans le secteur considéré ;

Considérant qu'en réponse à l'objection de l'Autorité selon laquelle les requérantes n'avaient pas demandé devant elle, les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S répliquent qu'eu égard aux arguments désormais avancés par l'Autorité et le ministre de l'Economie dans leurs observations, il est indispensable qu'elles démontrent qu'une interdiction aurait été justifiée au regard des articles 101 § 3 du TFUE et L. 420-4 du Code de commerce, et qu'elles auraient dû être exemptées, sur le fondement de ces textes ;

Considérant, qu'il est rappelé qu'en application des articles 101 § 3 du TFUE et L. 420-4 du Code de commerce, pour pouvoir bénéficier de l'exemption prévue par ces textes, quatre conditions cumulatives doivent être remplies ; qu'ainsi, tant le droit de l'Union que le droit interne exigent que la pratique en cause :

- contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique (1re condition)

- tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte (2e condition)

- sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs (3e condition)

- ni donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence (4e condition) ;

Considérant qu'il appartient aux sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S qui revendiquent le bénéfice de l'exemption individuelle sur ce fondement, de rapporter la preuve que ces conditions sont réunies;

Considérant qu'elles font valoir que l'interdiction de vente par Internet :

- garantit la viabilité du réseau Bang & Olufsen en le protégeant des phénomènes de parasitisme,

- permet aux acheteurs de ces produits de bénéficier, grâce au maintien de ce réseau, notamment des services liés à une démonstration physique préalable, indispensable à l'acte d'achat,

- n'impose pas aux distributeurs agréés, membres du réseau de distribution sélective, une restriction non indispensable pour atteindre ces objectifs, dans la mesure où le maintien d'un réseau de distribution efficient est nécessaire pour garantir une présentation et une distribution des produits de qualité suffisante,

- n'élimine pas la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ;

Considérant qu'ainsi que le rappellent les lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE (devenu l'article 101, paragraphe 3, TFUE) du 27 avril 2004 :

- "38. Le reste de ces lignes directrices examine chacune des quatre conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3... Étant donné que ces quatre conditions sont cumulatives..., dès lors qu'il est constaté que l'une d'elles n'est pas remplie, il est inutile d'examiner les trois autres. Il n'est donc pas exclu que, dans certains cas, il soit indiqué d'examiner ces quatre conditions dans un ordre différent.

- 39. Aux fins des présentes lignes directrices, il convient d'intervertir la deuxième et la troisième condition et, par conséquent, d'aborder la question du caractère indispensable avant celle de la répercussion sur les consommateurs (...)" ;

- "73. En vertu de la troisième condition de l'article 81, paragraphe 3 (article 101, paragraphe 3, TFUE), l'accord restrictif doit s'abstenir d'imposer des restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation des gains d'efficacité créés par l'accord en cause. Cette condition implique un double critère : d'une part, l'accord restrictif proprement dit doit être raisonnablement nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité ; d'autre part, chacune des restrictions de concurrence qui découlent de l'accord doit être raisonnablement nécessaire à la réalisation des gains d'efficacité."...

"75. Le premier critère contenu dans la troisième condition de l'article 81, paragraphe 3, exige que les gains d'efficacité soient propres à l'accord en cause, autrement dit qu'il n'existe pas d'autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif permettant de les réaliser..."

"78. Une fois qu'il est constaté que l'accord en cause est nécessaire pour générer les gains d'efficacité, il convient d'apprécier la nature indispensable de chaque restriction de concurrence résultant de l'accord. Dans ce contexte, il y a lieu d'apprécier si les restrictions individuelles sont raisonnablement nécessaires pour générer les gains d'efficacité. Les parties sont tenues de justifier leur thèse, tant en ce qui concerne la nature de la restriction que son intensité.

79. Une restriction est indispensable si son absence supprimait ou réduisait substantiellement les gains d'efficacité résultant de l'accord ou rendait leur réalisation beaucoup plus improbable. L'appréciation d'autres solutions doit tenir compte de l'amélioration réelle et potentielle apportée à la concurrence par la suppression d'une restriction donnée ou l'application d'une solution moins restrictive. Plus la solution est restrictive, plus le critère de la troisième condition est rigoureux (76). Il est fort peu probable que les restrictions interdites dans les règlements d'exemption par catégorie ou qualifiées de restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications de la Commission soient jugées indispensables."

Considérant que les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S font valoir que l'interdiction totale et absolue de revente en ligne protège le réseau Bang & Olufsen des phénomènes de parasitisme au motif d'une part que la vente en ligne renforcerait l'asymétrie financière entre les distributeurs Bang & Olufsen et d'autre part qu'elle déstabiliserait le maillage territorial des magasins Bang & Olufsen.

Mais considérant qu'elles ne démontrent pas en quoi certaines alternatives envisageables, moins restrictives que l'interdiction totale et absolue de vente sur Internet, entraineraient le risque de parasitisme allégué ; qu'en l'espèce, certains produits moins élaborés et moins chers de la gamme Bang & Olufsen tels que les écouteurs, les casques audio et les accessoires peuvent particulièrement se prêter à la vente sur Internet en ce que, à la différence de produits complexes de la gamme, d'une part, ils ne nécessitent pas dans tous les cas de démonstration en magasin, réduisant ainsi le risque de parasitisme allégué et, d'autre part ils n'engendrent pas de coûts de stockage ou de distribution importants, diminuant l'investissement à réaliser par les distributeurs pour la création d'un site Internet ;

que c'est donc à juste titre que l'Autorité a décidé qu'en interdisant de manière totale et absolue à ses distributeurs agréés de vendre par Internet, la société Bang & Olufsen France impose des restrictions qui ne sont pas indispensables pour le maintien d'un réseau de distribution efficient ;

que l'Autorité a également exactement relevé qu'aucun élément n'établit qu'Internet ne permettrait pas leur présentation dans le respect de l'image de marque du fournisseur (point 74) ;

que par conséquent, les requérantes n'ont pas établi que la restriction était indispensable pour atteindre l'objectif de qualité allégué ;

Considérant que l'une des conditions posées par le texte invoqué n'étant pas remplie, il convient, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres conditions et moyens développés sur ce point, de dire que la pratique en cause n'est pas susceptible d'une exemption individuelle ;

Sur la sanction

Considérant qu'au soutien de leur demande, les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S font essentiellement valoir l'impact de la durée excessive de la procédure devant l'Autorité sur la durée de la pratique reprochée, dans un contexte d'incertitude quant à la qualification de restriction par objet d'une interdiction de vente par Internet, faite par un fournisseur à ses distributeurs dans le cadre d'un réseau de distribution sélective, avant l'arrêt Pierre Fabre Dermo Cosmétique, rendu par la Cour le 13 octobre 2011 ;

qu'elles soulignent en outre le caractère exorbitant de la sanction prononcée à son égard, en comparaison de celle infligée dans l'affaire Pierre Fabre ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce :

"Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [livre VI du titre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction" ;

Considérant en l'espèce, qu'il est constant, ainsi que le rappelle l'Autorité dans ses observations, que la décision critiquée est intervenue à la suite d'une saisine de l'Autorité par le ministre de l'Economie du 20 février 2002, qui porte sur une pratique similaire à celle qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo Cosmétique (C-439-09) ;

qu'au point 118 de la décision, il est énoncé : "En l'espèce, la méthode décrite dans le communiqué du 16 mai 2011 relative à la détermination des sanctions pécuniaires n'apparaît pas adaptée, compte tenu de la conjonction de deux circonstances particulières. En premier lieu, les services d'instruction ont fait le choix de traiter en priorité l'affaire ayant donné lieu à la décision n° 08-D-25 précitée [Pierre Fabre Dermo Cosmétique du 29 octobre 2008], retenue comme dossier pilote en matière de pratiques faisant obstacle à la possibilité, pour des distributeurs agréés membres d'un réseau de distribution sélective, d'effectuer des ventes en ligne. En second lieu, ils ont ensuite été conduits à suspendre formellement l'instruction du dossier à la suite de la question préjudicielle posée à la Cour par la Cour d'appel de Paris dans cette même affaire" ;

qu'en dépit de ces circonstances l'Autorité a écarté les arguments développés par les requérantes, au motif qu'elles ne pouvaient pas "légitimement ignorer les lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000 sur les restrictions verticales (...) lorsqu'elles ont mis en place les pratiques, et qu'elles ont maintenu celles-ci en toute connaissance de cause postérieurement à la décision n° 08-D-25 du Conseil de la concurrence précitée, et ce jusqu'au jour de la présente décision" ;

Mais considérant que si ni l'ancienneté des faits, ni la durée de la procédure - à moins qu'il ait été porté atteinte aux droits de la défense, ce qui n'est pas soutenu ici - ne justifient une réduction de la sanction, c'est à juste titre qu'au cas présent, les sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S se prévalent des circonstances particulières de l'espèce et de l'incertitude tenant à la question posée ;

qu'il suffit en effet de rappeler :

- que la décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 rendue dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques, aux termes de laquelle le Conseil de la concurrence a conclu que l'interdiction faite par la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique à ses distributeurs agréés de vendre par Internet constituait une restriction de la concurrence contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne [devenu article 101 du TFUE], a fait l'objet d'un recours formé par la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique ;

- que par arrêt du 29 octobre 2009, la Cour d'appel de Paris a estimé nécessaire, dans le silence du règlement n° 2790-1999 sur l'interdiction de vente en ligne, de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne :

"[L]'interdiction générale et absolue de vendre sur Internet les produits contractuels aux utilisateurs finals imposée aux distributeurs agréés dans le cadre d'un réseau de distribution sélective constitue[-t-elle] effectivement une restriction caractérisée de la concurrence par objet au sens de l'article 81 paragraphe 1 du traité CE échappant à l'exemption par catégorie prévue par le Règlement n° 2790-1999, mais pouvant éventuellement bénéficier d'une exemption individuelle en application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE" (Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, n° 2008-23812, p. 15) ;

que la cour d'appel a sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir ;

- que la Cour de justice s'est prononcée par un arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique (C-439-09) ;

- que ce n'est qu'après cette décision que l'instruction du dossier Bang & Olufsen, suspendue par l'Autorité en raison du renvoi préjudiciel dans l'affaire précitée, a été reprise ;

Considérant que dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que le droit et la jurisprudence applicables en la matière n'étaient pas clairement fixés ; que s'il ne peut en être déduit comme le demandent les requérantes, qu'aucune infraction ne peut leur être opposée antérieurement à l'arrêt de la Cour du 13 octobre 2011, il n'en demeure pas moins que l'incertitude tenant à la matière conduit à relativiser la gravité de la pratique ;

Considérant que dès lors, la décision de l'Autorité, qui a justement estimé que l'importance du dommage à l'économie était en l'espèce très limité (points 128 à 132), mais qui a fixé la sanction à 900 000 euros, en relevant plus particulièrement, le caractère de gravité de la pratique "mise en place depuis 2001", (point 123) doit être réformée ;

Considérant que, par application de l'article L. 464-2 sus-rappelé du Code de commerce, et eu égard non seulement à la situation des sociétés en cause exactement rappelée par la décision, mais encore aux développements qui précèdent sur la gravité à relativiser de la pratique et sur l'importance très limitée du dommage causé à l'économie, il convient de fixer la sanction à la somme de 10 000 euros ;

Par ces motifs : LA COUR, Rejette la demande d'exemption individuelle ; Réformant la décision de l'Autorité de la concurrence du 12 décembre 2012 ; Dit qu'est infligée aux sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S une sanction pécuniaire de 10 000 euros ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Dit que les dépens seront à la charge des sociétés Bang & Olufsen France et Bang & Olufsen A/S ; Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la Cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception à l'Autorité de la concurrence, à la Commission européenne, et au ministre chargé de l'Economie.