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Décisions

Commission, 5 mars 2014, n° 39984

COMMISSION EUROPÉENNE

Résumé de la Décision

Relative à une procédure d'application de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

Commission n° 39984

5 mars 2014

Le 5 mars 2014, la Commission a adopté une décision relative à une procédure d'application de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Conformément à l'article 30 du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil (1), la Commission publie ci-après les noms des parties et l'essentiel de la décision, ainsi que les sanctions qui leur ont, le cas échéant, été infligées, en tenant compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués.

1. INTRODUCTION

(1) La décision concerne une infraction unique et continue à l'article 102 TFUE prenant la forme d'une discrimination fondée sur la nationalité/le lieu d'établissement pratiquée à l'égard d'entreprises souhaitant exercer leurs activités sur les marchés du négoce à court terme de l'électricité, en Roumanie. Les destinataires de la décision sont S.C. OPCOM S.A. ("OPCOM") et sa société mère C.N.T.E.E. Transelectrica S.A. ("Transelectrica").

2. PRÉSENTATION DE L'AFFAIRE

2.1. Procédure

(2) Le 6 décembre 2012, la Commission a décidé d'ouvrir une procédure au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773-2004 de la Commission et de l'article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1-2003 du Conseil dans l'affaire susmentionnée.

(3) Au cours de l'enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes de renseignements, en vertu de l'article 18 du règlement (CE) no 1-2003, à OPCOM, à des parties susceptibles de fournir des services substituables (des courtiers) ainsi qu'à des acteurs du marché qui achetaient de l'électricité pour la livrer en Roumanie ou qui étaient intéressées par cette activité.

(4) Le 29 mai 2013, la Commission a adressé une communication des griefs à OPCOM et à sa société mère Transelectrica. La Commission estimait à titre préliminaire qu'OPCOM occupait une position dominante sur le marché des services facilitant le négoce d'électricité sur le marché de gros en Roumanie et en abusait en imposant des exigences discriminatoires à l'égard des opérateurs de l'Union européenne souhaitant participer à son marché à un jour et à son marché intrajournalier. OPCOM et Transelectrica ont présenté leur réponse à la communication des griefs le 5 août 2013 et le 7 août 2013, respectivement.

(5) En vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1-2003, Transelectrica et OPCOM ont demandé à faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. Une audition s'est tenue le 19 septembre 2013.

(6) Le 28 novembre 2013, la Commission a envoyé aux parties un courrier présentant des éléments de fait complémentaires concernant les griefs qu'elle avait formulés, précisant qu'elle pourrait utiliser ces éléments dans une éventuelle décision finale ("exposé des faits"). Transelectrica et OPCOM ont présenté leur réponse écrite à cet exposé des faits le 13 décembre 2013 et le 6 janvier 2014, respectivement.

(7) Le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a rendu un avis favorable, le 24 février 2014.

2.2. Le marché en cause

(8) OPCOM gère la Bourse de l'électricité roumaine, qui est un marché organisé facilitant le négoce de l'électricité à livrer en Roumanie.

(9) Sur la base de l'analyse de la substituabilité au niveau de l'offre et de la demande et des contraintes concurrentielles dans cette affaire, la Commission a considéré que le marché de produits en cause était le marché des services facilitant le négoce à court terme ("au comptant") de l'électricité (marché à un jour et marché intrajournalier).

(10) Le marché géographique en cause a été défini comme étant la Roumanie.

2.3. Position dominante

(11) Pour gérer une Bourse de l'électricité en Roumanie, il convient de posséder une licence, qu'une seule société s'était vu accorder au cours de la période en cause, à savoir OPCOM.

(12) OPCOM propose des services de facilitation du négoce à court terme de l'électricité en Roumanie. Jusqu'en juillet 2012, des courtiers servant d'intermédiaires entre les vendeurs et les acheteurs proposaient également des services similaires. Toutefois, ils n'exerçaient leurs activités que de manière très limitée. Depuis juillet 2012, le droit national exige que l'électricité livrée en Roumanie soit négociée uniquement sur le marché de l'électricité. Depuis cette date, OPCOM dispose d'un monopole légal en tant qu'unique prestataire de services de facilitation du négoce de l'électricité en Roumanie.

2.4. Résumé de l'infraction

(13)

La décision constate qu'OPCOM a abusé de sa position dominante sur le marché des services facilitant le négoce à court terme de l'électricité en Roumanie entre le 30 juin 2008 et le 16 septembre 2013 au moins, en adoptant des pratiques discriminatoires à l'égard d'entreprises de négoce en gros de l'électricité sur la base de leur nationalité ou de leur lieu d'établissement.

(14) En particulier, dans ses accords types, OPCOM exigeait des opérateurs économiques de l'Union européenne qu'ils possèdent un numéro de TVA roumain pour participer aux marchés au comptant de l'électricité, alors que ces opérateurs sont déjà immatriculés à la TVA dans leur propre pays. Les opérateurs de l'Union européenne devaient par conséquent posséder deux numéros de TVA pour pouvoir participer à la plate-forme de négoce d'OPCOM, tandis qu'un seul suffisait pour les opérateurs roumains. Ce n'est pas la législation roumaine qui imposait l'obligation d'immatriculation à la TVA aux opérateurs de l'Union européenne, mais les accords-types d'OPCOM. En vertu de la législation européenne et roumaine, les négociants en électricité immatriculés à la TVA dans un État membre de l'Union européenne devraient pouvoir exercer leur activité dans un autre État membre sans qu'il leur soit nécessaire de s'immatriculer de nouveau.

(15) Les opérateurs de l'Union européenne peuvent s'immatriculer à la TVA en Roumaine, mais il en résulte des coûts supplémentaires élevés pour eux. Cette double immatriculation réduit également les gains d'efficience liés au modèle commercial souvent utilisé par les opérateurs, qui consiste à regrouper en un seul lieu leurs activités de négoce sur plusieurs marchés. Par ailleurs, elle a probablement pour effet d'empêcher certains opérateurs de se lancer sur le marché de gros de l'électricité en Roumanie.

2.5. Absence de justifications objectives et de gains d'efficience

(16) OPCOM a fait valoir que l'obligation d'immatriculation à la TVA était justifiée parce que, sans elle, l'entreprise aurait eu à financer une asymétrie des flux de trésorerie liés aux paiements de TVA résultant d'opérations avec les opérateurs de l'Union européenne.

(17) Une asymétrie temporaire des flux de trésorerie apparaîtrait pour les opérations faisant intervenir des opérateurs de l'Union européenne non soumis à la TVA en Roumanie, obligeant OPCOM à financer la TVA sur les opérations faisant intervenir des vendeurs roumains et des acheteurs de l'Union européenne dans l'attente du remboursement de la TVA par les autorités fiscales roumaines. Cette asymétrie est due au fait que, dans le cadre de son rôle de contrepartie centrale, OPCOM achète de l'électricité auprès de vendeurs et la revend à des acheteurs sur le marché au comptant.

(18) La décision répond aux arguments d'OPCOM et explique que le fait de faire peser la charge financière résultant d'une asymétrie de la TVA sur les opérateurs de l'Union européenne est une mesure qui n'est ni proportionnée ni nécessaire, et qui ne saurait être justifiée. D'autres moyens étaient disponibles, comme en témoigne notamment le fait que d'autres Bourses de l'électricité en Europe connaissent une situation analogue en ce qui concerne le paiement de la TVA dans le cadre d'opérations internationales. Or, aucune d'entre elles n'a choisi de résoudre ce problème en exigeant des opérateurs de l'Union européenne qu'ils s'immatriculent à la TVA.

2.6. Conclusion

(19) L'obligation imposée par OPCOM aux opérateurs de l'Union européenne qui souhaitent participer au marché à un jour et au marché intrajournalier en Roumanie de posséder une immatriculation à la TVA roumaine constitue une discrimination fondée sur la nationalité/le lieu d'établissement qui a pu avoir des effets restrictifs, c'est-à-dire exclure les opérateurs de l'Union européenne ou rendre plus difficile leur participation aux marchés au comptant de l'électricité en Roumanie. OPCOM a ainsi abusé de sa position dominante sur le marché des services facilitant le négoce à court terme de l'électricité en Roumanie et a enfreint l'article 102 du TFUE.

2.7. Calcul de l'amende

(20) L'amende a été calculée conformément aux lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes, sur la base de la valeur des ventes réalisées par OPCOM sur le marché au comptant au cours de la dernière année complète de l'infraction (2012).

(21) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission a pris en considération la gravité et la durée de l'infraction. La décision a tenu compte du fait que l'infraction constituait une discrimination caractérisée fondée sur la nationalité/le lieu d'établissement et qu'OPCOM détenait des parts de marché très élevées, constamment supérieures à 99 % dans un premier temps, puis égales à 100 % à partir de juillet 2012, lorsque la société s'est vu octroyer un monopole légal. La Commission a également pris en considération le fait que l'infraction a duré du 30 juin 2008 (pour le marché à un jour) et du 14 juillet 2011 (pour le marché intrajournalier) au 16 septembre 2013.

(22) Aucune circonstance atténuante ou aggravante n'a été relevée en l'espèce.

(23) Dans sa décision, la Commission a infligé à OPCOM et à Transelectrica, sa société mère à 100 %, le paiement solidaire de l'amende.

3. DISPOSITIF DE LA DÉCISION

(24) La décision établit que l'obligation d'immatriculation à la TVA a constitué une infraction unique et continue à l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui s'est déroulée entre le 30 juin 2008 et le 16 septembre 2013 au moins.

(25) Une amende de 1 031 000 euro a été infligée solidairement à OPCOM et à Transelectrica, sa société mère à 100 %.

(26) Il est ordonné à Transelectrica et à OPCOM de mettre fin immédiatement à l'infraction, si tant est qu'elles ne l'aient pas déjà fait. Les deux entreprises sont également tenues de s'abstenir dorénavant de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou analogue à celui visé par la présente procédure.

Notes :

(1) JO L 1 du 4.1.2003, p. 1.