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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 26 avril 2018, n° 16-07434

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SCT Telecom (SAS)

Défendeur :

Société Privée Prestige Sécurité (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Mes Priou, Boccaccini

T. com. Lyon, du 13 sept. 2016

13 septembre 2016

Faits, procédure et prétentions des parties

La SAS SCT Telecom (SCT) est un courtier en fourniture de services et de matériels téléphoniques.

La SARL Privée prestige sécurité (Prestige sécurité) a signé avec cette société SCT trois contrats datés du 16 février 2015 ayant pour objet la fourniture d'un service ADSL ainsi que de téléphonie fixe et mobile pour son activité professionnelle.

Le 24 juin 2015, la société Prestige sécurité a envoyé une lettre de résiliation à la société SCT pour chacun des services.

Par courriers du 30 juin 2015, la société SCT a pris acte de cette demande de résiliation et a réclamé 31 418 € HT au titre de l'indemnité de résiliation du service de téléphonie mobile, et 700 € HT au titre de celle afférente au service de téléphonie fixe.

La société SCT a réclamé le paiement des factures de téléphonie fixe de mars et d'avril 2015 que la société Prestige sécurité prétend n'avoir jamais reçues.

Par courrier du 4 août 2015, la société Prestige sécurité a contesté les sommes réclamées au titre des indemnités de résiliation et demandé le détail de leurs calculs et les facturations détaillées de consommation.

Après plusieurs courriers échangés, la société Prestige sécurité a adressé un règlement de 7 298,06 € à la société SCT le 5 octobre 2015.

Par acte du 2 novembre 2015, la société SCTa assigné la société Prestige sécurité aux fins de constater la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de sa cliente et d'obtenir le paiement des sommes de 5 410,35 € au titre de ses factures et de 38 541,60 € au titre des indemnités de résiliation.

Le 23 novembre 2015, la société Prestige sécurité a porté plainte auprès du parquet pour pratiques commerciales trompeuses.

Par jugement du 13 septembre 2016, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé la résiliation des contrats passés entre les sociétés SCT et Prestige sécurité à compter du 24 juin 2015, aux torts exclusifs de la société SCT,

- rejeté comme inutiles et non fondés tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- condamné la société SCT à verser à la société Prestige sécurité la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue le 19 octobre 2016, la société SCT a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 5 mai 2017 fondées sur l'article 9 du Code de procédure civile et sur les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil, la société SCT demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats passés entre elle et la société Prestige sécurité à compter du 24 juin 2015 à ses torts exclusifs, rejeté comme inutiles ou non fondées ses demandes et l'a condamnée à verser à la société Prestige sécurité la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déclarer bien fondées ses demandes,

- constater la résiliation du contrat de téléphonie aux torts exclusifs de la société Prestige sécurité,

- débouter la société Prestige sécurité de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Prestige sécurité au paiement de la somme de 5 410,35 € TTC au titre de ses factures,

- condamner la société Prestige sécurité au paiement de la somme de 38 541,60 € TTC au titre des indemnités de résiliation,

- condamner la société Prestige sécurité au paiement de la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 22 décembre 2016 et fondées sur les articles 1110, 1116 et 1134 anciens du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation, la société Prestige sécurité demande à la cour de :

à titre principal,

- dire et juger nuls les trois contrats souscrits le 25 mars 2015 par la société Prestige sécurité,

- débouter la société SCT de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- dire et juger la résiliation intervenue aux torts exclusifs de la société SCT,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- constater son règlement de la somme de 7 298,06 € du 5 octobre 2015,

- débouter la société SCT de sa réclamation afférente aux factures de consommations et de facturation de matériels,

- s'agissant des factures de résiliation, réduire à l'euro symbolique le montant des indemnités de résiliation,

en tout état de cause

- lui allouer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SCT aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.

La clôture a été prononcée le 26 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité des contrats

La société Prestige sécurité se fonde, comme devant les premiers juges, sur les articles 1110 et 1116 anciens du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation pour solliciter la nullité des contrats qu'elle a signés le 16 février 2015, du fait des manœuvres dolosives résultant de l'affirmation par la société SCT de son appartenance au groupe Bouygues et de ses pratiques commerciales trompeuses consistant à lui annoncer faussement une économie par rapport à son prestataire antérieur de l'ordre de 30 % et à ne pas préciser que les contrats prévoyaient une durée de 63 mois minimum.

Elle fait valoir que les clauses des contrats sont illisibles du fait de la petite taille de leurs caractères et que les détails des prestations fournies, différentes de celles existantes, ne lui ont pas été fournis. Elle estime que ces clauses, portant notamment sur la durée des contrats, doivent être déclarées nulles et inopposables.

La société SCT répond que la société Prestige sécurité ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une promesse d'économie comme sur son appartenance au groupe Bouygues et conteste la valeur probante des témoignages de ses salariés.

Il résulte de la plainte déposée le 2 novembre 2015 contre la société SCT que si les trois contrats sont datés du 16 février 2015, la société Prestige sécurité affirme ne les avoir signés que le 25 mars 2015.

Les attestations de Mmes E., G. et de M. O., salariés de la société Prestige sécurité, confortées par le témoignage de M. P., directeur de Radio Scoop, établissent que ces contrats ont bien été signés le 25 mars 2015 par Mme R. dirigeante de la société Prestige sécurité.

En effet, M. P. relate une " réunion de travail le 25 mars 2015 dans l'après-midi avec un représentant d'une société de téléphonie (Bouygues Télécom). Mme R. était sur le point de signer son futur contrat. Il m'a d'ailleurs proposé de travailler avec sa structure afin de bénéficier de tarifs très avantageux, selon lui. "

M. S., autre salarié de la société Prestige sécurité témoigne que M. S., commercial de la société SCT, a expliqué à cette réunion que " SCT est partenaire de Bouygues, donc aucun numéro n'allait changer ".

La plainte déposée relate que M. S. a " présenté l'opérateur qu'il représentait de telle sorte que tout l'auditoire a compris que SCT Telecom appartenait au groupe Bouygues télécom. "

Le courrier de la société SCT daté du 25 septembre 2015 précise d'ailleurs : " Cependant, SCT Telecom, étant un opérateur alternatif et ne disposant pas de son propre réseau, était en partenariat avec la société Bouygues et faisait bénéficier de ce réseau à ses clients ". Il n'est pas discuté que le réseau de cet opérateur n'a pas été mobilisé par la société SCT.

Dans sa lettre du 24 juin 2015, la société Prestige sécurité s'est prévalue pour opposer une résiliation des trois contrats :

- de l'incapacité de la société SCT à " rétablir rapidement un service efficient " et à "remédier aux énormes inconvénients causés par votre incapacité à assurer un service adapté à nos besoins",

- d'un mensonge de la société SCT qui s'est annoncée comme " ayant des liens avec Bouygues Télécom" et qui lui a proposé "de conserver le même service pour 30 % moins cher".

Les attestations de Mmse G. et E. et de M. O., corroborées par celle de M. P. qui fait état d'une offre de contracter à des " tarifs très avantageux ", relatent une promesse faite par M. S. de diminution de 30 % du coût des prestations téléphoniques payées par l'entreprise.

Les termes mêmes de la lettre de résiliation où Mme R. écrit "Je vous précise que je n'avais nulle intention de modifier quoi que ce soit à ce service qui me donnait entièrement satisfaction" comme la demande faite à la société Bouygues Télécom dès le 24 mars 2015 de confirmation du mandat donné à M. S. par cet opérateur téléphonique, établissent que le consentement de la société Prestige sécurité a été déterminé à la fois par l'apparence de sécurité et de maintien des prestations antérieures du fait de liens mis en avant avec la société Bouygues et par la promesse d'économies.

Des modifications des prestations téléphoniques ont été prévues, au travers d'abonnements dits " illimités " ne comprenant plus différentes prestations (" data ", SMS, MMS, communications internationales...) auparavant incluses dans l'offre de la société Bouygues, et n'ont pas conduit à cette économie promise au regard des facturations établies par la société SCT et des factures antérieures et postérieures émises par la société Bouygues.

La société Prestige sécurité souligne en effet sans être contestée que les deux mois pleins de facturation SCT d'avril et mai 2015 ont révélé un coût de téléphonie mobile de 4 483,37 € au lieu de 2 348,44 € des mois de décembre 2014 et janvier 2015 facturés par la société Bouygues.

Les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation sont invoquées à juste titre au soutien de la demande d'annulation pour dol au regard de l'absence de mentions claires sur la première page des contrats de leur durée minimale de 63 mois, qui n'est libellée que dans les conditions particulières rédigées avec des caractères que leur petite taille rend peu intelligibles.

La société Prestige sécurité est fondée à se prévaloir d'un consentement non éclairé sur la durée de ses engagements, élément substantiel au sens de l'article 1110 ancien du Code civil.

L'absence de toute définition claire du temps partagé entre 4 appareils de téléphonie mobiles comme du coût réel de cette proposition caractérise d'autant plus une pratique commerciale trompeuse que ces appareils ont été ensuite à la source de surfacturations.

La preuve rapportée des manœuvres dolosives et de ce vice du consentement doit conduire à faire droit à la demande de nullité des trois contrats signés par la société Prestige sécurité.

La société SCT est en conséquence déboutée de ses demandes en paiement des indemnités de résiliation.

S'agissant des factures réclamées à hauteur de 5 410,35 €, celle du 31 juillet 2015 à échéance du 15 août 2015 comporte une somme de 12,82 € au titre d'une indemnité de retard de paiement et de frais de rejet de prélèvement qui ne peuvent être réclamés en l'état de la nullité des contrats, et surtout le coût de matériels fournis par la société SCT à hauteur de 4 263 € HT destinés à être restitués à la suite de cette annulation. Plusieurs de ces mobiles (1 Samsung S5 valorisé pour 699 € HT et 4 S. Simply [dits Nokia] au prix unitaire de 53 € HT) sont d'ailleurs indiqués comme offerts dans le contrat spécifique à la téléphonie mobile.

L'autre facture réclamée du 31 mars 2015 de 289,90 € TTC, au titre des postes fixes comprend 233,06 € HT d'abonnements et forfaits et 8,52 € HT de consommations hors forfaits est contestée sur la durée effective des prestations au regard de la date de signature du contrat le 25 mars 2015 et n'est reconnue dans un courrier du 5 octobre 2015 qu'à hauteur de 116,44 € par la société Prestige sécurité qui a inclus ce montant dans son règlement global de 7 298,06 €.

La demande de la société SCT au titre de ces factures doit également être rejetée.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

La société SCT succombe totalement en son appel et doit en supporter les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, comme indemniser la société Prestige sécurité des frais irrépétibles. Le rejet confirmé de toutes les prétentions de l'appelante nécessite que les dépens de première instance soient maintenus à sa charge.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SAS SCT Telecom à verser à la SARL Privée prestige sécurité la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance, et statuant à nouveau : Prononce la nullité des trois contrats datés du 16 février 2015 signés entre les sociétés Privée prestige sécurité (SARL) et SCT Telecom (SAS), Déboute la SAS SCT Telecom de toutes ses demandes, Condamne la SAS SCT Telecom à verser à la SARL Privée prestige sécurité une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS SCT Telecom aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.