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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 29 octobre 2018, n° 17-01239

RIOM

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Straudo

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Seguin

Avocats :

Mes Demure, Ollier, Lecatre

TI Moulins, du 20 mars 2017

20 mars 2017

Faits et procédure :

En vertu d'un acte notarié reçu le 18 avril 2012 par la SCP Parry Naudin, notaires, Monsieur et Madame X ont fait l'acquisition d'une maison appartenant à Monsieur Y, située <adresse>, moyennant le prix de 146 000 € ;

Se plaignant de l'impossibilité d'utiliser la cheminée, ils ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Moulins aux fins d'expertise, laquelle a été ordonnée le 21 octobre 2014 ;

L'expert désigné, Monsieur Z, a déposé son rapport le 22 août 2015 ;

Par acte d'huissier du 29 janvier 2016, Monsieur et Madame X ont fait assigner Monsieur Y, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, devant le Tribunal de grande instance de Moulins, afin de voir ordonner la réparation de la cheminée et voir indemniser leurs divers préjudices ;

Par ordonnance du 27 septembre 2016, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Moulins a :

- déclaré la juridiction saisie incompétente ;

- ordonné le renvoi de l'affaire devant le Tribunal d'instance de Moulins ;

- débouté Monsieur Y de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A l'audience du 23 janvier 2017 du Tribunal d'instance de Moulins, à laquelle l'affaire a été retenue, Monsieur X et Madame X ont demandé de condamner, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, Monsieur Y, à leur payer :

- la somme de 3 088 € TTC au titre des travaux de remise en état de la cheminée, selon l'estimation de l'expert judiciaire, outre le coût de la mission de maîtrise d'œuvre de 360 € ;

- la somme de 1 000 € en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis ;

- la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les dépens ;

Ils ont fait valoir qu'ils n'avaient pas utilisé la cheminée depuis l'achat de la maison, que la hotte n'était pas isolée et n'était pas conforme aux normes et que l'expert judiciaire avait constaté le dysfonctionnement de la cheminée dont les fumées sont refoulées et s'évacuent dans la pièce de séjour ;

Monsieur Y a conclu au débouté des demandes des époux X.

A titre subsidiaire, en cas de vice, il a demandé à n'être tenu qu'à la restitution du prix d'achat de l'insert de la cheminée, soit 900 € ;

Il a soutenu que l'acte de vente comportait une clause exonératoire de garantie des vices cachés ;

Il a fait valoir également que l'expert n'avait rien constaté personnellement, se contentant d'estimer qu'en raison du mode de chemisage du conduit de fumée, il était " fort probable " que les fumées dégagées par la cheminée refoulent dans la pièce de séjour, qu'il s'agit donc d'un dysfonctionnement hypothétique.

Il a souligné que les conclusions de l'expert qui préconisent la mise en place d'un conduit double peau, sont contradictoires avec ses constatations puisqu'il a confirmé que le conduit de la cheminée respectait les normes de sécurité et était conforme à la réglementation en vigueur et a indiqué qu'il suffisait de désobstruer l'orifice d'arrivée d'air afin de permettre un tirage correct du foyer ;

Par jugement contradictoire du 20 mars 2017, le Tribunal d'instance de Moulins a statué comme suit :

Déboute Monsieur X et Madame X de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamne Monsieur X et Madame X aux dépens.

Appel total de la décision a été relevé le 18 mai 2017, par les époux X dans des conditions de forme et de délai non contestées ;

Prétentions et moyens des parties :

En l'état de ses dernières écritures déposées et signifiées le 24 mai 2018, les époux X demandent à la cour de :

" Déclarer recevables et bien fondés M. et Mme X en leur appel,

Réformant,

Vu le rapport d'expertise,

Condamner Monsieur Y à prendre en charge les frais nécessaires aux travaux de remise en état de la cheminée, travaux estimés, à hauteur de 3 088 euros TTC, outre la mission de maîtrise d'œuvre de 360 euros TTC, par l'expert Z, somme à actualiser au jour de la réalisation des travaux,

Dire que ces travaux seront effectués par une autre entreprise,

Condamner Monsieur Y au paiement de la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis,

Condamner Monsieur Y au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Le condamner en tous les dépens" ;

En l'état de ses dernières écritures déposées et signifiées le 19 juin 2018, M. Y demande à la cour de :

" Déclarer l'appel de M. et Mme X irrecevable et mal fondé.

Vu le rapport d'expertise confirmant que l'installation vendue par M. Y était conforme ;

Constater que ladite installation n'était donc pas atteinte de vices cachés.

Vu le même rapport expliquant que les arrivées d'air nécessaires au fonctionnement de la cheminée doivent être rétablies.

Confirmer la décision du 20 mars 2017 qui les a déboutés de l''intégralité de leurs demandes et condamnés aux dépens ;

Ajoutant, condamner M. et Mme X solidairement à payer et porter à M. Y la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais de première instance (TGI, Tl) et d'appel, ainsi qu'en tous les dépens "

LA COUR pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 juin 2018 ;

Motifs de la décision :

Pour débouter les époux X de leurs prétentions, le premier juge a relevé que l'acte de vente du 18 avril 2012 comportait une clause exonératoire de garantie, notamment des vices cachés, et qu'à défaut de preuve de la mauvaise foi du vendeur, au demeurant non alléguée par les époux X, la clause de non-garantie devait être appliquée en vertu de l'article 1643 du Code civil ;

* Sur l'opposabilité de la clause de non-garantie :

L'acte authentique de vente 18 avril 2012 comporte en page 7, une clause d'exclusion de garantie ainsi rédigée :

" Etat du bien

L'acquéreur prend le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance, tel qu'il l'a vu et visité, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment pour mauvais état du sol ou du sous sol, vices même cachés, erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance, toute différence, excédât elle un vingtième devant faire son profit ou sa perte.

Etat des meubles vendus

L'acquéreur prend les meubles vendus dans l'état où ils se trouvent au jour de l'entrée en jouissance et ce, sans aucun recours contre le vendeur. "

Aux termes de l'article 1643 du Code civil, " le vendeur est tenu des vices cachés du bien vendu quand même il ne les aurait pas connus à moins que dans ce cas il n'est stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie " ;

La clause d'exclusion de garantie stipulée couvre les vices cachés sauf mauvaise foi du vendeur ou sauf si ce dernier peut être considéré comme un vendeur professionnel ;

En l'espèce, il est établi que M. Y a exercé la profession d'artisan-maçon, qu'à la date de la vente, il était retraité, qu'il ressort de ses déclarations devant l'expert judiciaire (rapport page 18) qu'il a lui même construit la maison vendue et installé la cheminée préfabriquée d'une valeur d'achat de 600F ; étant constructeur de l'immeuble, il a donc nécessairement édifié le conduit en boisseau briques d'évacuation des fumées ;

Dans ces conditions, M. Y doit être assimilé au vendeur professionnel tenu de connaître les vices de la chose vendue et il ne peut donc opposer à ses acquéreurs la clause d'exclusion de garantie en présence d'un vice caché prouvé rendant la chose impropre à son usage ;

* Sur l'existence d'un vice caché:

Dans leur assignation devant le premier juge et dans leurs écritures récapitulatives devant la cour, les époux X ont soutenu avoir acquis la maison, notamment, en considération de la présence de la cheminée et avoir découvert après la vente, qu'il était impossible de l'utiliser ; ils font reproche à leur vendeur de ne pas leur avoir déclaré que la cheminée n'était pas fonctionnelle et indiquent que s'ils avaient eu connaissance de ce dysfonctionnement, ils auraient donné un moindre prix ou n'auraient pas fait l'acquisition de la maison ;

M. Y conteste l'existence du dysfonctionnement allégué indiquant que l'expert judiciaire n'a pas constaté personnellement le refoulement des fumées et a relevé la conformité de la cheminée aux normes en vigueur ;

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe aux acheteurs de démontrer l'existence d'un vice caché antérieur à la vente dont serait atteinte la cheminée et qui la rendrait impropre à son usage ;

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la cheminée est une cheminée préfabriquée, équipée d'un insert ;

Il a été notamment donné mission à l'expert judiciaire de vérifier si le dysfonctionnement allégué par l'acheteur existait ou s'il avait existé ;

Or, l'expert indique dans son rapport (page 9) que les époux X lui ont déclaré que la réalisation de la cheminée n'était pas réglementaire et qu'elle constituait un danger pour son utilisation, qu'ils avaient constaté son dysfonctionnement lors de son utilisation ; M. Z indique, plus loin, en page 12 de son rapport, que les époux X ont évoqué un problème de tirage du foyer de la cheminée ;

L'expert judiciaire a précisé qu'il n'avait pas constaté personnellement le problème de tirage du foyer de la cheminée (rapport page 12), qu'il a effectué un essai de combustion avec une feuille de papier mais a indiqué, suite à un dire du conseil du vendeur, que cet essai avait pour seul but de s'assurer que le conduit de fumée avait bien un débouché sur l'extérieur mais en aucun cas de présumer du bon fonctionnement de la cheminée (rapport page 23) ;

Il a précisé que le dysfonctionnement de l'équipement ne pouvait être constaté (cf rapport page 24) qu'en période hivernale suite à des températures extérieures, négatives et indique que lorsque la température extérieure est positive, la configuration du conduit ne doit pas faire apparaître de dysfonctionnement ;

Il se déduit de ces énonciations que le phénomène de refoulement de fumée évoqué par les acheteurs devant l'expert n'a pas été constaté personnellement par celui-ci ; dans ces conditions, l'expert judiciaire ne s'est borné qu'à émettre une hypothèse selon laquelle en raison du mode de chemisage du conduit " il est fort probable que les fumées dégagées par la cheminée ne s'évacuent pas de la souche et refoulent dans la pièce de séjour " ;

Il a considéré que le dispositif actuel n'étant pas isolé, en période hivernale son état favoriserait le refroidissement des fumées dont la densité augmenterait suite à l'abaissement de leur température au point de rosée, les fumées ne s'élèveraient plus mais par leur densité redescendraient vers le sol refoulant ainsi à l'intérieur du pavillon (rapport page 23) ; M. Z a conclu que le remplacement du conduit des fumées permettrait l'évacuation correcte des fumées sachant que le conduit dans sa configuration actuelle a son implantation dans les combles non chauffés, génère un pont thermique lequel peut provoquer le refoulement des fumées dans la salle de séjour ;

L'expert judiciaire a cependant précisé dans son rapport que l'équipement était conforme à la législation en vigueur et a préconisé que l'arrivée d'air dans le séjour soit désobstruée afin de permettre un tirage correct du foyer (rapport page 12) ;

Il apparaît donc que bien que n'ayant pas constaté personnellement la réalité du refoulement des fumées allégué par les acheteurs et ayant pourtant relevé la conformité à la réglementation en vigueur de la cheminée, l'expert judiciaire a préconisé dans son rapport la mise en place d'un dispositif technique (conduit double peau) destiné selon ses dires, à assurer le bon fonctionnement de la cheminée afin que l'évacuation de la fumée s'effectue par la souche en toiture et qu'elle ne soit pas refoulée dans le séjour ;

Il a chiffré le coût de ces travaux à la somme de 3 088 € TTC, outre frais de maîtrise d'œuvre à hauteur de la somme de 360 € TTC ;

Au regard des insuffisances du rapport d'expertise judiciaire, lesquelles ne sont pas palliées par aucun élément de preuve produit par les acheteurs, le dysfonctionnement allégué par ces derniers devant l'expert judiciaire, à savoir le refoulement des fumées dans la pièce de séjour, n'est pas démontré ;

Or, les travaux préconisés par l'expert judiciaire et dont les époux X demandent le paiement, ont pour seule finalité d'empêcher le refoulement des fumées dans le séjour, par temps froid, l'expert ayant pris soin de dire à plusieurs reprises dans son rapport que la cheminée dans son état actuel était conforme à la réglementation ;

À cet égard, il sera relevé que si les acheteurs ont évoqué pour la première fois devant l'expert judiciaire, le refoulement des fumées de combustion dans la pièce de séjour, il ressort de leur lettre de mise en demeure au vendeur du 30 avril 2013, de leurs dires repris dans le procès-verbal de constat du 29 août 2017 ainsi que des attestations de personnes de leur entourage qu'ils n'ont jamais utilisé la cheminée, étant relevé que le premier grief qu'ils ont formulé était un "défaut de gainage de la cheminée dans le salon" et un défaut de conformité aux normes, défauts qui leur avaient été signalés par l'entreprise Greco en 2012 (au vu du devis établi le 2 octobre 2012 par cet artisan) et par la société Cheminée Philippe le 6 novembre 2012 ;

Monsieur X, lors d'un dépôt de plainte pour fausse attestation le 7 mars 2018 (classée sans suite le 23 mars 2018), devait également déclarer : " Je n'ai jamais utilisé la cheminée depuis le jour où je suis rentré dans la maison " ;

Il indiquait également que l'expert de son assurance Macif lui avait déclaré en mai 2012 que la cheminée n'était pas aux normes et il précisait qu'un second expert était passé en 2015 pour voir la cheminée (manifestement l'expert judiciaire) et lui avait dit qu'il y avait un refoulement des fumées, qu'il fallait changer tous les tubages et la hotte qui n'était pas isolée ;

Aux termes de sa déposition, il maintenait qu'il n'avait jamais utilisé la cheminée, qu'il n'avait pas de bois, qu'il n'en avait jamais acheté ;

Dans ces conditions, l'expert judiciaire ayant précisé que la cheminée était conforme aux normes en vigueur et ayant proposé une solution technique pour un hypothétique refoulement des fumées qu'il n'a pas constaté personnellement et que les acquéreurs eux-mêmes n'ont pu manifestement constater dès lors que ces derniers ont déclaré qu'ils n'ont jamais utilisé la cheminée depuis l'achat de la maison, il résulte de ces éléments que les époux X doivent être déboutés de leur action en garantie des vices cachés contre leur vendeur ;

* Sur les demandes accessoires:

La demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par M. Y en cause d'appel sera rejetée, l'exercice d'une voie de recours ne dégénérant en abus qu'en cas de mauvaise foi ou intention de nuire prouvées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Succombant en leurs prétentions et en son recours, les époux X supporteront les dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu' ils puissent bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Il serait en outre inéquitable de laisser M. Y supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts en première instance et en cause d'appel ;

Ainsi, une indemnité de 2 000 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort ; Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne les époux X à verser à M. Y, une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Dit que les dépens d'appel seront supportés par les époux X et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.