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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 31 décembre 2012, n° 11/04537

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Oséo (SA)

Défendeur :

Abbadie (ès qual.), Livolsi (ès qual.), 2 Moro (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertrand

Conseillers :

Mme Bui Van, Mme Sayous

Avocats :

SCP Piault Lacrampe Carraze, Me Mahieu, SCP Duale/Ligney, Me Declety, Me Fromiga

T. com. Bayonne, du 5 déc. 2011

5 décembre 2011

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant acte sous seing privé du 13 août 2008, la SA OSEO FINANCEMENT, actuellement dénommée la OSEO, a consenti à la SAS 2 MORO, représentée par Monsieur Bruno B., son président, un prêt de 400.000 € destiné à renforcer sa structure financière, remboursable sur une durée de 6 ans en 20 versements trimestriels comprenant l'amortissement du capital, le paiement des intérêts et du complément de rémunération égal à 0,1467 % du quart du chiffre d'affaires HT annuel au taux de 6,67 % l'an jusqu'au 13 septembre 2008 et au-delà à un taux majoré ou minoré de la variation du TME (taux moyen mensuel de rendement des emprunts de l'État à long terme).

En garantie a été notamment institué un gage d'espèces de 20.000 € sur les fonds prêtés, rémunéré au taux de référence du prêt au jour du décaissement.

Le 4 octobre 2010, le tribunal de commerce de Bayonne a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SAS 2 MORO et désigné Maître Jean Marc LIVOLSI, administrateur judiciaire et Maître Jean Pierre ABBADIE, mandataire judiciaire.

La SA OSEO a déclaré sa créance le 19 octobre 2010 pour les sommes de 22.466,50 €, à titre privilégié gagiste et de 330.586,78 €, à titre chirographaire, outre intérêts.

Elle a été contestée par la SAS 2 MORO au motif que la débitrice était désormais la SARL 2 MORO CONSULTING en raison d'un traité d'apport partiel d'actifs du 25 août 2009, placé sous le régime des scissions, confirmé par une assemblée générale extraordinaire du 26 août 2009.

Par ordonnance du 5 décembre 2011, à laquelle il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le juge commissaire a :

- rejeté les créances déclarées par la SA OSEO,

- condamné la SA OSEO à payer à la SAS 2 MORO la somme de 1.500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- passé les dépens en frais privilégiés.

Par déclaration du 19 décembre 2011, la SA OSEO a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 avril 2012, elle demande de :

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- ordonner l'admission de sa créance pour les montants suivants :

* créance échue au 4 octobre 2010 : 27 694,83 € TTC,

* créance à échoir au 4 octobre 2010 : 325 358,45 € TTC,

- et ce outre intérêts au taux contractuel fixe de 6,67 % l'an,

- et outre intérêts de retard au taux contractuel fixe de 9,67 % l'an (taux contractuel majoré de trois points),

- dire et juger que cette admission interviendra à titre privilégié, en vertu du gage espèces portant sur une somme de 20.000 €, prélevée sur les fonds empruntés et rémunéré au taux de l'index du prêt,

- dire et juger que cette admission interviendra à titre privilégié en vertu du gage espèces pour un montant de 22.466,50 € et à titre chirographaire pour montant de 330.586,78 € ,

- dire et juger que les dépens de la présente procédure constitueront des frais privilégiés,

- débouter Maître ABBADIE, ès qualités et la SAS 2 MORO de leurs demandes,

- les condamner chacun à payer la somme de 3.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- passer les dépens en frais privilégiés, avec application pour ceux d'appel des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir notamment que la seule information selon laquelle un apport partiel d'actif est intervenu, ne signifie en aucune manière que cette opération a pu emporter transfert à la société 2 MORO CONSULTING des obligations du prêt, alors que l'activité de la SAS 2 MORO s'est poursuivie et que cette dernière n'a cessé de se comporter comme la véritable débitrice, en continuant de s'acquitter des échéances jusqu'au 30 septembre 2010 concomitamment à l'ouverture de la procédure de sauvegarde ; qu'elle n'a jamais été informée d'une quelconque modification des modalités de règlement des échéances dans les conditions prévues par le contrat ; que de son côté la société 2 MORO CONSULTING n'a jamais procédé au règlement des échéances contractuelle, étant précisé qu'elle à fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 23 août 2010, convertie en liquidation judiciaire le 7 février 2011 ; que l'article L. 622-7 du code de commerce prohibe le paiement de toutes les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture ; que tel n'a pas été le cas puisque les échéances ont été réglées jusqu'au 30 septembre 2010.

Elle soutient, quand bien même serait-il considéré que le contrat de prêt a été cédé, que cette cession lui est inopposable au visa de l'article 1271 du code civil, aux termes duquel la novation ne s'opère que lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier ; que lors de l'apport partiel d'actif, les contrats conclus intuitu personae, tels que les contrats de prêt, ne sont transmissibles qu'avec l'accord du prêteur.

Elle fait grief au juge commissaire d'avoir considéré que l'article exigibilité anticipée du contrat de prêt n'imposait pas son accord préalable lors d'une opération d'apport partiel d'actif mais uniquement en cas de cession d'actions ou d'un détournement des fonds de l'objet initial stipulé, alors qu'il ne fait aucun doute que l'apport partiel d'actif intervenu constitue au sens de cette clause contractuelle, une opération de fusion, de cession d'actifs ayant modifié la base de perception de la rémunération allouée au prêteur, ou une opération constituant le changement de l'activité de l'emprunteur, ou un événement important de nature juridique ou financière ayant des conséquences majeures sur l'activité ou la rentabilité de l'emprunteur.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 mars 2012, la SAS 2 MORO demande de :

- rejeter la déclaration de créance de la SA OSEO,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

- débouter la SA OSEO de ses demandes,

- condamné la SA OSEO à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, avec application de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 mars 2012, Maître ABBADIE, ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS 2 MORO, demande de :

- rejeter la déclaration de créance de la SA OSEO,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

- débouter la SA OSEO de ses demandes,

- condamné la SA OSEO à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, avec application de l'article 699 du même code.

La SAS 2 MORO et Maître ABBADIE font tous deux valoir que dans le cadre de l'apport partiel d'actifs du 25 août 2009, placé sous le régime des scissions, tous les éléments d'actif et de passif de la branche complète autonome d'activité de conseil en management de la SAS 2 MORO ont été par l'effet des dispositions de l'article L. 236-3 du code de commerce transférés à sa filiale, dont la dette contractée auprès de la SA OSEO ; que dès lors seule la société 2 MORO CONSULTING est tenue des obligations du contrat de prêt visé expressément dans le traité d'apport ; que le simple fait que le relevé d'identité bancaire initialement fournie soit demeuré inchangé ne saurait à lui seul remettre en cause le transfert du prêt.

Ils prétendent également que le transfert du prêt est parfaitement opposable à tous ses créanciers, l'opération d'apport partiel d'actifs ayant donné lieu à toutes les formalités indispensables, sans recours de la part de la SA OSEO ; que l'apport des éléments de passif se rattachant à la branche d'activité est réalisé de plein droit, sans autre formalité et sans recourir à la théorie de la novation.

Ils contestent également les prétentions de la SA OSEO sur le fondement de la clause d'exigibilité anticipée du contrat considérant que ses dispositions ne visent expressément que la cession d'actions et non pas les opérations d'apport partiel d’actifs ; qu'en ce qui concerne le changement d'activité de l'entreprise l'article vise expressément le cas où les fonds seraient détournés de l'objet stipulé ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Assigné par actes d'huissier, à domicile le 13 février 2012 et à personne le 3 avril 2012, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS 2 MORO, Maître Jean Marc LIVOLSI, n'a pas constitué.

L'instruction a été clôturée le 19 septembre 2012 et l'affaire fixée le 23 octobre 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

Suivant acte sous seing privé du 25 août 2009 la SAS 2 MORO a fait l'apport à la SARL 2 MORO CONSULTING, dont le gérant est également Monsieur Bruno B., de sa branche complète d'activité de conseil en management.

Cet apport partiel d'actif, placé sous le régime des scissions prévu aux articles L. 236- 23 et L. 236-24 du code de commerce, englobe notamment les emprunts auprès des établissements de crédit pour un montant de 400.000 €, ce passif devant être supporté par la société bénéficiaire sans solidarité avec la société apporteuse.

La banque n'a pas donné son accord à la transmission du contrat de crédit et c'est dans le cadre de la procédure de vérification de créances que la SAS 2 MORO la lui a opposée.

Il n'est pas contesté qu'en cas d'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions s'opère de la société apporteuse à la société bénéficiaire une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité qui en est l'objet, et que cet apport est réalisé de plein droit sans recourir à la théorie de la délégation ou de la novation et sans qu'il y ait lieu d'accomplir les formalités de l'article 1690 du code civil pour rendre la cession opposable aux créanciers.

Cependant, il est constant que les contrats conclus intuitu personae font exception à la transmission universelle (cf Cass. com.,24 nov. 2009, n° 08-16.428, et Cass. com.15 mars 2011, n° 10-11.650).

En l'espèce, la convention de crédit impliquant la confiance du prêteur a été conclue en considération de la personne et de la solvabilité de l'emprunteur à savoir la SAS 2 MORO, peu importe à cet égard contrairement aux motifs retenus par le premier juge l'identité de dirigeant social avec la SARL 2 MORO CONSULTING, de sorte qu'elle ne pouvait être transmise sans l'accord de la banque nonobstant l'absence d'opposition à l'apport partiel d'actif.

En conséquence, la décision déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.

Il sera fait droit la demande de la SA OSEO qui justifie de sa créance pour son montant déclaré, qui n'est au demeurant pas contesté par la SAS 2 MORO, de sorte qu'elle sera fixée à titre privilégié à la somme de 22.466,50 € en vertu du gage d'espèces et à celle 330.586,78 € à titre chirographaire.

Les dépens seront passés en frais privilégiés, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il serait également inéquitable de laisser à la charge de la SA OSEO les frais non compris dans les dépens Aussi, il convient de lui allouer la somme de 2.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Fixe la créance de la SA OSEO au passif de la SAS 2 MORO, à la somme de 22.466,50 € à titre privilégié en vertu du gage d'espèces et à celle 330.586,78 € à titre chirographaire,

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS 2 MORO à payer à la SA OSEO la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.