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Le droit économique en 500 conseils

Les rédacteurs de l’ordonnance du 1er décembre 1986 voulaient clairement dépénaliser le droit de la concurrence, dans toutes ses composantes, droit des pratiques restrictives et plus encore, droit des pratiques anticoncurrentielles. Le droit pénal ne devait plus jouer dans ce dernier domaine qu’un rôle subsidiaire. Or, plus de trente ans après, le risque pénal non seulement existe toujours, mais a …

Comment limiter le risque pénal en droit de la concurrence ?

L’Autorité de la concurrence (ADLC) a récemment soumis à consultation publique un nouveau document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence appelé à remplacer celui du 10 février 2012, devenu obsolète et retiré par l’ADLC à la suite de la réforme de la procédure de non-contestation des griefs et de son remplacement par une procédure de transaction. La consultation publique est ouverte jusqu’au 10 décembre 2021 sur l’adresse : conformite@autoritedelaconcurrence.fr

Le projet publié répond-il aux attentes des entreprises en la matière ? Il est indéniable qu’il fournit des préconisations et une trame de programme de conformité très utile que les entreprises peuvent adapter à leur situation spécifique. En revanche, le programme demeure encore trop orienté en faveur de la seule politique de répression de l’Autorité et n’incite pas suffisamment les entreprises à s’inscrire dans une démarche de conformité. Une telle incitation devrait passer par une réduction de l’amende de base en cas d’adoption d’un programme et d’une majoration de la réduction d’amende en cas d’arrêt de pratiques anticoncurrentielles à la suite de la mise en œuvre d’un programme de conformité. Par ailleurs, il paraît indispensable d’éviter des auto-incriminations du fait de la mise en œuvre d’un programme en reconnaissant le legal privilege au bénéfice des juristes d’entreprise et le secret professionnel des avocats tant en matière de conseil que de défense en droit de la concurrence.

I. Un modèle de programme de conformité utile pour les entreprises

L’ADLC recommande d’établir un programme de conformité comportant (i) une prise de position claire, ferme et publique des dirigeants et mandataires sociaux en faveur du respect des règles de concurrence ; (ii) la désignation d’une ou plusieurs personnes chargées du programme, disposant de la compétence et de l’autorité nécessaire et des moyens suffisants ; (iii) des mesures effectives d’information, de formation et de sensibilisation ; (iv) des mécanismes effectifs de contrôle, d’audit et d’alerte et (v) un dispositif effectif de suivi. Le code de conduite devrait être complété par un dispositif d’alerte interne permettant à tout membre de l’entreprise de bénéficier de conseils et de signaler de bonne foi, si possible de manière confidentielle, et en étant assuré de ne pas subir de représailles, des infractions avérées ou possibles au droit de la concurrence. Il est tout à fait possible de s’inspirer de ces principes pour mettre en place un programme de conformité au sein des entreprises, en les adaptant bien entendu à la cartographie des risques spécifiques de concurrence du secteur et de l’entreprise. Une entreprise en position dominante devra par exemple développer toute une série de mesures pour traiter des risques de pratiques d’abus qu’une entreprise de droit commun pourra aborder de façon beaucoup plus limitée et plutôt afin d’informer les cadres et les dirigeants sur les recours de leur entreprise au cas où elle serait victime d’abus de position dominante de tiers. L’ADLC indique à juste titre que le programme doit être créé sur mesure.

2. Un rappel opportun de l’importance du droit de la concurrence. 

L’Autorité de la concurrence rappelle à juste titre l’importance d’une concurrence libre et non faussée en termes d’offre diversifiée de produits et de services et de dynamique des marchés. Elle souligne également l’importance de la prévention des risques financiers et d’atteinte à la réputation des entreprises en cas d’infraction ainsi que le rôle moteur des avocats, des juristes d’entreprise et des syndicats professionnels en vue de mettre en œuvre les programmes de conformité en partenariat avec les autorités de concurrence.

Malheureusement, il manque une série de mesures complémentaires pour que ces bonnes intentions se concrétisent de manière efficiente en pratique.

II. Les limites de la politique de conformité proposée par l’Autorité de la concurrence

3. Un document trop orienté vers l’intérêt de l’ADLC en tant qu’autorité de poursuite.

L’ADLC reconnaît qu’un programme de conformité permet de respecter le droit et de prévenir le risque d’infraction aux règles en détectant de façon précoce des pratiques anticoncurrentielles. Mais pour elle, cette détection a pour objet de permettre “ le signalement des infractions pour bénéficier de la procédure de clémence ”. Or, une telle solution n’est absolument pas satisfaisante. La clémence n’est pas ouverte en cas d’ententes verticales. L’entreprise qui a découvert et mis fin à une entente verticale grâce à un programme de conformité ne dispose d’aucune solution, sauf à espérer ne pas attirer l’attention des autorités pendant cinq ans. De même, en cas d’entente horizontale, très souvent un programme de conformité ne permet que de mettre à jour des indices d’accords ou de concertation sans permettre la constitution d’un dossier de clémence. Là encore, l’entreprise qui met fin à une dérive se trouve totalement démunie. Dans les deux cas, le programme de conformité pourra même éventuellement se retourner contre elle, car les audits, recommandations et mesures correctrices du compliance officer mettant fin à l’infraction peuvent constituer autant de preuves à charge en cas d’enquête ultérieure.

4. Une absence totale d’incitation à la mise en place de tels programmes par le biais de réductions d’amendes. 

Selon la jurisprudence européenne la plus récente , la mise en place d’un programme de conformité interne à l’entreprise ne change rien au fait que celle-ci a participé à des échanges anticoncurrentiels. L’ADLC adoptait déjà la même position dans son document-cadre du 10 février 2012 : “ en effet, force est de constater que, lorsqu’une infraction a été commise en dépit de l’existence d’un programme de conformité, cet élément ne change rien à la réalité de l’infraction (…). L’Autorité considère que cet élément ne mérite pas d’être pris en considération dans le cadre de l’individualisation de sa sanction, dès lors qu’il n’a pas empêché l’infraction d’advenir ”. Le droit positif ignore ainsi totalement la théorie des incitations pourtant reconnue depuis longtemps par l’analyse économique. En droit américain, l’existence d’un programme de conformité robuste a depuis longtemps été associée à une réduction d’amende. En 2019, le Department of Justice a indiqué prendre en considération les programmes dès le stade des poursuites. Une étude de l’OCDE de 2021 confirme qu’un nombre croissant d’autorités de concurrence dans le monde tient compte au stade des amendes de l’existence de programmes de conformité (Canada, Allemagne, Chine, Hongrie, Pays-Bas et Brésil). Dès lors que le nouveau communiqué Sanctions de l’ADLC va conduire de facto à un doublement automatique du montant des amendes. Ne serait-il pas admissible d’accorder au moins 10 % de réduction pour la mise en place d’un programme de conformité même non fructueux, et 50 % de réduction au cas où il aurait permis de mettre fin à une infraction ?

5. L’absolue nécessité de mesures de protection des avis de conformité des juristes d’entreprise et des avocats de concurrence. 

Afin d’éviter que les efforts faits par les juristes d’entreprise pour détecter et mettre fin aux infractions ne soient utilisés par les autorités pour en établir la preuve a posteriori, le legal privilege s’impose pour leurs consultations et avis de conformité. De même, bien que la loi Dupont-Moretti semble avoir restauré partiellement la protection du secret professionnel en matière de conseil au-delà de la simple défense contentieuse, il est indispensable de garantir la confidentialité absolue des conseils des avocats tendant aux mêmes fins.

TUE, 29 sept. 2021, T-342/18, LawLex202100005422JBJ.

(...) 550 En effet, d’une part, il ressort de l’examen du premier et du deuxième moyen, que, nonobstant ses préoccupations alléguées, la requérante a continué à participer régulièrement à des réunions et contacts bilatéraux et trilatéraux anticoncurrentiels et à échanger des informations commerciales sensibles. D’autre part, les préoccupations de la requérante concernant la légalité des réunions suggèrent au contraire que celle-ci avait conscience d’enfreindre les règles de concurrence. En tout état de cause, la mise en place d’un programme de mise en conformité est un aspect interne à l’entreprise qui ne change rien au fait qu’elle a participé à des échanges anticoncurrentiels. (...)

Le projet de document-cadre de l’Autorité de la concurrence sur les programmes de conformité répond-il aux attentes des entreprises ?

Le droit français distingue traditionnellement en matière de concurrence les enquêtes simples et les enquêtes lourdes. Les enquêtes lourdes, également appelées visites et saisies, sont de véritables perquisitions de concurrence. Inopinées, souvent déclenchées simultanément auprès de plusieurs entreprises suspectées de pratiques anticoncurrentielles, elles autorisent les agents de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence, accompagnés d’officiers de police judiciaire (OPJ), à accéder de 6 h du matin à 21 h (les opérations pouvant se prolonger au-delà) aux locaux professionnels et personnels avec un véritable droit de fouille et de saisie. L’enquête lourde française nécessite une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention (JLD).

Les enquêtes simples sont présentées à l’inverse comme le miroir rassurant et non intrusif des enquêtes lourdes. Ce serait de simples démarches de l’Administration sans contrôle judiciaire préalable menées sans assistance d’un OPJ dès lors qu’il s’agit simplement, pendant les heures d’activité, de réaliser une enquête sans droit de fouille ni accès au domicile privé (sauf accord exprès de l’occupant), avec la seule faculté de solliciter la communication de documents et de renseignements. Dans la vraie vie, les choses ne sont pas aussi idylliques. Toute obstruction à une enquête simple est sévèrement condamnée (emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euro). Les questions des enquêteurs donnent généralement lieu à un procès-verbal qu’ils rédigent eux-mêmes avec une faculté limitée de corrections. Enfin et surtout, depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, les autorités de concurrence se sont vu octroyer le droit d’accéder aux logiciels et données stockées dans le cadre d’enquêtes simples. Lors des débats parlementaires auxquels a donné lieu la loi Hamon, le ministre de la Consommation et le rapporteur du projet de loi se sont voulus rassurants : jamais cette faculté ne serait utilisée pour aller à la pêche aux informations ni procéder à des collectes globales de documents ; les agents seraient toujours dans l’obligation de solliciter la communication de documents préalablement identifiés.

Il n’en va pourtant pas ainsi en pratique : cette disposition est en effet utilisée pour effectuer des saisies globales à partir de mots-clés en toute impunité et sans aucune autorisation judiciaire préalable. Il suffit ainsi aux agents de demander à une assistante de s’installer à un ordinateur, de leur fournir tous les fichiers correspondant à un mot-clé, un nom de client ou de concurrent par exemple, avant de repartir avec des centaines ou des milliers de fichiers. La pêche aux informations ainsi réalisée n’est susceptible d’aucun recours immédiat et sera inévitablement validée dans le cadre du recours au fond, une fois que l’entreprise aura été condamnée grâce à l’un des fichiers saisis par ce biais . Compte tenu de ces dérives, les entreprises doivent absolument s’être bien préparées aux enquêtes simples, beaucoup plus compliquées et risquées pour elles qu’elles ne l’imaginent a priori.

Éviter de commettre des erreurs au stade de la prise de contact des enquêteurs avec l’entreprise.

L’enquête simple peut être inopinée. Dans ce cas, outre la vérification des cartes d’identité professionnelles des agents, l’entreprise s’efforcera d’obtenir des informations sur l’objet de l’enquête, car la mention pré-imprimée des procès-verbaux selon laquelle les agents l’ont informée de l’objet de l’enquête fait souvent figure de clause de style. Lorsque la demande de rendez-vous intervient par téléphone, l’entreprise sollicitera un délai, s’enquerra de l’objet de l’enquête (la Cour de cassation considère en effet que la mention pré-imprimée sur le procès-verbal indiquant que l’objet de l’enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue, vaut communication de son objet sauf preuve contraire : Cass. com., 20 nov. 2001, BOOC, 31 déc. 2001), préviendra immédiatement le responsable juridique et le compliance officer de l’entreprise et s’assurera ex parte de l’authenticité de l’appel.

L’entreprise se fera assister par un avocat et/ou un juriste d’entreprise. Il convient de répondre très brièvement aux questions, sans chercher nécessairement des réponses que l’on ignore (il ne s’agit pas d’un examen ou d’un concours), d’éviter d’incriminer ses concurrents en croyant se sauver soi-même ou de commenter des mails ou des déclarations dont on n’est pas l’auteur et d’aller au-delà des questions posées. En cas de demande de documents informatiques sur la base de mots-clés, il convient de faire valoir l’illégalité de la demande et de noter ses réserves dans le procès-verbal en cas d’insistance des agents afin d’éviter à la fois toute remise qualifiée de volontaire et toute obstruction.

Être vigilant lors de la rédaction du procès-verbal de déclarations et de remise de documents et le relire scrupuleusement.

Les enquêteurs rédigent le procès-verbal et résument les déclarations qu’ils entendent. Faute d’enregistrement, l’enjeu consiste à éviter que ne soient retenues que des déclarations à charge et que le résumé interprète et déforme les propos tenus. Il ne faut pas hésiter dès lors à rectifier immédiatement toute mauvaise interprétation des déclarations ou toute dénaturation des réponses aux questions posées. Des reformulations ou des précisions sont souvent nécessaires. Il faut prendre le temps de relire attentivement le texte du procès-verbal.

Le régime de l’enquête simple dans son ensemble ne correspond pas aux garanties qui devraient être accordées aux entreprises dans un Etat de droit. Les mentions pré-imprimées de communication de l’objet de l’enquête alors que celle-ci n’a pas eu lieu en pratique ne sont pas admissibles. La faculté de fouille informatique des ordinateurs résultant du flou de la loi Hamon constitue un détournement du texte, contraire aux garanties de l’inviolabilité du domicile et au secret des correspondances. Enfin, l’absence de tout recours immédiat contre des enquêtes dans les locaux de l’entreprise ne correspond pas au droit à un recours effectif pourtant garanti par la CEDH. Espérons que la jurisprudence évolue à l’occasion d’affaires en cours qui mettent en cause la régularité d’enquêtes simples ou que les textes sur l’unification du régime des enquêtes de concurrence dans l’Union européenne apporteront de meilleures garanties aux entreprises.

Paris, 26 oct. 2017, LawLex201700001736JBJ

Caisse des Dépôts et Consignations; Services Conseil Expertises Territoire (Sté) c. Autorité de la concurrence

La Cour : (...) Les dispositions de l’article L. 450-3 alinéa 4 et 5 du Code de commerce, dans sa version résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, sur la base desquelles les enquêteurs ont obtenu communication et pris copie des documents en cause, sont ainsi rédigées : «Les agents peuvent exiger la communication des livres, factures et autres documents professionnels et obtenir ou prendre copie de ces documents par tout moyen et sur tout support. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification, nécessaires au contrôle.

Pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle «.

Il est de principe que ces dispositions ne permettent pas aux enquêteurs de demander la communication, d’une manière générale et imprécise, de tous les documents se trouvant dans les postes informatiques de l’entreprise ; mais cette limite aux pouvoirs des enquêteurs ne saurait être interprétée comme exigeant de leur part qu’ils connaissent a priori l’existence et la dénomination de chacun des documents communiqués, ces informations n’étant, par définition, connues que du seul utilisateur du poste informatique.

Il convient, en revanche, que, comme cela a été le cas en l’espèce, les documents intéressant les enquêteurs aient été identifiés par eux comme étant les documents relatifs aux consultations menées par l’EPORA en vue de la passation des marchés d’assistance foncière.

Enfin, la société SCET soutient que les enquêteurs ont procédé eux-mêmes aux recherches de documents sur le poste informatique de son agence ou, à tout le moins, que le procès-verbal des opérations ne permet pas de s’assurer que tel n’a pas été le cas.

Cette allégation, cependant, est contredite par les termes mêmes de ce procès-verbal, qui retrace ainsi le déroulement des opérations : «En la présence de M. F... [consultant foncier au sein de la SCET] nous procédons au formatage d’une clé USB d’une capacité de 8 GO que nous lui remettons afin de permettre la communication des fichiers informatiques «(cote 85). Il ressort sans équivoque de cette mention du procès-verbal, qui fait foi jusqu’à preuve contraire, que les fichiers informatiques stockés dans l’ordinateur de la société SCET ont été remis en copie par un de ses collaborateurs aux enquêteurs, sans que ceux-ci se livrent eux-mêmes à aucune recherche, aucun autre élément ne démontrant l’inverse (...).

Faut-il craindre les enquêtes simples de concurrence de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence ?

Le Code de commerce français prévoit deux types d’enquêtes administratives en matière de concurrence : les enquêtes simples, engagées sans autorisation judiciaire, dans lesquelles les enquêteurs ne disposent pas de pouvoir coercitif et les enquêtes lourdes, appelées “visites et saisies”, qui constituent de véritables mesures de perquisition et nécessitent une autorisation préalable du Juge des Libertés et de la Détention (JLD). Les enquêtes les plus redoutables et les plus traumatisantes sont bien entendu les enquêtes lourdes, au cours desquelles les agents de l’Administration, accompagnés par des forces de police ou de gendarmerie, procèdent à une perquisition des locaux professionnels ou des domiciles assortie du pouvoir de saisir notamment les documents informatiques ou papier qui leur permettront de prouver les infractions au droit de la concurrence. Même si elles sont beaucoup moins fréquentes et obéissent à un régime procédural propre, les enquêtes européennes effectuées en France avec l’assistance des autorités nationales ressemblent beaucoup en pratique aux enquêtes lourdes. Que faire en cas de perquisition de concurrence ?

Pour éviter désorganisation et panique dans l’entreprise, il est très utile de s’être préparé à l’éventualité de perquisitions de ce type et d’avoir mis au point une procédure de réception des enquêteurs, allant du personnel de réception au directeur juridique sans omettre une formation des membres du comité de direction et des opérationnels susceptibles d’être concernés. À défaut, il est indispensable de ne pas perdre son sang-froid et de prendre calmement des mesures d’accompagnement et de supervision des opérations, afin de préserver les intérêts de l’entreprise et de veiller au respect de ses droits.

Même si le rôle de l’avocat pendant la durée de l’enquête est assez restreint, sa présence permettra d’assurer un meilleur équilibre en veillant au respect des droits de l’entreprise et à la garantie du secret professionnel sur les correspondances privilégiées entre l’entreprise et ses avocats. Il a été jugé que la simple information donnée oralement de la faculté pour l’entreprise de se faire assister d’un conseil était suffisante et n’entraînait pas la nullité des opérations . En revanche, le refus opposé par l’administration à l’entrprise de prévenir son conseil est systématiquement sanctionné par la Cour de cassation (Cass. crim., 25 juin 2014, n°13-81.471 ; 4 mai 2017, n°16-81071 et n°16-81060 ; Paris, 5-15, ord. 28 mars 2018, n°17/16586, Darty).

Désigner, dès le début des opérations, un interlocuteur privilégié des agents de l’Administration, qui sera chargé de les recevoir, vérifier leur habilitation, prendre connaissance de l’objet de l’enquête, répondre aux questions ou désigner les personnes aptes à y répondre.

Faire systématiquement appel au service juridique de l’entreprise.

En coopération avec les avocats, celui-ci vérifiera la régularité des saisies, notera les dépassements de l’autorisation judiciaire, apportera toutes réserves au procès-verbal, s’assurera que l’entreprise dispose d’une copie des pièces saisies et accompagnera les enquêteurs partout où ils se rendront.

Indiquer d’ores et déjà aux enquêteurs les documents considérés comme confidentiels, que l’entreprise ne souhaite en aucun cas voir porter à la connaissance des concurrents.

Ne jamais entraver l’action des enquêteurs.

L’entrave est en effet sanctionnée par une amende pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Si l’enquête dure plus d’une journée, veiller tout particulièrement à éviter tout bris de scellés y compris par une négligence comme celle des services de nettoyage .

L’entreprise a le droit de ne pas répondre à certaines questions, lorsqu’elles conduiraient à avouer une infraction.

Vérifier attentivement le contenu du procès-verbal avant de le signer et ne pas hésiter à y faire consigner des réserves.

Dès lors que la jurisprudence considère que l’entreprise n’a pas le droit de contacter directement le JLD en cours de perquisition pour le saisir des irrégularités dans le déroulement de la perquisition, mais doit s’adresser aux OPJ présents qui peuvent s’abstenir de contacter le JLD (Cass. crim., 28 juin 2017, n°16-81.413 et 16-81.414, ITM), il est impératif de consigner toutes les réserves que soulève la procédure au procès-verbal.

B. Après les opérations de perquisition

Faire un debriefing des opérations, pour analyser la situation, évaluer les risques et prendre les mesures nécessaires à la défense de l’entreprise.

Former, le cas échéant, un recours à l’encontre de l’ordonnance du JLD ayant autorisé la perquisition.

Ce recours doit être porté devant le premier président de la cour d’appel dans les 10 jours de la notification de l’ordonnance. L’ordonnance du Premier Président est elle-même susceptible d’un pourvoi en cassation dans les 15 jours de sa notification.

Former, le cas échéant, un recours contre le déroulement de la perquisition elle-même, dans un délai de 10 jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l’inventaire, porté également devant le premier président de la cour d’appel.

Il convient de prendre garde au fait qu’il doit s’agir d’un recours séparé. Pourrait par exemple être mis en cause dans le cadre du recours contre le déroulement des opérations de visites et saisies, la régularité de la notification de l’ordonnance autorisant les visites et saisies et du procès-verbal de notification, la régularité de la possibilité de contacter les avocats de l’entreprise, la saisie de documents couverts par le secret de la correspondance avocats-clients, la saisie de documents hors du champ de l’enquête et la régularité des procès-verbaux dressant l’inventaire des documents saisis.

Même si le droit positif admet les saisies globales de messageries et offre peu de garanties et de recours effectif aux entreprises, épuiser toutes les voies de recours pour les contester.

La jurisprudence française admet les saisies globales de messagerie, même lorsqu’elles comportent des correspondance avocat-client  . La saisie de correspondances avocat-client sera en pratique condamnée ex post, mais l’annulation limitée à ces seules saisies sans affecter la validité globale des opérations (Paris, 8 nov. 2017, Whirpool France, RG n°14/13384 ; Cass. crim., 20 déc. 2017, n°16-83.468, Apple et n°16.83-469, Tech Data). Il convient de contester de telles saisies qui ne semblent pas conformes à la CEDH en n’hésitant pas à porter la question devant la Cour européenne des droits de l’homme après avoir épuisé les voies de recours internes, même si la jurisprudence rendue à ce jour demeure décevante (CEDH, 5e sect., 21 mars 2017, req. n°33931/12, Janssen Cilag SAS/France considérant que le cadre légal français des visites et saisies est compatible avec l’article 8 de la CEDH) La jurisprudence récente a de la même manière validé la pratique désormais courante des scellés fermés provisoires tant en matière de concurrence  qu’en matière de tromperie (Cass. crim., 4 mars 2020, LawLex202000000354JBJ).

Examiner l’opportunité de présenter une demande de clémence.

Bien que l’autorité de concurrence dispose d’éléments de preuve grâce à l’enquête lourde, il peut s’avérer opportun de demander la clémence afin de bénéficier d’une réduction d’amende partielle en apportant une plus-value au dossier de l’autorité.

Définir les actions de conformité nécessaires.

Même si l’entreprise ne demande pas la clémence, elle doit s’interroger sur les corrections à apporter à ses pratiques et sur l’amélioration de sa politique de conformité.

Cass. crim., 21 sept. 2011, n° 10-85.311, LawLex201100001671JBJ

La Cour : (...) Attendu que, pour écarter le moyen de nullité des opérations de visite pris de ce que la possibilité pour l’occupant des lieux de faire appel à un conseil de son choix n’a pas été notifiée au représentant de la société X, l’ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que satisfait aux exigences conventionnelles invoquées la notification verbale de la possibilité pour l’occupant des lieux de faire appel à un conseil de son choix, le juge a justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli (...).

Comm. CE, 30 janv. 2008, nº 39.326, LawLex201000000389JBJ

La Commission : (...) 99. Le but de l’apposition de scellés est d’empêcher que des preuves soient perdues ou puissent l’être pendant l’inspection. Elle sert donc à garantir l’efficacité des enquêtes de la Commission dans le cadre des inspections. Elle doit assurer que les objets ou locaux demeurent intacts et empêcher l’ouverture de ces objets ou locaux scellés par des personnes non autorisées ou permettre que cette ouverture soit détectée. L’apposition de scellés sur des locaux doit également permettre de ne pas devoir surveiller les locaux en question en permanence (par exemple pendant la nuit).

100. Toute altération du scellé tendant à indiquer que l’objet ou le local scellé a été ouvert ou a pu l’être doit donc être considérée comme un bris de scellés. Le fait que le scellé ait été endommagé (par exemple par découpage ou pliure) ou détruit (par exemple en étant totalement enlevé) ne saurait constituer un critère indispensable. Il est en revanche déterminant de tenir compte du fait que l’entreprise s’est procuré une possibilité d’accès en dépit de l’apposition des scellés. Il est donc également sans importance de savoir que l’équipe d’inspection s’est vu remettre une clé du local, dès lors que de nombreux autres exemplaires étaient en circulation. Enfin, un bris de scellés au sens de l’article 23, paragraphe 1, point e), du règlement (CE) nº 1-2003 ne suppose pas qu’il soit prouvé que la porte a effectivement été ouverte ou que les documents entreposés dans le local scellé ont été modifiés ou détruits.

(...) 105. Indépendamment du cas concret, il y a lieu de considérer qu’un bris de scellés représente une infraction grave. Ce qui est déterminant à cet égard, c’est que les appositions de scellés sont destinées à empêcher la (possibilité de) disparition de preuves pendant l’inspection, ce qui nuirait au bon déroulement de celle-ci. Il ne faut pas non plus oublier que l’amende doit avoir un effet dissuasif. Il ne doit pas être avantageux de briser un scellé pour une entreprise faisant l’objet d’une inspection.

(...) 108. À cela s’ajoute qu’un bris de scellé menace régulièrement de manière significative l’objectif de l’inspection de la Commission quand des documents sont stockés dans le local scellé (comme en l’espèce, où tous les documents découverts le premier jour se trouvaient dans le local scellé) ou quand des scellés sont apposés dans des locaux qui n’ont pas encore été inspectés. Il était essentiel que le scellé apposé sur le local demeure intact parce que les documents qui y étaient conservés n’avaient pas été inventoriés et photocopiés (en totalité) et qu’il n’a pas été possible d’établir, lors de la vérification opérée le 30 mai 2006, si certains documents étaient manquants (181). EE était informée de cet élément depuis le début et ne l’a contesté à aucun stade de la procédure (...).

Cass. crim., 29 juin 2011, n° 10-85.479, LawLex201100001420JBJ

La Cour : (...) Attendu que, pour écarter la demande d’irrégularité des opérations que la société X a présentée, en faisant valoir que les saisies avaient nécessairement porté atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances d’avocat, l’ordonnance, après avoir rappelé que les enquêteurs sont tenus au secret professionnel et que seule est prohibée l’utilisation dans une procédure de tels documents, énonce que la pratique de fouilles sommaires, dont le procès-verbal rend compte, permet aux enquêteurs de ne pas saisir des documents couverts par le secret ; que tel a été le cas, en l’espèce, s’agissant de l’ordinateur de la directrice juridique de la société X, la fouille sommaire pratiquée ayant convaincu les enquêteurs qu’il contenait surtout des documents couverts par le secret ; que le juge ajoute que, dès que les enquêteurs soupçonnent l’existence de documents incluant des données personnelles ou couvertes par le secret des correspondances d’avocat, ou si l’occupant des lieux les alerte, ils placent les données sous scellés et il est ultérieurement procédé, sous le contrôle du juge, à leur restitution (...) .

Paris, 25 oct. 2011, LawLex201100001765JBJ

Syndicat National des Fabricants d’isolants en laines minérales manufacturées c. Président de l’Autorité de la concurrence

La Cour : (...) Attendu, en second lieu, sur la saisie d’informations et de documents couverts par le secret professionnel protégeant la correspondance entre un avocat et son client, qu’il convient de constater que l’Autorité déclare qu’elle n’est pas opposée à la restitution d’un document papier (scellé 11, pièce 1-3, compte rendu de réunion chez Maître Meffre du 25 juin 2001) qui constitue manifestement une correspondance avocat-client ; que, par ailleurs, si certaines messageries électroniques saisies contiennent des échanges entre la société Afflelou et ses avocats, force est cependant de constater que cette situation ne procède pas d’une recherche délibérée par les rapporteurs de correspondances étrangères à leur mission, mais constitue seulement le résultat, d’une part, du caractère composite du contenu des fichiers de messagerie qui comportent chacun une multitude de messages et, d’autre part, de la nécessité où se trouvaient les rapporteurs, en l’état actuel des techniques informatiques, après constatation que ces fichiers contenait bien des éléments entrant dans le champ de l’autorisation judiciaire, d’en effectuer une copie en intégralité (...) ;

Attendu, dès lors, qu’en cet état et à ce stade de la procédure, il convient seulement de constater que l’Autorité de la concurrence déclare qu’elle ne s’oppose pas à la restitution par destruction d’une série de messages et de documents dans les conditions qui seront précisées au dispositif (...).

Paris, 11 déc. 2019, LawLex201900001552JBJ

Association pour le développement du service notarial et autres c. Autorité de la concurrence

(...) E- Sur les prétendues absences répétées des OPJ lors des opérations d’ouverture des scellés fermés provisoires à Paris et Venelles.

L’article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit pas de « présence ininterrompue « de l’OPJ, l’alinéa 3 leur confère des missions précises. L’article L. 450-4 du Code de commerce ne renvoie à l’article 56 du CPP uniquement en ce qui concerne les inventaires et mises sous scellés.

Les opérations d’ouverture de scellés fermés provisoires ont pour objectif la suppression des documents protégés, il a été jugé que cette procédure ne porte aucune atteinte aux droits fondamentaux et notamment aux droits de la défense, ces opérations étant la continuation des opérations de visite et de saisie, le principe du contradictoire ne leur est pas applicable.

Il ressort des PV que les requérantes ont été assistées par leurs conseils. Ainsi le respect du secret professionnel et des droits de la défense a pu être garanti tout au long de la procédure d’expurgation des correspondances avocat- client par la présence effective des conseils des requérants, de plus il est rappelé que les opérations d’ouverture des scellés provisoires fermés ont pour objectif la suppression des documents protégés, identifiés au préalable par les requérants, les rapporteurs s’attèlent uniquement et exclusivement à l’effacement des documents protégés signalés par les requérants dans les fichiers informatiques sélectionnés lors des opérations antérieures des 17 et 18 octobre 2017, de sorte que l’absence momentanée des OPJ pendant les opérations d’effacement, des documents protégés, en présence de l’occupant des lieux et de ses conseils, ne saurait porter atteinte aux droits des requérants (CA de Paris, Premier président du 17 mai 2017 - 16/17167 société showroomprivé.com).

Il ressort des PV que l’autorisation donnée aux OPJ de s’absenter, tout en restant joignables, est justifiée par la probabilité d’une durée importante des opérations d’élimination eu égard aux listes volumineuses de documents produits par les requérants (12 084 pour le CSN et 10 404 pour l’ADSN), que cette autorisation a de plus été accordée par le JLD. Il est demandé le rejet du moyen (...)

Que faire en cas de perquisition par les autorités de concurrence ?

En droit français, les entreprises peuvent être confrontées à des auditions dans le cadre des enquêtes de concurrence conduites par la DGCCRF et/ou au cours de l’enquête préparatoire menée par le rapporteur chargé de l’instruction devant l’Autorité de la concurrence. Dans les deux cas, les représentants des entreprises sont très peu informés. Les enquêteurs de la DGCCRF ne sont pas obligés de confronter les responsables des entreprises avec les auteurs des déclarations les mettant en cause, ni de les interroger sur les pièces saisies chez les tiers .

Même lorsqu’elles sont auditionnées par le rapporteur de l’Autorité de la concurrence, les entreprises n’ont pas droit à la communication du dossier, puisque l’article L. 463-2 du Code de commerce ne prévoit une telle formalité que si la saisine est suivie d’une notification des griefs  . Le rapporteur dispose d’un large pouvoir d’appréciation sur la conduite des investigations. Il procède aux auditions qu’il estime nécessaires et n’est pas obligé d’entendre les parties poursuivies . Il n’est pas davantage tenu de confronter les responsables entendus avec les auteurs des déclarations les mettant en cause, ni de les interroger sur les pièces litigieuses saisies chez des tiers . Même si le rapporteur doit indiquer aux intéressés le cadre général au sein duquel se situe l’audition , il n’a pas à leur faire savoir, avant la notification des griefs, quelles pratiques leur sont reprochées , ni dans quelle mesure ils sont mis en cause dans la procédure . Face à une telle procédure, très inquisitoire et très peu protectrice des droits des entreprises, qui ne correspond plus à l’état de la société française, comment préparer les auditions et quelles précautions prendre ?

Une audition ne s’improvise pas. Même lorsque l’on estime n’avoir rien à se reprocher, elle exige un travail de préparation important. Un procès-verbal d’audition n’apporte, généralement, que peu d’éléments en faveur de la position des entreprises, mais il peut contenir des déclarations à charge, dont les auteurs ne mesurent souvent pas la portée. Plusieurs rendez-vous de préparation destinés à la remémoration des faits, à l’identification des charges possibles et à l’entraînement à l’audition sont absolument nécessaires.

L’assistance d’un avocat, expressément prévue devant le rapporteur de l’Autorité de la concurrence, est admise, en pratique, lors des auditions de la DGCCF. Elle est toujours recommandée en cas de risque de grief.

Le rapporteur peut, lors de l’enquête préalable, obliger les représentants de l’entreprise à fournir les renseignements nécessaires sur les faits et documents relatifs à la saisine, sans leur communiquer les pièces de la procédure. Il ne peut cependant, en usant de procédés déloyaux, susciter des personnes entendues des déclarations qui les amèneraient à avouer l’existence de pratiques illicites, dont il appartient à l’Autorité d’apporter la preuve . Au-delà, la personne auditionnée s’efforcera de ne répondre qu’aux questions posées sans élargir le débat inutilement.

La personne interrogée s’efforce souvent d’apporter une réponse à toute question qui lui est posée. Mais il est préférable d’indiquer son ignorance plutôt que d’imaginer une réponse approximative et peut-être erronée, notamment si l’on n’était pas en charge d’un dossier à une période donnée ou si la mémoire est défaillante.

L’instruction, censée effectuée à charge et à décharge, a pour objet de préparer une notification de griefs ou un non-lieu. Il est prématuré de plaider à tout prix son dossier.

Être conscient de son manque d’information.

Il faut être conscient que les enquêteurs ou le rapporteur détiennent des informations dont on n’a pas connaissance (dénonciation éventuelle d’un tiers, correspondances et documents saisis auprès d’autres entreprises, procès-verbaux de déclarations de clients ou de fournisseurs, etc.).

Des questions en apparence anodines peuvent porter sur des faits aux implications juridiques très importantes. Ainsi, l’autonomie d’une filiale empêche l’application de la théorie des accords intra-groupe qui permet d’exclure tout grief d’entente.

Le résumé des déclarations peut les dénaturer. Une phrase isolée de son contexte trahit la pensée de son auteur. Il convient donc d’être très vigilant et de demander immédiatement les rectifications qui s’imposent.

Soulever la confidentialité de certaines des déclarations.

Dans la pratique actuelle, le rapporteur rédige deux versions, l’une confidentielle, l’autre non-confidentielle. Compte tenu de la lourdeur de la procédure et de la nécessité de motiver les demandes de confidentialité, il faut signaler le plus tôt possible les informations confidentielles contenues dans les déclarations.

Cons. conc., 29 juill. 2003, nº 03-D-36, LawLex200300003008JBJ

Pratiques mises en œuvre sur le marché des fraises produites dans le Sud-Ouest

Le Conseil : (...) 62. Les parties considèrent que les griefs ne pouvaient être notifiés aux adhérents de l’AIFLG qui n’avaient pas été entendus en cours d’enquête ou dont les acheteurs n’avaient pas été interrogés par les enquêteurs. Toutefois, le Conseil est saisi in rem du fonctionnement d’un marché. Il ne lui est possible de déterminer les personnes qui doivent être appelées à présenter des observations qu’au moment de la notification des griefs. Les documents et déclarations sont opposables non seulement aux entreprises auprès desquelles ils ont été régulièrement saisis ou recueillis, mais également aux entreprises concernées par ces documents ou déclarations, ainsi que l’a précisé la Cour d’appel de Paris, notamment dans deux arrêts des 19 janvier 1999 et 26 janvier 1999, “(...) les règles de l’enquête définies par l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne font pas obligation aux agents qui y procèdent de confronter les responsables des entreprises avec les auteurs des déclarations qui les mettraient en cause ou de les interroger sur des pièces saisies chez des tiers (...)” ; dans ces conditions, le fait que certaines entreprises mises en cause n’aient pas été entendues au cours de l’enquête administrative est sans effet sur la régularité de la procédure (...).

Cass. com., 14 janv. 1992, nº 89-20.576, LawLex200200002760JBJ

La Cour : (...) Mais attendu, en premier lieu, que l’article 45, alinéa 2, de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose qu’un rapporteur du Conseil de la concurrence peut procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des dispositions de cette ordonnance ; que les auditions auxquelles il procède lors de cette phase préparatoire, et qui n’imposent pas que l’intéressé soit à cette occasion assisté d’un conseil, ne doivent pas être assimilées à celles donnant lieu à rédaction d’un procès-verbal lors du déroulement de la procédure d’instruction devant le Conseil de la concurrence qui suppose, aux termes des articles 18 et 21 de l’ordonnance précitée, la communication préalable des griefs et la mise à la disposition des intéressés de l’ensemble du dossier ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux de l’arrêt, la décision se trouve justifiée en ce qu’elle a retenu que la société, après avoir eu connaissance des griefs la concernant et les documents sur lesquels ils étaient fondés a eu accès au dossier et a pu librement développer ses moyens et observations ;

Attendu, en second lieu, que l’arrêt a relevé qu’à l’issue de l’audition du président de la société par le rapporteur, au cours de l’enquête préparatoire, le compte rendu des propos recueillis n’avait pas été signé par l’intéressé, qui en avait toutefois eu communication et n’avait alors exprimé aucune réserve ; qu’en énonçant qu’hors le cas prévu par l’article 20 du décret du 19 décembre 1986, qui prévoit la signature des procès-verbaux par les personnes entendues par le rapporteur en cours de procédure devant le Conseil de la concurrence, il ne pouvait être tiré aucun moyen de nullité de cette absence de signature, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; d’où il résulte que les deux moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches (...).

Cons. conc., 12 févr. 2009, nº 09-D-07, LawLex200900000294JBJ

Relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé

Le Conseil : (...) 114. Les conseils de l’Ordre des chirurgiens-dentistes mis en cause considèrent que le principe du contradictoire n’a pas été respecté en raison du refus opposé par les services d’instruction de les laisser accéder au dossier avant la notification de griefs. Ils font notamment valoir qu’il résulterait des dispositions des articles L. 463-1 et L. 463-2 du Code de commerce que le principe du contradictoire doit s’appliquer pendant toute la phase d’instruction, y compris avant la notification de griefs, sous réserve de la protection du secret des affaires, et que la possibilité prévue par l’article R. 463-6 du Code de commerce, pour toute personne entendue par le rapporteur, d’être assistée suppose la qualité de partie à la procédure à toute personne convoquée dans le cadre d’une instruction procédant d’une saisine contentieuse.

115. Cependant, ainsi que le souligne une jurisprudence constante, le droit d’accès au dossier n’est pas ouvert avant la notification de griefs qui constitue l’acte d’accusation. La Cour d’appel de Paris a rappelé dans son arrêt du 2 octobre 2007, Européenne de travaux ferroviaires (ETF), rendu sur le recours contrat la décision nº 06-D-15 du Conseil de la concurrence, : “aux termes des dispositions combinées des articles L. 463-1 et L. 463-2 du Code de commerce, c’est la notification de griefs qui marque l’ouverture de la procédure contradictoire ; que l’entreprise mise en cause a, dès ce moment, la faculté de consulter le dossier, de demander, en application des articles 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et L. 463-7 du Code de commerce, l’audition de témoins à décharge au rapporteur et au Conseil, de présenter ses observations sur ces griefs puis sur le rapport établi en réponse, lequel est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et peut être consulté dans les quinze jours précédant la séance, ainsi que de s’exprimer oralement devant le Conseil” (voir antérieurement l’arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 1992, Bureau Veritas).

116. Par ailleurs, la possibilité, pour toute personne entendue par un rapporteur du Conseil de la concurrence, d’être assistée de son conseil n’ouvre pas, pour autant, le droit d’accès au dossier avant la notification des griefs (...).

Cons. conc., 28 juin 2002, nº 02-D-42, LawLex200200002172JBJ

Pratiques relevées dans le secteur de la distribution des appareils électroménagers et d’électronique grand public

Le Conseil : (...) Mais considérant qu’en application de l’article 20 du décret du 29 décembre 1986, le rapporteur peut, s’il l’estime opportun, procéder à des auditions ; qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires lui imposant, ou aux enquêteurs, de le faire ou d’entendre toutes les parties ou personnes concernées ou, a fortiori, de procéder, avec l’autorisation du Président de Tribunal de grande instance compétent, à des visites et saisies, les moyens invoqués sont sans influence sur la régularité de la procédure ; qu’il n’y a donc lieu ni d’écarter les griefs retenus, ni d’annuler l’ensemble de la procédure ni de prononcer un non-lieu, dans une procédure dont il est de jurisprudence constante que la phase contradictoire ne débute qu’à compter de la notification de griefs (...).

Cass. com., 8 déc. 1992, nº 90-20.258, LawLex200200002666JBJ

Phibor (SA) et a c. Ministre de l’Économie, des Finances et du Budget

La Cour : (...) Mais attendu, ainsi que l’arrêt l’a énoncé à bon droit, qu’aucune des règles qui régissent les enquêtes ne font obligation aux agents qui y procèdent ou au rapporteur du Conseil de confronter immédiatement les responsables d’entreprises impliquées avec les auteurs de déclarations qui les mettent en cause ou de les interroger sur les pièces appréhendées chez des tiers ; qu’il ne peut en être tiré ni violation du principe du contradictoire ni atteinte aux droits de la défense, dès lors que, les observations des entreprises concernées ont été recueillies en temps utile, après communication de l’ensemble du dossier, lors de la notification des griefs, conformément aux dispositions des articles 18 et 22 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que constatant que les responsables de la société Elmo qui avaient reconnu l’existence d’une entente concernant le marché nº XIII, et en se fondant en outre sur la liste intitulée Beaubourg (pièce 116) datée du 30 mai 1984 et saisie dans les locaux de l’entreprise Elmo où le nom de la société Phibor figurait avec d’autres “précédées de la mention OK”, la cour d’appel, appréciant souverainement la portée de ces preuves, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé (...).

Cons. conc., 19 nov. 1991, nº 91-D-51, LawLex200200003243JBJ

Pratiques des sociétés Compagnie générale des eaux, Communication développement, Lyonnaise communication et leurs filiales intéressant le secteur de la distribution par câble des programmes de télévision

Le Conseil : (...) Considérant qu’aucune disposition de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ou de son décret d’application du 29 décembre 1986 ne fait obligation au rapporteur qui procède à une audition de détailler, dans la convocation, les questions particulières qui seront posées à la personne entendue ; que celle-ci doit seulement être avisée du cadre général dans lequel se situe son audition ; que les convocations adressées au directeur des activités de programmes de la société Lyonnaise Communications et au directeur général de Paris TV Câble précisaient qu’il était procédé à leur audition à la suite d’une saisine de la société TV Mondes mettant en cause des pratiques des sociétés Compagnie générale des eaux, Communication Développement et Lyonnaise Communications, elles-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs filiales ; qu’ainsi les intéressés ont été avisés du contexte dans lequel se situait leur audition ; que les sociétés Lyonnaise Communications et Paris TV Câble ne sont dès lors pas fondées à demander qu’il ne soit pas tenu compte des déclarations recueillies au cours de ces deux auditions, concernant notamment les clauses d’exclusivité thématique contenues dans les contrats de diffusion de certains programmes thématiques (...).

Cons. conc., 21 déc. 1998, nº 98-D-81, LawLex200200003330JBJ

Pratiques relevées dans le secteur de l’expertise d’art et de collection

Le Conseil : (...) Mais considérant que, saisi in rem, le Conseil de la concurrence n’est lié ni par les faits énoncés dans la saisine ministérielle, ni par la qualifications proposées ; qu’il peut examiner les pratiques anticoncurrentielles révélées au cours de l’instruction dès lors que ces pratiques concernent les mêmes activités, se rattachent aux comportements économiques dénoncés, visent au même objet ou peuvent avoir le même effet ; que le fait que le rapporteur n’ait pas indiqué, préalablement à la notification des griefs, quelles pratiques seraient reprochées aux parties est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu’elles ont été mises en mesure de présenter temps utile leurs observations sur ce document, ainsi que de présenter leurs observations orales devant le Conseil (...).

Cons. conc., 4 juin 1997, nº 97-D-42, LawLex200200002655JBJ

Saisine présentée par la Société Toulousaine d’Entretien Auto à l’encontre de la société Magneti Marelli distribution

Le Conseil : (...) Considérant qu’aux termes de l’article 46 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : “Les enquêtes donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. Les procès-verbaux sont transmis à l’autorité compétente. Un double en est laissé aux parties intéressées. Ils font foi jusqu’à preuve contraire” ;

Considérant que la preuve que les enquêteurs ont fait connaître clairement aux personnes interrogées l’objet de leur enquête peut être rapportée par la mention, faisant foi jusqu’à preuve contraire, que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l’intéressé, sans qu’il y ait lieu de décrire cet objet (...).

Paris, 21 mai 1990, LawLex200200003202JBJ

France-Loisirs (SARL) c. Éditions Gallimard (SA) et a.

La Cour : (...) Considérant que, si l’article 18 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 indique que la procédure devant le Conseil de la concurrence est pleinement contradictoire, l’article 21 précise que la communication du dossier n’est requise, lorsque la saisine est suivie d’une notification des griefs, que corrélativement à cet acte de procédure ;

Considérant toutefois que l’enquête préalable à laquelle les rapporteurs sont habilités à procéder par application de l’article 45, alinéa 2, de l’ordonnance précitée qui permet, sans communication de la procédure aux personnes entendues, de procéder à toutes recherches et vérifications sur les pratiques incriminées, ne doit pas aboutir à compromettre irrémédiablement les garanties de la défense ; qu’en conséquence, si le rapporteur peut obliger les représentants de l’entreprise à fournir les renseignements nécessaires sur les faits et documents relatifs à la saisine, il ne peut cependant, en usant de procédés déloyaux, susciter des personnes entendues des déclarations qui les amèneraient à avouer l’existence de pratiques illicites dont il appartient au Conseil de la concurrence de rapporter la preuve (...).

Bien préparer une audition devant les autorités nationales de concurrence.

Recevoir une notification de griefs de l’Autorité de la concurrence surprend beaucoup d’entreprises. Ou elles ignoraient totalement l’existence de l’enquête préparatoire (la phase contradictoire de la procédure ne commence qu’avec la notification de griefs), ou, elles ne s’attendaient pas à ce que la notification des griefs intervienne à cet instant précis, dans le cadre d’enquêtes longues dont elles ne sont pas informées de l’avancement. Or, la notification de griefs met en mouvement la procédure devant l’Autorité de la concurrence. Elle détermine l’étendue de la saisine de l’Autorité, qui se prononcera à l’issue de la procédure d’instruction sur les griefs soumis à la discussion des parties. Face à un tel événement, le chef d’entreprise et son directeur juridique prendront impérativement les mesures qui s’imposent et éviteront les erreurs contraires aux intérêts de leur entreprise :

Les procédures devant l’Autorité visent une seule entreprise ou concernent tout un secteur, avec des dizaines de destinataires. Dans ce dernier cas, certaines entreprises pensent, en toute bonne foi, qu’elles ne sont pas concernées et n’entreprennent aucune démarche. Plus tard, au stade de la notification du rapport final du Rapporteur, elles découvrent avec effroi que les mêmes griefs leur sont toujours reprochés, qu’il leur reste deux mois pour faire valoir leur défense et que l’audience de l’Autorité est imminente. Il ne sert à rien d’être persuadé que l’on est innocent dans une affaire : il faut le faire savoir au Rapporteur et surtout le démontrer.

Les mauvaises nouvelles provoquent souvent un état d’hébétude et la peur d’affronter l’événement. C’est précisément l’attitude qu’il faut impérativement éviter. Le délai de réponse à la notification des griefs n’est que de deux mois. Les délais d’instruction postérieurs ne sont pas connus à l’avance. La défense ne peut surtout pas perdre de temps. La direction juridique et les conseils de l’entreprise seront informés sans délai de la notification de griefs, afin de déterminer la stratégie de défense, rassembler les preuves nécessaires si cela n’a pas déjà été fait, et préparer la rédaction du mémoire en réponse à la notification de griefs.

Afin d’accroître l’efficacité du contrôle, le législateur, à l’instar des droits américain ou européen, a institué un programme de clémence, qui permet de tenir compte du degré de coopération de l’entreprise dans l’évaluation de la sanction (C. com., art. L. 464-2, IV). Au stade de la notification des griefs, il est trop tard pour bénéficier de la clémence proprement dite, c’est-à-dire d’une exonération totale ou partielle. En revanche, en l’absence de contestation des griefs, l’Autorité de la concurrence peut prononcer, sur proposition du rapporteur général, une sanction pécuniaire réduite dans le cadre de la procédure de transaction, dans le cadre d’une fourchette d’amende préalablement négociée entre l’entreprise et les services d’instruction.

Respecter le délai de dépôt du mémoire et prévoir un rétro-planning.

Dès réception de la notification des griefs, l’entreprise enregistrera le délai de réponse. Si l’on n’a pas noté la date de réception de la notification, on peut en solliciter la confirmation auprès de l’Autorité de la concurrence. Les destinataires disposent de deux mois seulement, pour répondre à la notification des griefs. Définir un plan de travail clair et précis, et un rétro-planning est indispensable.

Ne pas compter sur une prolongation de délai.

Le délai de réponse de deux mois peut inclure la période des fêtes de fin d’année, sans qu’il puisse être reproché à l’Autorité une rupture de l’égalité des armes . Un délai supplémentaire d’un mois peut être accordé par le rapporteur général de l’Autorité, mais seulement en cas de circonstances exceptionnelles. Cette notion est aujourd’hui interprétée restrictivement : des délais complémentaires sont rarement accordés, et dans ce cas, souvent pour des durées inférieures à un mois, même lorsque la notification de griefs est effectuée fin juin ou début juillet et que le délai de réponse n’est pas forcément un délai utile compte tenu des congés de juillet-août.

Ne pas fonder trop d’espoirs sur les moyens de procédure.

Les moyens de procédure sont, le plus souvent, écartés par l’Autorité. On peut les soulever, mais il ne faut pas oublier que la défense au fond est primordiale .

Préparer la défense ultérieure de l’entreprise.

Au-delà de la réponse à la notification des griefs, on se préparera, dès ce stade, aux étapes ultérieures de la procédure, et on anticipera, en particulier, le rapport définitif du Rapporteur qui ouvrira un nouveau délai de réponse de deux mois et l’audience. Certains travaux, très utiles par la suite, nécessitent plus de deux mois : rapports économiques approfondis, accumulation de preuves dans le temps, recueil de témoignages, etc. La stratégie de réponse à la notification de griefs inclura les étapes suivantes, y compris l’exercice éventuel d’un recours, afin que l’entreprise dispose de tous les éléments nécessaires pour agir efficacement à chaque stade de la procédure.

Cons. conc., 19 mars 1996, nº 96-D-17, LawLex200200002568JBJ

Pratiques relevées dans le réseau de distribution de matériel de jardin de la Société commerciale des Outils Wolf

Le Conseil : (...) Considérant que la Société commerciale des Outils Wolf invoque la violation du princiMais considérant qu’il est constant que la Société commerciale des Outils Wolf a bénéficié d’un délai de deux mois, en application des dispositions de l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, pour consulter le dossier et déposer des observations ; que celles-ci ont été enregistrées au conseil le 10 février 1995 ; qu’ainsi, en se bornant à affirmer qu’elle n’a bénéficié que d’un délai de deux mois, incluant la période des fêtes de fin d’année, la Société commerciale des Outils Wolf ne démontre pas en quoi il aurait été porté atteinte aux droits des parties ; que, par ailleurs, le seul fait que le délai d’instruction, au demeurant justifié par le nombre de contrats en cause et la complexité de l’analyse, ait été supérieur au délai fixé légalement pour le dépôt éventuel d’observations par les parties ne saurait démontrer une atteinte au principe de l’égalité des armes ; qu’en conséquence le moyen doit être écarté (...).

Cons. conc., 5 juill., nº 94-D-41, LawLex200200002840JBJ

Le Conseil : (...) Considérant, en troisième lieu, que l’organisme Alsace-Volaille invoque la violation de l’article 21 de l’ordonnance ainsi que des articles 18 et 19 du décret du 29 décembre 1986 au motif que la notification de griefs a été adressée de façon erronée à un syndicat Alsace-Volaille, alors qu’il s’agit d’une association, et pour l’abattoir Volfa à la société Siebert, alors que celle-ci ne vient pas aux droits de la société Volfa, qui a été dissoute ;

Considérant que le moyen tiré du caractère erroné de la qualité de deux destinataires de la notification de griefs est inopérant; qu’en tout état de cause l’organisme certificateur Alsace-Volaille a été destinataire de la notification de griefs et du rapport, actes de procédure sur lesquels il a été mis en mesure de présenter ses observations, après consolation du dossier; qu’aucun grief n’a finalement été retenu à l’encontre de la société Volfa (...).

Comment réagir à une notification de griefs de l’Autorité de la concurrence ?

Lorsqu’ils suspectent une entreprise de pratiques anticoncurrentielles, le ministre de l’Économie et les parties saisissantes peuvent demander à l’Autorité de la concurrence d’ordonner des mesures conservatoires (C. com., art. L. 464-1, al. 1). Cette requête, formée accessoirement à une saisine au fond, peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée.

La notification d’une telle procédure constitue souvent un choc pour l’entreprise mise en cause. Alors que rien ne le laissait présager, on l’accuse d’entente et/ou d’abus de position dominante ou de dépendance et on l’expose à des mesures d’urgence qui peuvent être pour elle d’une particulière gravité stratégique et tactique. Dans une telle hypothèse, la position du défendeur s’avère souvent délicate, car il peut se trouver démuni alors que l’entreprise saisissante a pu définir sa stratégie d’attaque de longue date, préparer ses griefs avec soin et motiver ses demandes au fond et ses demandes conservatoires en rassemblant d’importants éléments de preuve.

Comment l’avocat et le directeur juridique de l’entreprise, qui doivent élaborer sa défense dans l’urgence, peuvent-ils réagir ?

L’urgence impose de consacrer les moyens nécessaires à la défense. Un collaborateur ayant à gérer une multitude de dossiers sera peu efficace dans la riposte à la guerre-éclair déclenchée par une demande de mesures conservatoires.

Être proactif dans les rapports avec l’Autorité de la concurrence.

Si le Rapporteur général fixe des délais pour la production des mémoires, pièces justificatives ou observations, le défendeur ne peut se contenter d’attendre le moment venu pour produire son mémoire en défense. En effet, le rapporteur chargé du dossier travaille dans l’intervalle et il serait dangereux de le laisser instruire et commencer la rédaction de son rapport sur la base des seuls éléments à charge rassemblés par l’adversaire. Des contacts informels avec le rapporteur, des notes préliminaires, la production de pièces, la suggestion de questions et un suivi attentif s’avèrent indispensables.

L’Autorité statuera à la fois sur la recevabilité de la saisine et sur les mesures conservatoires. Il sera nécessaire de se fixer des objectifs et de concentrer son argumentation sur ceux estimés prioritaires compte tenu de leur importance stratégique.

Soulever, le cas échéant, l’incompétence de l’Autorité de la concurrence.

Cette défense jouera en particulier en matière de pratiques indissociables d’une procédure de délégation de service public, dont l’appréciation est exclusivement réservée aux juridictions administratives .

Tenter d’obtenir le rejet de la saisine elle-même.

L’Autorité de la concurrence doit rejeter la saisine “lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants”. Dans grand nombre de dossiers, il sera possible de faire valoir que la saisine ne contient pas d’éléments probants de nature à fonder ses griefs d’entente ou d’abus de position dominante .

Démontrer que les conditions d’attribution des mesures conservatoires ne sont pas réunies.

Outre la caractérisation de faits susceptibles d’être anticoncurrentiels, le prononcé de mesures conservatoires exige la constatation (i) d’une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante ; (ii) de l’existence d’un lien de causalité direct entre cette atteinte et les faits dénoncés ; (iii) de la nécessité de la mesure afin de prévenir ou réparer l’atteinte constatée ; (iv) de la proportionnalité de la mesure à l’atteinte dénoncée et à l’urgence de la situation. La mesure ne doit pas conduire à créer un dommage plus grand que celui qui doit être prévenu ou réparé. L’analyse de la situation financière du demandeur, dont il faut établir qu’il ne risque pas de disparaître , sera déterminante.

Accorder un soin particulier à l’audience devant l’Autorité.

L’audience devant l’Autorité jouera un rôle encore plus important qu’au fond compte tenu de la rapidité de la procédure et du caractère immédiat des mesures à prendre.

Prévoir une stratégie en défense ou en demande dans le cadre d’un éventuel recours devant la Cour d’appel de Paris.

La bataille juridique ne se termine pas toujours avec la décision de l’Autorité. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision et la cour d’appel statue dans le mois du recours (C. com., art. L. 464-7). Il faut donc être prêt à se mettre rapidement en ordre de bataille pour un éventuel nouveau combat.

AdlC, 26 janv. 2011, nº 11-D-02, LawLex201100000078JBJ

Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques

L’Autorité : (...) 280. Les règles de l’article L. 420-1 du Code de commerce sont applicables aux seules activités de production, de distribution ou de services au sens des dispositions de l’article L. 410-1 du même Code. Le droit de la concurrence s’applique ainsi aux seuls acteurs économiques intervenant sur un marché (voir, en ce sens l’arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2002, Société Les Meilleures Éditions, rejetant le pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 février 2000, Syndicat général du livre et de la communication écrite). De même, en droit communautaire, les articles 81 et 82 CE, devenus 101 et 102 TFUE ne s’appliquent qu’aux pratiques des entreprises, c’est-à-dire aux entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement, l’activité économique étant définie comme toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné.

281. Les comportements dénoncés, même s’ils pouvaient porter atteinte à la concurrence sur le marché de la restauration des monuments historiques, ne peuvent être rattachés à l’exercice par les architectes en chef des monuments historiques d’une activité de production, de distribution ou de services au sens des dispositions de l’article L. 410-1 du Code de commerce. En effet, lorsqu’ils exercent, en leur qualité de fonctionnaires de l’État et conformément à la mission d’intérêt général dont ils sont chargés en vertu de dispositions réglementaires (23), la maîtrise d’œuvre des travaux de restauration des monuments historiques, les architectes en chef des monuments historiques, rémunérés à ce titre par l’État selon des modalités fixées par décret (24), ne sont pas des opérateurs économiques indépendants des services de l’État, et ne peuvent donc pas être considérés comme intervenant sur le marché comme des offreurs de services de maîtrise d’œuvre. Il résulte de ce qui précède que l’Autorité de la concurrence n’est pas compétente pour connaître des comportements individuels des architectes en chef des monuments historiques, dénoncés par la société GAR Rénovation. La responsabilité de ces derniers peut toutefois, le cas échéant, être recherchée devant le juge pénal, ou faire l’objet d’une procédure disciplinaire (...).

Cons. conc., 8 nov. 2005, nº 05-D-60, LawLex200500009979JBJ

Pratiques mises en œuvre par la congrégation cistercienne de l’Immaculée Conception, la société Planaria, l’État et la commune de Cannes

Le Conseil : (...) 36. L’article 42 du décret du 30 avril 2002 énonce que “La demande de mesures conservatoires mentionnées à l’article L. 464-1 du Code de commerce ne peut être formée qu’accessoirement à une saisine au fond du Conseil de la concurrence. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée”. Une demande de mesures conservatoires ne peut donc être examinée que pour autant que la saisine au fond est recevable et ne soit pas rejetée faute d’éléments suffisamment probants, en application de l’article L. 462-8 du Code de commerce.

(...) 46. Or, la Congrégation religieuse étant l’associée unique de l’EURL Planaria, et l’un de ses moines le gérant de cette entreprise, cette dernière ne peut être regardée comme étant autonome par rapport à la Congrégation. Il ne peut donc exister une entente, au sens de l’article L. 420-1 du Code de commerce, entre la Congrégation cistercienne de l’Immaculée Conception et sa propre société de transport.

(...) 67. Il apparaît donc que la création de la compagnie de transport Planaria et sa desserte monopolistique de l’île répondent à une nécessité objective de la part de la Congrégation cistercienne de l’Immaculée Conception, justifiée par la géographie particulière des lieux, le caractère privé de l’île et la nécessité d’assurer la maîtrise du flux des visiteurs. Aucune solution, permettant d’atteindre les mêmes objectifs mais présentant moins de restrictions de concurrence, n’a pu être mise en évidence.

68. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les faits dénoncés par la saisine ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants, pour caractériser une entente ou un abus de position dominante au sens des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce. Il convient, dès lors, de faire application des dispositions de l’article L. 462-8 du Code de commerce et de rejeter, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires (...).

AdlC, 30 juin 2010, nº 10-MC-01, LawLex201000000778JBJ

Demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx

L’Autorité : (...) 252. Il ressort du dossier que Navx se trouve dans une situation critique. Une procédure d’alerte a été engagée par le commissaire aux comptes de la société Navx en application de l’article L. 234-1 du Code de commerce. Dans sa lettre du 23 décembre 2009, le commissaire aux comptes écrit au président de Navx : “J’ai l’honneur de vous confirmer les termes de l’entretien de ce jour. Il apparaît que Google a interrompu les campagnes publicitaires relatives aux avertisseurs de radar. Compte tenu de ses conséquences sur le chiffre d’affaires de Navx, je pense que cette situation est de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de la société” (cote 1009).

(...) 261. Il résulte de ces éléments que la fermeture du compte AdWords de Navx a remis profondément en cause, et ce de manière brutale, le modèle économique de Navx, de sorte que les décisions des dirigeants de cette entreprise ne sauraient être considérées comme des réactions excessives ni a fortiori comme la cause principale des difficultés de Navx.

(...) 267. Indépendamment de cette circonstance particulière, Navx s’est trouvée brutalement privée de sa principale source de revenu et de développement à la suite de la suspension du compte AdWords, ce qui lui rendait très difficile, sinon impossible, de finaliser une levée de fonds. Il était en effet illusoire d’espérer qu’un prêteur ou un investisseur place une somme dans une start-up dont les encaissements et les nouveaux abonnements s’effondrent du jour au lendemain.

268. Il résulte de ce qui précède que les pratiques de Google ont brutalement et profondément affecté tant les revenus que le potentiel de croissance de Navx, et rendu très improbable la continuation de son activité de vente aux particuliers, qui représente environ les deux tiers de son chiffre d’affaires. Elles doivent de ce fait être regardées comme portant une atteinte grave et immédiate à l’entreprise plaignante (...).

Comment affronter une demande de mesures conservatoires devant l’Autorité de la concurrence ?

La clémence ouvre droit à une exonération totale ou partielle d’amende accordée au membre d’une entente qui dénonce les autres participants et contribue à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant aux autorités de concurrence des éléments dont elles ne disposaient pas auparavant.

Cette procédure suscite évidemment des questions fondamentales : la concurrence représente-t-elle une valeur suffisamment importante pour que l’on institue une prime à la délation ? Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, les programmes de clémence font partie du droit positif et constituent même l’un des axes majeurs de la politique de concurrence, en France et en Europe. La Commission a publié le 8 décembre 2006 une communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (nº 2006-C 298-11). L’Autorité de la concurrence a pour sa part publié, le 3 avril 2015, un communiqué de procédure relatif au programme de clémence français qui se substitue à celui du 2 mars 2009.

Le droit économique en 500 conseils

42. Comment limiter le risque pénal en droit de la concurrence ?

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Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

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