Contrats d'affaires

L'article 2000 du Code civil prévoit que “le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable”. 
En l'absence de précision sur la nature des pertes indemnisables au titre de l'article 2000, la jurisprudence reconnaît au mandataire un large droit à réparation pour tout type de préjudice subi à l'occasio …

Indemnisation des pertes du mandataire

L'article 2000 du Code civil prévoit que “le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable”. 

En l'absence de précision sur la nature des pertes indemnisables au titre de l'article 2000, la jurisprudence reconnaît au mandataire un large droit à réparation pour tout type de préjudice subi à l'occasion de sa gestion, qu'il soit financier ou commercial, mais aussi matériel ou même corporel . Le mandataire n'étant maître ni des charges de l'exploitation, ni des recettes de celle-ci, il doit sortir indemne de sa gestion, sauf le cas où une imprudence lui serait imputable , sachant que l'imprudence du mandataire ne saurait se déduire de la seule existence de pertes d'exploitation .

Selon la Cour de cassation, le mandant doit indemniser le mandataire de toutes les pertes subies à  l'occasion de la gestion, y compris des pertes exceptionnelles, dès lors que l'article 2000 du Code civil ne distingue pas . Ainsi, en l’absence de faute qui lui soit imputable, le mandataire doit être indemnisé des pertes subies à l'occasion de sa gestion, du fait des redressement fiscaux mis en recouvrement à son encontre  ou de la politique de prix exclusivement imposée par son mandant . Dès lors, une cour d'appel ne peut rejeter la demande du mandataire en remboursement des pertes essuyées à l'occasion de la gestion de son mandat au motif que le contrat de mandat “laisse à la charge exclusive du mandataire tous les aléas relatifs à l'exercice du commerce” et “à l'état du marché”, alors que les conditions de vente des produits étaient fixées par le mandant . En revanche, selon la Haute juridiction, même si les pertes dont le mandant doit indemnisation recouvrent les dommages matériels ou corporels d'origine étrangère au contrat, mais supportés par le mandataire à l'occasion de sa gestion, il y a lieu d'opérer une distinction entre le déficit de caisse et le déficit d'exploitation, qui, seul, peut donner lieu à indemnisation du mandataire par le mandant sur le fondement de l'article 2000 . 

Les juges du fond ont par ailleurs précisé que les dispositions de l’article 2000 du Code civil ne sont applicables qu'aux pertes subies par le mandataire du fait de l'exécution non fautive de sa mission, et non aux pertes subies par le mandant du fait d'une inexécution fautive du mandataire .

Les dispositions de l'article 2000 du Code civil n'étant pas d'ordre public, il est loisible aux parties d'y déroger par convention . Les juges du fond apprécient souverainement la commune intention des parties de déroger aux dispositions de l'article 2000 du Code civil , mais selon la Haute juridiction , ils ne peuvent rechercher cette intention en méconnaissant les termes clairs et précis de la convention. Ainsi, pour rejeter la demande en indemnisation des pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat, formée par le mandataire, une cour d'appel ne peut retenir “ qu'en prévoyant une rémunération forfaitaire de l'activité du mandataire, les parties ont, lors de la conclusion du  contrat, peut-être d'une manière non explicite mais nécessaire, entendu déroger aux dispositions, tant de l'article 1999 que de l'article 2000 du Code civil ”  . A contrario, une cour d'appel ne peut accueillir la demande du mandataire en indemnisation des pertes subies lors de la gestion de son mandat, sans rechercher si les pertes subies ne pouvaient conventionnellement être mises à la charge du  mandataire et si elles avaient pour origine un élément d'exploitation dont la maîtrise aurait été conservée par le mandant, alors même que les parties avaient entendu déroger aux  dispositions de l'article 2000 du Code civil, en prévoyant que le mandant paierait, si nécessaire, un complément de commission pour équilibrer les charges réelles et justifiées du mandat, à concurrence de l'évaluation qui en était faite dans le compte de charges du mandat, et que le mandataire renonçait à lui demander la couverture de charges excédant le montant ainsi défini .  En tout cas, selon la jurisprudence, une clause de renonciation au bénéfice de l'article 2000 du Code civil n'est applicable que lorsqu'elle a été acceptée en connaissance de cause par le mandataire . 

La faculté de déroger à l'article 2000 du Code civil a nourri un important contentieux dans le domaine de la distribution de carburants. La Cour de cassation a d'abord admis que, par dérogation aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, une clause de rémunération forfaitaire versée par le mandant sur la vente d'hydrocarbures pouvait couvrir les pertes subies par le mandataire lors de sa gestion, de sorte que l'action en réparation intentée par ce dernier devait être rejetée . Puis, opérant un revirement de jurisprudence, elle a considéré que la clause de rémunération forfaitaire du gérant non salarié de  station-service qui ne couvre pas les pertes de gestion ne vaut pas renoncement au bénéfice de l'article 2000 du Code civil . Selon la jurisprudence, en matière de distribution de carburants effectuée sous le régime du mandat, le fait, pour l'exploitant d'une station-service, de conserver les recettes provenant des ventes à la clientèle jusqu'à leur versement quotidien sur un compte bancaire désigné par la compagnie pétrolière ne constitue pas, sauf stipulations contraires, un contrat de dépôt au sein du contrat de mandat, mais l'exécution même de ce dernier, de sorte que la compensation peut s'opérer entre les créances respectives des parties .

La Haute juridiction a précisé en outre que les pertes que le mandataire a essuyées à l'occasion de sa gestion et dont les parties peuvent décider qu'elles seront couvertes par un forfait sont exclusives de celles qui ont pour origine un fait imputable au mandant. Dès lors, la rémunération forfaitaire destinée à compenser les pertes essuyées par un mandataire dans le cadre de sa gestion ne l'empêche pas de prétendre à une indemnité complémentaire s'agissant des pertes qui ont pour origine un élément de l'exploitation dont la maîtrise a été conservée  par le mandant . 

Cass. 1re civ., 4 décembre 2001, LawLex202300013579JBJ, RCA 2002, chron. 6, obs. CHOISEZ, relevant que les pertes dont le mandant doit indemnisation recouvrent les dommages matériels ou corporels d'origine étrangère au contrat, mais supportés par le mandataire à l'occasion de sa gestion.

Cass. com., 28 juin 1994, LawLex200200004510JBJ, RTD com. 1995, 183, obs. BOULOC ; RJDA 1995, n° 17.

Cass. 1re civ., 18 octobre 2000, LawLex202300013604JBJ, estimant que, par une appréciation souveraine de la commune intention des parties, dont il résulte que celles-ci ont entendu déroger aux dispositions de  l'article 2000 du Code civil, et, par une appréciation également souveraine de la valeur probante et de la pertinence des éléments de preuve, les juges du fond ont pu retenir que le mandataire doit voir sa demande en indemnisation des pertes subies à l’occasion de sa gestion  rejetée, faute d’établir que, pour la durée du mandat, celle-ci aurait été déficitaire.- V. égal. Cass. 1re civ., 6 décembre 2007, LawLex202200009520JBJ, RJDA 2008, n° 516, relevant que les dispositions de l'article 2000 du Code civil selon lesquelles le  mandant doit indemniser le mandataire des pertes qu'il a subies à  l'occasion de sa gestion, n'étant pas d'ordre public, il peut donc y  être dérogé lorsque les parties adoptent des conditions différentes, tel  étant le cas lorsque le statut de l'agent général d'assurance et son  traité de nomination prévoient qu'il est rémunéré par des commissions et  organise librement son agence, toutes les dépenses d'exploitation de  l'agence restant exclusivement à sa charge, et non à celle de la  compagnie d'assurance, mandante, sauf autorisation préalable de la  direction.

Cass. com. 17 décembre 1991, LawLex202300013605JBJ, D. 1992, 390, obs. FERRIER ; JCP E 1992, II, 372, obs. GROSS ; RTD com. 1992, 669, obs. BOULOC. - V. aussi Cass. com., 15 mars 2017, LawLex202300008349JBJ : une cour d’appel ne peut rejeter la demande du mandataire en indemnisation des pertes qu'il a subies lors de l'exécution du mandat au motif que le contrat prévoit une commission forfaitaire, dérogeant aux  dispositions d’ordre privé de l’article 2000 du Code civil, en ce qu’il a  été convenu que le mandataire prendrait en charge les risques de  l’opération, et que la commune intention des parties était de ne jamais mettre à la charge des mandants aucune indemnisation d’éventuelles  pertes, alors que cette stipulation ne pouvait avoir pour objet de  couvrir les pertes d’exploitation subies par le mandataire, dès lors qu’elle prévoyait seulement que celui-ci percevait une commission  forfaitaire au titre de la déclaration et vérification des comptes et de l’établissement de l’état des sommes que le mandant n’aurait pas encore  perçues pour l’exploitation des œuvres catalogues, sans préciser  qu’elle englobait les pertes essuyées à l’occasion de la gestion du  mandat.

Cass. com. 17 décembre 1991, LawLex202300013605JBJ, D. 1992, 390, obs. FERRIER ; JCP E 1992, II, 372, obs. GROSS ; RTD com. 1992, 669, obs. BOULOC.

Cass. com., 21 novembre 2000, LawLex200200004496JBJ, RJDA 2001, n° 303.

Cass. com., 5 février 2002, LawLex202200008961JBJ, RJDA 2002, n° 498, précisant qu'une clause de renonciation à l'article 2000 du Code civil, insérée dans le dernier contrat d'adhésion conçu par le mandant sans que l'attention du mandataire soit attirée sur cette amputation nouvelle et  substantielle de ses droits, noyée dans les conditions générales du contrat, et sans que ce texte soit reproduit si bien qu'elle n'a aucune signification pour qui n'en connaît pas le texte, est trop hermétique pour qu'il soit établi qu'elle a été acceptée en connaissance de cause par le mandataire, de sorte qu'elle ne peut recevoir application.

Cass. com., 4 décembre 1990, LawLex200200004523JBJ, RTD com. 1991, 440, obs. BOULOC ; D. 1991. 328, obs. TESTU.

Cass. com., 17 décembre 1991, LawLex200200004513JBJ et LawLex202300013605JBJ, D. 1992, 390, obs. FERRIER ; RTD com. 1992, 669, obs. BOULOC, estimant que la stipulation d'une commission forfaitaire sur la vente des  hydrocarbures, selon laquelle la société mandataire “ perçoit une  commission couvrant forfaitairement sa rémunération et l'ensemble de ses  frais ” ne peut avoir pour objet de couvrir les pertes d'exploitation  subies par le mandataire et exclure l'application des dispositions de  l'article 2000 du Code civil, dès lors qu'elle ne prévoit pas qu'elle  englobe les pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat. - V. aussi Cass. com., 28 juin 1994, LawLex200200004510JBJ, RTD com. 1995, 183, obs. BOULOC ; RJDA 1995, n° 17, relevant qu'une cour d'appel ne peut retenir que la stipulation d'une commission forfaitaire sur la vente des produits énergétiques ne peut avoir pour  objet de couvrir les pertes d'exploitation subies par le mandataire, au  motif qu'elle prévoit que celui-ci perçoit une commission forfaitaire au  titre de ses “ peines et soins ” ainsi que de ses “ charges ”, sans  prévoir qu'elle englobe les pertes essuyées à l'occasion de la gestion  du mandat ; Reims, 4 janvier 2010, LawLex202300008555JBJ.

Cass. com., 1er juin 1993, LawLex202200001733JBJ, RTD com. 1994, 351, obs. BOULOC.

Cass. com., 26 octobre 1999, LawLex200200004495JBJ, RTD civ. 2000, 136, obs. GAUTIER ; RTD com. 2000, 439, obs. BOULOC. - V. égal. Cass. com., 17 décembre 2002, LawLex200300000546JBJ, RJDA 2003, n° 256, énonçant que les bénéfices tirés de la vente des lubrifiants peuvent être compensés  avec les pertes résultant de la vente de carburant en raison du  caractère complémentaire et indissociable des contrats de mandat et de  location-gérance qui encadrent l'exploitation d'une station-service.

Cass. com., 28 janvier 1992, LawLex200200004511JBJ, D. 1992. 390, obs. FERRIER ; JCP E 1992, I, 372, obs. GROSS.

Cass. com., 28 janvier 1992, LawLex200200004512JBJ, Contrats Conc. Consom. 1992, n° 69, obs. LEVENEUR ; D. 1992. 390, obs. FERRIER.

Cass. 1re civ., 28 juin 1989, LawLex202200008689JBJ, Defrénois 1990, 501, obs. VERMELLE, pour le cas d'un mandataire à qui des fonds ont été remis pour l'accomplissement de sa mission et qui,  n'ayant pu justifier de leur destination, lors d'un contrôle fiscal, en raison du caractère occulte des indemnisations, a fait l'objet d'un redressement d'impôts assorti de pénalités.

Paris, 1er juin 2022, LawLex202200002836JBJ. - V. égal. Cass. com., 31 mars 2009, LawLex200900001362JBJ, Contrats Conc. Consom. 2009, n° 161, obs. MATHEY ; RLDA 2010, n° 2675n obs. GRIGNON, retenant que le mandant est tenu d'indemniser le mandataire des pertes d'exploitation  qu'il a subies au cours de la gestion de son mandat s'il est établi que  celles-ci ont pour seule origine sa politique tarifaire.

Cass. 1re civ., 4 décembre 2001, LawLex202300013579JBJ, RCA 2002, chron. 6, obs. CHOISEZ, relevant que, même si les pertes dont le mandant doit indemnisation recouvrent les dommages matériels ou corporels d'origine étrangère au contrat, mais supportés par le mandataire à l'occasion de sa gestion, il y a lieu d'opérer une distinction entre le déficit d'exploitation et le déficit de caisse, de sorte que, la somme, dont le mandant a reconnu être redevable, constituant en réalité un déficit de caisse, le  mandataire ne démontre pas que cette situation trouve son origine dans un déficit d'exploitation engendré par des pertes dont le mandant devrait l'indemniser.

Toulouse, 20 janvier 2023, LawLex202300009042JBJ.

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494. Indemnisation des pertes du mandataire

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