Contrats d'affaires

L'article 1998 du Code civil prévoit que le mandant ne peut être tenu de ce qui a été fait au-delà de son mandat par le mandataire, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement. L'article 1156  dispose par ailleurs que “l'inopposabilité comme la nullité de l'acte [réalisé en l'absence de pouvoir ou en dépassement des pouvoirs du mandataire] ne peuvent plus être invoquées dès lors que le  …

Ratification.

L'article 1998 du Code civil prévoit que le mandant ne peut être tenu de ce qui a été fait au-delà de son mandat par le mandataire, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement. L'article 1156  dispose par ailleurs que “l'inopposabilité comme la nullité de l'acte [réalisé en l'absence de pouvoir ou en dépassement des pouvoirs du mandataire] ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l'a ratifié”.  

Le champ d'application de la ratification est large. Selon la jurisprudence, les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie, qu'elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, peuvent être ratifiées par le mandant . En outre, la ratification par le représenté est possible même lorsque le mandataire ayant dépassé son mandat a déclaré agir en son nom personnel. Ainsi, un auteur peut ratifier le contrat conclu par sa maison d’édition, qui, ayant seulement reçu mandat de régler les modalités de réédition de son ouvrage, a contracté avec une autre société d’édition, tant en son nom personnel qu’au nom de l'auteur/mandant . 

La volonté du mandant de ratifier l'acte irrégulier doit être manifestée par un acte positif et sans équivoque . L’appréciation des faits et circonstances qui révèlent une ratification par le mandant des actes accomplis par le mandataire relève du pouvoir souverain des juges du fond . Ainsi, selon les juges, la vive discussion intervenue entre le vendeur et son mandataire, au point de provoquer l'intervention de la police, ainsi que le refus de ce dernier de restituer les clés du véhicule excluent toute ratification, par le mandant, de l'adjudication du véhicule en dessous de son prix de réserve . De même, il ne saurait y avoir ratification d'une souscription d'actions lorsque les courriers envoyés par les mandants à leur mandataire démontrent qu'à aucun moment ils n'ont manifesté leur volonté de ratifier un acte à l'égard duquel ils ont toujours émis des doutes, voire leur opposition . En revanche, une cour d'appel ne peut exclure l'existence d'une ratification et retenir qu'une lettre de licenciement, qui ne précise pas l'identité de la personne signataire, est entachée d'irrégularités de fond qui privent le licenciement de toute cause réelle et sérieuse en ce qu'elle ne permet pas de vérifier que ladite personne exerce au sein de l'entreprise et avait reçu pouvoir de le faire par l'employeur, alors que ladite lettre avait été signée pour ordre au nom du directeur des ressources humaines et la procédure de licenciement, menée à terme, de sorte que le mandat de signer la lettre de licenciement avait été ratifié .

A contrario, il y a ratification tacite, selon les juges, lorsque le mandant n'a ni désavoué son mandataire, ni contesté ses actes . Dans l'exercice de son pouvoir souverain, une cour d’appel a pu ainsi déduire de l'existence des liens personnels unissant l’intéressée à son mari, gérant, et à ses enfants, associés de la société locataire de l'ensemble immobilier elle est propriétaire, de sa communauté d’intérêt avec eux, ainsi que de sa parfaite connaissance de la situation, révélée tant par les déclarations fiscales que par la localisation de l'entreprise à la même adresse que le domicile des époux, que, compte tenu de son silence gardé pendant plus de deux ans, l'épouse a entendu ratifier le bail commercial, consenti par son époux, sur son bien propre . La ratification tacite peut aussi résulter de l'exécution volontaire du contrat par la partie qui y était irrégulièrement représentée . Il en est ainsi lorsque les emprunteurs, au nom et pour le compte desquels le prêt litigieux avait été passé en la forme authentique, ayant reçu les fonds, ont pris possession du bien au financement duquel ils étaient affectés sans contester l'acquisition de ce bien, bénéficié des avantages fiscaux, perçu les loyers, et commencé à rembourser l'emprunt souscrit . 

La ratification n'est pas assujettie aux conditions exigées pour la confirmation d'un acte nul . Dès lors, une cour d’appel ne peut déclarer nul un commandement valant saisie-vente et ordonner sa mainlevée au motif que l’acte de prêt avait été signé par une secrétaire notariale dépourvue de tout pouvoir, que le défaut de représentation d'une des parties constitue une irrégularité de forme de nature à retirer à l'acte notarié sa qualité de titre exécutoire, et que, bien qu'ils aient perçu les fonds et remboursé le prêt pendant plusieurs années, la ratification du mandat litigieux par les emprunteurs n'est pas établie, dès lors que la preuve n'est pas apportée qu'ils avaient connaissance du vice affectant l'acte et qu'ils aient entendu le réparer .

La ratification, par le mandant, de l'acte contracté en son nom par le mandataire a pour effet de l'obliger envers son cocontractant. L'engagement pris par un associé pour le compte d'une société à responsabilité limitée en formation qui a été ratifié par un mandat, établi postérieurement, mais donné par les associés avant l'immatriculation de la société, emporte reprise de ces engagements par celle-ci . Réciproquement, la responsabilité du tiers cocontractant ne peut plus être mise en oeuvre par le mandant, dès lors qu'il a fait sien l'acte conclu par son mandataire. Ainsi, la responsabilité de la banque teneur du compte sur lequel sont effectuées des opérations, sans procuration par le conjoint du titulaire de celui-ci, n’est pas engagée si le titulaire du compte les a ratifiées, même tacitement, conformément aux règles du mandat .

La ratification par le mandant de l’acte accompli par le mandataire rétroagit au jour de l’acte ratifié . Autrement dit, l'existence de la procuration, dès lors qu'elle est admise, et quelle qu'en soit la date, emporte ratification rétroactive de l'acte passé par le mandataire . Dès lors, les juges du fond n'ont pas à rechercher si les actes d'exécution du mandat étaient ou non antérieurs à la procuration . Une cour d'appel ne peut donc retenir que l'attestation, établie postérieurement à la vente, par une épouse, par laquelle elle affirme avoir donné tous pouvoirs à son mari pour vendre leur bien commun n'établit pas qu'au jour de l'acte, le mari était mandaté par son épouse . En revanche, une cour d'appel ne saurait admettre que la ratification d'une vente à la suite du paiement d'une facture par le mandant vaille ratification des ventes réalisées postérieurement par le mandataire, au motif que la ratification par le mandant s'apprécierait par rapport au mandat, et non par rapport à chacune des ventes intervenues en exécution de celui-ci, alors que l'absence de signature d'un mandat de vente immobilier entraîne la nullité, laquelle ne peut être couverte que par la ratification ultérieure des actes accomplis sans mandat  .

Saint-Denis de la Réunion, 28 avril 2023, LawLex202300008846JBJ.

Cass. 1re civ., 28 avril 1980, LawLex202300002332JBJ, RTD civ. 1981, 408, obs. CORNU.

Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, LawLex202300008264JBJ, AJDI 2015, 215, obs. LE RUDULIER ; D. 2015, 529, obs. AMRANI-MEKKI et MEKKI ; RTD civ. 2015, 455, obs. CAYROL. V. égal., Cass. 1re civ., 15 octobre 2014, LawLex202200008839JBJ, D. 2015, 529, obs. AMRANI-MEKKI et MEKKI ; LPA 30 déc. 2014, 17, obs. DUBREUIL et NIEL, retenant que les demandeurs ne sauraient agir en nullité pour défaut de pouvoir de la personne les représentant à l’acte notarié, dès lors qu’ils ont reçu les fonds, pris possession du bien, bénéficié des avantages fiscaux, perçu les loyers et commencé à rembourser l'emprunt, et que, partant, ils ont ratifié le mandat et l'acte de prêt litigieux.

Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, LawLex202300008264JBJ, AJDI 2015, 215, obs. LE RUDULIER ; D. 2015, 529, obs. AMRANI-MEKKI et MEKKI ; RTD civ. 2015, 455, obs. CAYROL ; 9 juillet 2015, LawLex202300008057JBJ ; 17 décembre 2015, LawLex202300008226JBJ. - V. aussi Saint-Denis de la Réunion, 28 avril 2023, LawLex202300008846JBJ.

Cass. 1re civ., 17 décembre 2015, LawLex202300008226JBJ.

Cass. com., 1er juillet 2008, LawLex202200003798JBJ, Rev. sociétés 2009, 323, obs. LEGROS. - Cependant, Cass. com., 6 décembre 2005, LawLex202100003184JBJ, RTD com. 2006, 118, obs. CHAMPAUD et DANET ; RJ com. 2006, 209, obs. BENARD, relevant que, dès lors que la reprise des engagements souscrits au nom d’une société en formation ne peut résulter que, soit de la signature par les associés des statuts auxquels sont annexés un état des actes accomplis pour le compte de la société, soit d'un mandat donné par les associés avant l'immatriculation de la société, à l'un ou plusieurs des associés, ou au gérant non associé, et déterminant les engagements à prendre, soit encore, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés, une cour d’appel, pour décider que l'immatriculation du preneur avait entraîné valablement la reprise du bail, pris en son nom avant son immatriculation, ne peut pas retenir, d'un côté, que tous les associés ayant concouru à la conclusion du bail, cet engagement doit être réputé pris en vertu d'un mandat donné par les futurs associés, même si un acte constatant un tel mandat n'a pas été dressé et, de l'autre, que l'accomplissement d'une telle formalité n'est pas nécessaire dès lors que tous les futurs associés avaient expressément donné leur accord à l'engagement souscrit en le ratifiant.

Cass. com., 17 novembre 2015, LawLex202300008557JBJ, Gaz. Pal. 8 mars 2016, n° 10, obs. HOUIN-BRESSAND ; RD bancaire et fin. 2016, comm. 148, obs. CREDOT et SAMIN, relevant que l’époux, qui, prétendant avoir découvert l'existence d'opérations de débit effectuées notamment par son épouse, sans procuration, sur son compte sur livret, a assigné la banque en restitution des fonds correspondants et paiement de dommages-intérêts, a, selon la cour d’appel usant de son pouvoir souverain, tacitement ratifié l'ensemble des opérations litigieuses, y compris les deux pour lesquelles le donneur d'ordre n'était pas identifiable avec certitude, dès lors qu’en signant la convention d'ouverture de son compte, il a reconnu avoir pris connaissance de l'envoi par la banque d'un relevé mensuel, qu'il a ensuite lui-même effectué de multiples opérations sur le compte, que les opérations litigieuses, loin d'être isolées ou limitées dans le temps, ont consisté en trente retraits ou virements et en l'émission d'un chèque de banque étalés sur plus d'un an, que les sommes prélevées ont été versées sur des comptes communs ou sur ceux de son entreprise et que les opérations n'ont fait l'objet d'aucune réclamation de sa part, avant les deux années qui ont suivi l'exécution des premiers virements.

Cass. 3e civ., 20 décembre 1971, LawLex202200009653JBJ.- Cependant, Cass. com., 29 juin 1993, LawLex202200006444JBJ, Rev. sociétés 1994, 63, obs. PASQUALINI ; BJS 1993, 1142, obs. LE CANNU, relevant qu'une cour d’appel peut constater que les réserves émises par le gérant lors de l’assemblée générale de la société, qui portaient sur la validité du pouvoir donné par un associé à un autre, ont été levées par une lettre ultérieure par laquelle le mandant a ratifié toutes les décisions prises par son mandataire à l’issue de cette assemblée, et notamment celle de révoquer le gérant, sans pour autant donner une portée rétroactive à la révocation litigieuse.

Cass. 1re civ., 4 décembre 1979, LawLex202200010335JBJ.

Cass. 1re civ., 25 mars 1981, LawLex202300013719JBJ.

Cass. 3e civ., 8 juillet 1987, LawLex202300013720JBJ.

Cass. 1re civ., 19 janvier 2022, LawLex202200008645JBJ.

Cass. 3e civ., 11 janvier 1995, LawLex202300013713JBJ, RJDA 1995, n° 280.

Cass. 1re civ., 6 février 1996, LawLex202200008525JBJ. 

Cass. 3e civ., 25 juin 1996, LawLex202300013716JBJ.

Cass. 1re civ., 6 février 1996, LawLex202200008525JBJ.

Cass. soc., 10 novembre 2009, LawLex202200007130JBJ. - Comp. Paris, 8 septembre 2022, LawLex202300008326JBJ, estimant que, même si, selon l'article 1998 du Code civil, la ratification expresse ou tacite du mandat est possible, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, s'agissant d'un licenciement survenu dans une société, aucune régularisation n'est admise en revanche, lorsque le licenciement survient au sein d'une association ; et ajoutant que la signature de la lettre de licenciement d’un salarié par le directeur des ressources humaines d'une association rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de ratification possible, dès lors que les statuts de l'association disposent que son président en est le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, sauf délégation, pour un acte précis, à un autre membre du conseil de surveillance et de gestion, notamment au vice président et qu'il n'est pas contesté que le directeur des ressources humaines n'est ni membre du conseil de surveillance, ni vice-président de l'association.

Cass. 3e civ., 2 mai 1978, LawLex202300013718JBJ, relevant que, même s’il était stipulé à la promesse synallagmatique de vente qu’en cas de non-paiement à l’échéance, la vente pourrait être résolue, si bon semblait au vendeur, et que le mandataire a perçu la totalité du prix de vente après le terme fixé, pendant les quinze années qui ont précédé son décès, le vendeur n’a ni désavoué son mandataire, ni contesté ses actes, de sorte qu'il y a lieu de considéré qu'il a tacitement ratifié ceux-ci.

Cass. 1re civ., 17 mai 1993, LawLex202100002627JBJ, D. 1994, 25, obs. PAISANT.

Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, LawLex202300008264JBJ, AJDI 2015, 215, obs. LE RUDULIER ; D. 2015, 529, obs. AMRANI-MEKKI et MEKKI ; RTD civ. 2015, 455, obs. CAYROL ; 9 juillet 2015, LawLex202300008057JBJ ; 17 décembre 2015, LawLex202300008226JBJ ; Douai, 1er septembre 2024, LawLex202400007569JBJ. 

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504. Ratification.

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