Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

La procédure de sanction devant l'AMF doit se dérouler dans le strict respect des droits de la défense, et, en particulier, du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 CEDH. Cependant, ces droits ne commencent à s'appliquer qu'à compter de la procédure de sanction ouverte par la notification des griefs et la saisine de la commission des sanctions, et non lors de la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF . Il en va ainsi du principe du contradictoire, qui constitue une exigence de l'instruction et non de l'enquête, laquelle doit seulement être loyale afin de ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense .

1) Droits procéduraux des entreprises au cours de l'enquête

Au stade de l'enquête, l'AMF n'est tenue qu'au respect du principe de loyauté dans la collecte des éléments de preuve des pratiques suspectées. De fait, ses agents violent les droits de la défense des entreprises et s'exposent à l'annulation de la décision lorsqu'ils interrogent les personnes concernées, par voie de questionnaires détaillés, sur les conditions dans lesquelles elles ont acquis les actions d'une société tierce, sans les aviser du franchissement de seuil qui leur est imputé ni les inviter à présenter leurs observations sur la matérialité des manquements qu'elle s'apprête à relever et les conséquences qu'il convient d'en tirer .  L'exigence de loyauté n'impose pas, en revanche, que le contrôle effectué par les enquêteurs de l'AMF soit précédé d'une information de la personne contrôlée et des personnes physiques placées  sous son autorité ou agissant pour son compte et que les pièces examinées lors de ce contrôle leur soient communiquées . En effet, des visites inopinées peuvent être la garantie de l'efficacité du contrôle. 

Par ailleurs, la disparition de certains courriers du rapport d'enquête transmis au collège de l'AMF ne peut s'analyser comme un manquement à l'obligation de loyauté des agents enquêteurs ayant causé une atteinte irrémédiable aux droits de la défense dès lors qu'ils ont été versés à un stade ultérieur de la procédure et ont pu être débattus par les parties . De même, le fait que l'AMF ait procédé à une sélection des pièces d’un dossier finalement soumises à la commission des sanctions n'est  pas, en soi, de nature à vicier la procédure à moins qu'il ne soit  démontré que, manquant à son devoir de loyauté, elle n'ait distrait des  éléments de nature à influer sur l'appréciation par la commission des  sanctions, puis, le cas échéant, par la cour d'appel, du bien-fondé des  griefs retenus .

En outre, les personnes poursuivies ne peuvent invoquer le droit au respect de la vie privée consacré à l'article 8 CEDH pour s'opposer à une demande de communication de leurs documents comptables . 

Enfin, l’introduction par la personne mise en cause d’une procédure pour voie de fait prétendument commise par les agents enquêteurs de l'AMF, ne saurait contraindre la commission des sanctions à surseoir à statuer dans l’attente des décisions à intervenir devant la juridiction judiciaire, dès lors qu'elle apprécie elle-même la conduite des enquêtes dans sa décision .

2) Droits procéduraux des entreprises à compter de la notification des griefs

Parmi les exigences du procès équitable, visées à l'article 6 CEDH, figure le droit d'être jugé par un tribunal impartial. La Cour européenne des droits de l'Homme a eu l'occasion de consacrer l'impartialité objective de la commission des sanctions de l'AMF, en retenant que celle-ci est garantie par l'étanchéité entre services d'enquête et de poursuite d'une part, et l'organe de jugement d'autre part, et par le fait que la qualité de membre de la commission est incompatible avec celle de membre du collège . Elle a de même souligné que le fait que le collège soit, au sein de l’AMF, l’autorité principalement compétente pour édicter ou conférer un statut normatif aux règles dont  la violation peut être sanctionnée par la commission des sanctions ne porte pas atteinte à l’impartialité de la commission des sanctions, qui jouit d’une indépendance et d’une plénitude de juridiction pour apprécier la portée  de ces règles et l’existence d’un manquement à celles-ci . Le Conseil d'Etat estime également que la circonstance que le même service soit, au sein de l'AMF, en charge d'expédier les courriers de notification des poursuites et de la décision prise à l'issue de la procédure de sanction n'est pas de nature à faire naître un doute sur l'impartialité de la procédure du fait de l'absence de séparation des fonctions d'instruction et de jugement . Ne constitue pas davantage une violation de l'exigence d'impartialité le fait que le rapporteur ait pris parti sur la nature et la qualification des faits susceptibles d'être retenus à l'encontre d'une société dès lors que son rapport ne constitue que l'un des éléments du dossier sur lequel la commission se prononce  et qu'il ne participe pas au délibéré . Il en va également ainsi de la faculté ouverte à un membre du collège qui a pris part à la phase  d'instruction préalable à l'instance disciplinaire de présenter des  observations et de proposer une sanction. En effet, celle-ci doit être regardée comme la possibilité d'émettre un simple avis, qui ne lie la commission des sanctions ni quant au  principe même du prononcé d'une sanction, ni quant au quantum de  celle-ci . La faculté de saisine d'office de l'AMF a également soulevé des contestations au regard du principe d'impartialité, que la Cour de cassation a balayé en soulignant que la procédure suivie devant l'AMF organise une stricte séparation entre l'organe chargé des fonctions de poursuite et celui investi du pouvoir de sanction, lequel ne dispose pas de la faculté de se saisir d'office .

Le principe du contradictoire, qui implique que la personne poursuivie dispose de la faculté de répondre aux griefs relevés contre elle, n'est pas violé du seul fait que la décision de sanction retienne des circonstances de fait non mentionnées dans la notification des griefs afin de caractériser les comportements qui s'y  trouvent visés , ou que n'ont pas été remis à l'entreprise, avant la séance de la commission des sanctions, les observations écrites du représentant du collège . Il en va ainsi, en particulier, lorsqu'une suspension de séance a eu lieu après la lecture de ces observations, pour permettre à l'entreprise de s'entretenir avec ses conseil à ce sujet, que celle-ci n'a pas présenté de demande de renvoi et a eu la parole en dernier . De même, la communication aux parties des conclusions écrites du ministère public seulement quatre jours ouvrables avant l'audience n'a pas été considérée contraire aux exigences du débat contradictoire, dès lors qu'il ne s'agit que d'un avis, qu'il leur a effectivement été transmis et qu'elles ont eu la  faculté d'y répondre oralement en ayant la parole en dernier .

Le droit d'être entendu, corollaire du principe du contradictoire, n'impose pas à la commission des sanctions, qui peut entendre des personnalités qualifiées préalablement à ses délibérations, de procéder à l'audition en séance de tous les actionnaires minoritaires qui en feraient la demande, ni de leur communiquer les documents relatifs au projet d'offre publique, dès lors que le respect de leurs droits est assuré par le recours qui leur est ouvert devant la cour d'appel .

Les exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines et du principe de sécurité juridique s'appliquent pleinement à l'AMF. Pour autant, il ne peut être reproché à cette dernière d'avoir méconnu ces principes du seul fait qu'elle ait retenu l'existence d'une action de concert dans une hypothèse nouvelle .

Le délai de distance offert par le Code de procédure civile aux personnes appelées à comparaître devant une juridiction en raison de leur éloignement géographique ne s'applique pas devant la commission des sanctions. En effet, celle-ci n'est pas considérée comme une juridiction au regard du droit interne .

Enfin, il appartient à la commission des sanctions de l'AMF, et au Conseil d'Etat, lorsqu'il est saisi d'un recours contre une décision prise par la commission, de faire application d'une loi nouvelle plus  douce entrée en vigueur entre la date à laquelle le manquement a été commis et celle à laquelle ils statuent .

Paris, 16 février 2021, LawLex202300000025JBJ ; Cons. d'Et., 2 juillet 2015, LawLex202300000523JBJ.

Cass. com., 9 janvier 2019, LawLex202200009356JBJ ; 6 février 2007, LawLex202200009349JBJ ; AMF, 5 juin 2013, LawLex202300000591JBJ.

Cons. d'Et., 28 novembre 2014, LawLex202300000645JBJ.

Cons. d'Et., 2 novembre 2005, LawLex202300000696JBJ ; 28 novembre 2014, LawLex202300000645JBJ. - V. aussi Paris, 26 novembre 2008, LawLex202300000700JBJ, soulignant que le rapport du rapporteur, fût-il rédigé uniquement à charge, ne constitue qu'un des éléments du dossier sur lesquels se prononce la commission des sanctions.

Cass. com., 19 janvier 2010, LawLex202200011501JBJ.

Cons. d'Et., 20 mars 2013, LawLex202300000695JBJ.

Cass. com., 25 février 2014, LawLex202200011354JBJ.

Cass. com., 27 avril 2011, LawLex202300000702JBJ.

Paris, 31 mai 2012, LawLex202300000527JBJ, approuvée par Cass. com., 27 mai 2015, LawLex202300006337JBJ.

Cass. com., 27 mai 2015, LawLex202300006337JBJ ; Cons. d'Et., 20 mars 2013, LawLex202300000695JBJ. - V. aussi, consacrant la même solution, mais à l'aune d'un grief de violation du principe de l'égalité des armes, Cons. d'Et., 12 mars 2014, LawLex202300000692JBJ.

Paris, 30 janvier 2014, LawLex202300001611JBJ.

Cass. com., 17 juillet 2001, LawLex202200007243JBJ ; Paris, 5 mai 1998, LawLex202300006338JBJ. - V. aussi Cass. com., 19 octobre 1999, LawLex202200007237JBJ, estimant que l'autorité de contrôle n'est pas tenue d'entendre en séance toute personne intéressée par l'opération qui en fait la demande.

Paris, 2 avril 2008, LawLex202200008465JBJ.

Cons. d'Et., 29 mai 2024, LawLex202400004059JBJ.

Cons. d'Et., 2 juillet 2015, LawLex202300000523JBJ.

Paris, 27 novembre 2014, LawLex202300000551JBJ.

Cass. com., 20 septembre 2011, LawLex202300005778JBJ, approuvant Paris, 5 janvier 2010, LawLex202300000699JBJ.

Paris, 16 février 2021, LawLex202300000025JBJ.

Cour EDH, 1er septembre 2016, LawLex202200011358JBJ. - V. aussi, partageant cette analyse, Paris, 27 novembre 2014, LawLex202300000551JBJ ; Cons. d'Et., 15 mai 2013, LawLex202300000631JBJ.

169. Respect des droits de la défense