Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le premier critère autour duquel les règles éparses régissant les groupes de sociétés peuvent être organisées est celui du contrôle, qui, exercé par une personne physique  ou morale sur une autre, exprime l'étendue de son pouvoir de domination sur celle-ci. Le contrôle est, dans toutes ses variantes , défini à l'article L. 233-3 du Code de commerce, auquel renvoient diverses autres dispositions se rapportant à la notion de “groupe de sociétés” . 

En vertu du point I de l'article L. 233-3, I, relatif au contrôle “de droit”,  une société est réputée en contrôler une autre lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette dernière. Il en va également ainsi lorsque la même société dispose seule de la majorité des droits de vote dans l'autre en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société. La jurisprudence applique ces critères, en particulier dans les contentieux relatifs à l'obligation de reclassement des salariés au sein du “groupe”, notion pour la définition de laquelle l'article L. 1233-4 du Code du travail renvoie à l'article L. 233-3 du Code de commerce, et retient qu'un tel contrôle n’est pas caractérisé en présence d'une société détenant moins de 50 % du capital et moins de 39 % des droits de vote au sein d'une autre, même si elles ont à leur tête des dirigeants communs . De même, la notion de contrôle au sens de l'article L. 233-3 est mobilisée par l'article L. 2331-1 du Code du travail s'agissant de la constitution d'un comité social et économique  “de groupe”, qui doit intervenir “au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise  dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et  les entreprises qu'elle contrôle”. En application de ces textes, il a été jugé qu'une personne physique peut être qualifiée d'entreprise dominante, dès lors qu'elle s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe qu'elle contrôle . En revanche, l'existence d'un contrôle n’est pas caractérisée en l’absence de liens capitalistiques entre la société prétendument dominante et la société prétendument dominée, ou de détention des droits de vote et d’un pouvoir de décision de la première sur la seconde, même s’il existe une relation de dépendance économique entre elles .

Un contrôle “de fait” est caractérisé dans deux hypothèses : d'abord lorsqu'une société détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales d'une autre société ; ensuite, lorsqu'étant associée ou actionnaire de cette même société, elle dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de celle-ci . Une cession de parts ou d’actions qui se limite à 49 % du capital de la société cédée peut dissimuler un changement de contrôle, dès lors qu'elle est aussitôt contredite par l’octroi au cessionnaire de prérogatives exorbitantes, caractéristiques de celles d’un actionnaire majoritaire, telles que le pouvoir de révoquer à sa seule discrétion le président de la société, celui de s'opposer par son absence aux assemblées générales à toute délibération de cet organe, ainsi qu'un droit de veto sur toutes les décisions de gestion importantes . 

Le contrôle est dit “présumé” lorsqu'une entreprise dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 %, tandis qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne . Dès lors, une société qui dispose de 46 % des droits de vote d’une autre, sans qu'aucun associé ou actionnaire distinct ne détienne directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne ou n’exerce, en fait, une influence déterminante sur sa gestion, est présumée exercer un contrôle sur celle-ci . De même, une participation de 43,7 % dans une société permet de retenir la présomption de contrôle exercé sur celle-ci par la holding, à défaut d’établir qu’un autre associé détient seul une participation supérieure .

Conformément au III de l’article L. 233-3, il y a contrôle “conjoint”  par deux ou plusieurs personnes agissant de concert lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale par une autre . Selon l'article L. 233-10, qui renvoie lui aussi à l'article L. 233-3, “[s]ont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société”. Le contrôle implique, dans cette hypothèse, que la cogérance mise en place par les concertistes leur permette de déterminer les décisions prises en assemblée générale . Il est par ailleurs admis qu’un contrôle conjoint est exercé sur une société par ses deux actionnaires en présence d’une convention qui a pour objet et pour effet de subordonner la définition de la stratégie de celle-ci à leur accord commun . De même, la qualification de contrôle conjoint d’une société par des actionnaires qui agissent de concert est établie en présence d’un accord contraignant qui vise l’exercice d’une politique commune vis-à-vis de la société, lorsqu'aucune décision “ extraordinaire ” ne peut être prise sans l’accord de chacun d’entre eux et qu'aucun désaccord sur de telles décisions n'a été constaté au cours de la période litigieuse . La jurisprudence admet, dans une conception extensive du contrôle conjoint, que celui-ci peut être caractérisé lorsque deux actionnaires agissent de concert, même si l'un d'eux dispose d'une fraction de droits de vote de 80 %, qui, en l'absence de l’accord conclu entre eux, lui permet de déterminer seul les décisions des assemblées générales de cette société  . A l'inverse, l’existence de liens de famille entre actionnaires et le seul parallélisme de leurs comportements à l'occasion de la restructuration capitalistique d’un groupe n'induisent pas à eux seuls l'existence d'une action de concert déterminant un contrôle conjoint .

Enfin, l'article L. 233-4 du Code de commerce se réfère à une forme de contrôle indirect, pour considérer qu'une participation au capital, même inférieure à 10 %, détenue par une société contrôlée est indirectement détenue par la société qui la contrôle. Le texte vise principalement l'hypothèse de l'auto-contrôle, qui désigne la situation dans laquelle une société assure son propre contrôle par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs autres sociétés dont elle détient le contrôle. Une telle situation n'est pas encouragée : une participation d'autocontrôle est en effet privée de droit de vote, même si le contrôle s'exerce de concert avec d'autres partenaires . L'actionnaire conserve néanmoins son droit de céder ses actions d'autocontrôle .

En cas de contestation sur la notion de contrôle, l'article L. 233-5 prévoit que le ministère public et l'Autorité des marchés financiers, pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché d'instruments financiers, sont habilités à agir en justice pour faire constater l'existence d'un contrôle sur une ou plusieurs sociétés.

L'ensemble de ces définitions conçoit presqu'exclusivement le contrôle au travers des droits de vote qu'il confère à son détenteur en assemblée générale. Or, de nombreuses situations de contrôle peuvent échapper à ce critère ; c'est pourquoi de nouvelles définitions du contrôle ont émergé, notamment en droit comptable, pour l'application des règles de consolidation des comptes. Si l'on retrouve la même notion de contrôle conjoint, la définition qui en est donnée n'est pas exactement la même que celle de l'article L. 233-3, III. L'article L. 233-16, III l'envisage en effet comme le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord. 

Par ailleurs, l’article L. 233-16, II définit le contrôle exclusif par une société comme résultant : soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires.

Cass. com., 10 décembre 2003, LawLex202200007123JBJ.

Contrôle “de droit”, “de fait”, “présumé”, et “conjoint”.

Versailles, 3 mars 2021, LawLex202200009744JBJ.

Lyon, 7 avril 2021, LawLex202200009747JBJ.

KASPARIAN, Le contrôle conjoint, contribution à l'étude du pouvoir dans la société, Joly éd. 2014; MARTIN-LAPRADE, Contrôle conjoint, tentative de bilan à l'occasion du dixième anniversaire de cette notion, in Mélanges Ph. Bissara, ANSA 2013, 253.

Pour une application, V. Cass. com., 29 juin 2010, LawLex202200007122JBJ. - Comp. Cass. com., 15 mars 2017, LawLex201700000526JBJ, estimant, sans se référer aux décisions d'assemblée générale, qu'un pouvoir de révocation d'un dirigeant est à même de conférer à son titulaire un contrôle conjoint.

Cass. com., 15 mars 2011, LawLex202200007983JBJ.

CE, 20 octobre 2004, LawLex202200007987JBJ.

CE, 6 décembre 2021, LawLex202200007988JBJ.

Cass. com., 29 juin 2010, LawLex202200007122JBJ.

Versailles, 20 décembre 2012, LawLex202200009745JBJ.

V. not. C. com., art. L. 233-6, sur l'obligation de déclaration de franchissement de seuil ; art. L. 233-10, relatif à l'action de concert ; art. L. 233-31, sur la privation de droit de vote des actions d’autocontrôle ; C. trav., art. L. 1226-10, relatif au reclassement du salarié inapte ; art. L. 1233-4, relatif au reclassement des salariés licenciés pour motif économique ; art. L. 2331-1 relatif à la mise en place d'un  comité de groupe ; C. mon. et fin., art. L. 522-10-1, sur la dispense d'autorisation par l'AMF de certaines opérations réalisées au sein d'un groupe d'établissements de paiement ; art. L. 526-13, sur la même dispense, concernant cette fois les opérations réalisées dans un groupe d'établissements de monnaie électronique ; article L. 561-33, relatif à la mise en place, au sein des groupes, de procédures de contrôle et de gestion des risques ; CGI, art. 223 B, sur la déductibilité des charges financières au sein d’un groupe ; art. 726, sur l'exonération de droit d’enregistrement des acquisitions de droits sociaux entre sociétés membres du même groupe.

Paris, 15 mars 2000, LawLex202200008761JBJ.

CAA Douai, 10 septembre 2019, LawLex202200007885JBJ.

Anciennement désigné comme le “comité d'entreprise”.

Cass. soc., 22 novembre 2023, LawLex202300014050JBJ, JCP E 2024, n° 1028, obs. REVILLON ; JCP S 2024, n° 1006, obs. KERBOURC'H ; JCP E 2024, n° 1114, obs. PAGNERRE.

Besançon, 27 mars 2018, LawLex202200009751JBJ.

Cass. com., 26 février 2013, LawLex201300000265JBJ.

Appréciation du critère de contrôle

BLIN-FRANCHOMME, Essai sur la notion de contrôle en droit des affaires, Thèse Toulouse 1998; STORCK, Définition légale du contrôle d'une société en droit français, Rev. sociétés 1986, 385

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