Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

La gestion centralisée du groupe se manifeste le plus souvent par la conclusion de conventions de trésorerie destinées à régir les flux financiers entre les différentes sociétés qui le composent et gérer leurs besoins de liquidités et de financement . De telles conventions, a priori contraires au monopole bancaire édicté à l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier, bénéficient cependant d'une dérogation expresse lorsqu'elles sont conclues entre entreprises unies, directement ou indirectement, par des liens de capital conférant à l'une d'elles un pouvoir de contrôle effectif sur les autres, par l'article L. 511-7 , 3°. Les conditions du contrôle effectif au sens de l'article L. 511-7, 3° sont remplies lorsque le dirigeant commun de deux sociétés “sœurs” détient une participation majoritaire dans le capital de l’une et une participation égalitaire dans le capital de l’autre, même si ce contrôle est assuré par une personne physique en qualité d'entrepreneur individuel ou de dirigeant de sociétés . 

La consécration légale de la validité des conventions de trésorerie permet notamment de faire échapper leurs signataires à tout grief de confusion des patrimoines dans le cadre du droit des procédures collectives . De fait, une convention de trésorerie n'engendre pas de flux financiers anormaux lorsqu’elle permet une optimisation des charges et produits financiers au sein d’un groupe sous forme de prêts ou de mise à disposition réciproque des excédents de trésorerie entre chacune des sociétés et donne lieu à facturation d'intérêts au taux en vigueur sur le marché interbancaire . Les conventions de trésorerie au sein d'un groupe sont également prises en considération pour déterminer la consistance de l'actif disponible d'un débiteur et permettent, le cas échéant, de différer l'ouverture d'une procédure collective .  L'absence de mise en oeuvre d'une convention de trésorerie, en cas de mésentente entre les associés de la société mère, peut même conduire à la désignation d'un administrateur provisoire, lorsqu'elle met en péril la situation financière des filiales . En revanche, hors convention de trésorerie, une remontée de dividendes vers la société holding par la société reprise  dans le cadre d’une opération d’achat avec effet de levier (LBO) peut être analysée comme une faute de gestion des dirigeants contribuant à  l’insuffisance d’actif de la société rachetée, dès lors que la décision de verser ces dividendes n’a pas été prise au regard de sa situation et de sa trésorerie . De même, le versement de dividendes fictifs ne peut, en l'absence de toute convention de trésorerie, trouver une justification dans la seule qualité de sociétés du même groupe des personnes morales concernées .

Au regard du délit d'abus de biens sociaux, la validité d'une convention de trésorerie souscrite entre deux sociétés sœurs peut être retenue lorsque l'administrateur de la société prêteuse et gérant de la société emprunteuse n'en est pas signataire et qu'elle prévoit un service d'intérêts de 3 % l'an . En dehors de telles conventions, le concours financier apporté par les dirigeants de fait ou de droit d’une société à une autre entreprise d’un même groupe dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement, doit être dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble de ce groupe et ne doit ni être démuni de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge .

En droit du travail, la facturation, par une société mère, de frais de gestion, l’octroi d’un soutien financier par le cautionnement d’un prêt et des abandons de créances, ne traduisent pas nécessairement une immixtion fautive dans la gestion économique et sociale de sa filiale, de nature à justifier la qualification de co-employeur . 

BIENVENU, Les conventions de trésorerie dans les groupes de sociétés, LexisNexis, 2012.

Cass. com., 10 décembre 2003, LawLex202200007123JBJ.

Riom, 14 septembre 2021, LawLex202200009746JBJ.

Cass. com., 16 décembre 2014, LawLex202100002095JBJ.

Versailles, 2 avril 2002, LawLex202200009470JBJ. - A contrario, V. Paris, 7 septembre 2021, LawLex202100005672JBJ, retenant qu'en l’absence de convention de trésorerie et de présentation d’une comptabilité régulières par la filiale, les paiements récurrents au profit d’une holding caractérisent des flux financiers anormaux.

Paris,15 décembre 2011, LawLex202200007793JBJ ; Toulouse, 6 avril 2022, LawLex202200006457JBJ, retenant que dans le cadre d'un groupe de sociétés, les créances détenues par une société sur les autres sociétés du groupe peuvent constituer des actifs disponibles à la condition que les sociétés débitrices soient en mesure de régler leurs dettes intergroupe. - Comp. Cass. com., 17 mai 2011, LawLex202100005968JBJ, indiquant que des avances en compte courant effectuées par la société mère de la débitrice dans le seul but de retarder la date de cessation des paiements de façon anormale, ne peuvent constituer un actif disponible.

Aix-en-Provence, 22 mai 2014, LawLex202100005526JBJ.

Cass. com., 9 septembre 2020, LawLex202200007229JBJ.

T. com. Paris, 16e ch., 23 septembre 2022, LawLex202300003710JBJ, RJDA 2023, n° 261.

Cass. crim., 28 septembre 2016, LawLex202200005006JBJ

Cass. crim., 4 février 1985, LawLex202200009861JBJ ; 20 mars 2007, LawLex202200007734JBJ, retenant que le gérant qui a fait régler  par sa société, sans contrepartie, des factures d'autre sociétés dans  lesquelles il est intéressé, dont certaines correspondent à des  prestations fictives et qui encaisse personnellement, notamment en vue  de disposer d'une “cagnotte”, des sommes dues à l'une d'elles, en dehors  de toute comptabilité, se rend coupable d'abus de biens sociaux ; 24 juin 1991, LawLex202200007234JBJ, jugeant que les transferts de trésorerie réalisés dans l’intérêt exclusif de la société mère pour payer l’acquisition de sa filiale par la trésorerie de cette dernière, dès lors qu’ils ne s’inscrivent pas dans une politique de groupe, constituent un abus de biens sociaux.

268. Gestion financière centralisée