Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

L'article 52, paragraphe 1, TFUE dispose : 
“Les prescriptions du présent chapitre [relatif à l'établissement] et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publi …

Ordre public, sécurité publique et santé publique.

V. HANCHER et SAUTER, One step beyond? From Sodemare to Docmorris: The EU's freedom of establishment case law concerning healthcare, CMLR, February 2010, 47/117 ; SHUIBIHNE et MACI, Proving public interest: The growing impact of evidence in free movement cas law, CMLR, vol. 50, No 4, August 2013 ; RIGAUX, Sécurité publique et libre circulation des personnes (à propos de CJUE, gde ch., 4 juin 2013, ZZ c/ Secretary of State for the Home Department, aff. C-300/11), Europe, 2013, n°330.

L'article 52, paragraphe 1, TFUE dispose : 

“Les prescriptions du présent chapitre [relatif à l'établissement] et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique”.

L'article 52 TFUE permet aux États membres de justifier des règles nationales discriminatoires à l'égard des ressortissants européens. L'ordre public, la sécurité publique et la santé publique sont des notions européennes, qui font l'objet d'une interprétation restrictive. Elles impliquent l'existence d'une menace réelle et grave affectant un intérêt fondamental de la société . Un comportement présente un degré suffisant de gravité, lorsqu'il donne lieu à des mesures répressives ou à d'autres mesures réelles et effectives dans l'État membre d'accueil .

Afin d'éviter que les États ne remettent en cause le principe de libre circulation en recourant à ces réserves, les rédacteurs du Traité ont prévu, à l'article 52 TFUE, paragraphe 2, l'intervention d'une directive de coordination. Arrêtée en dernier lieu par le Conseil le 29 avril 2004 , la directive s'efforce de poser des limites aux raisons d'ordre public que les États peuvent invoquer tout en définissant les garanties procédurales dont bénéficient les citoyens européens dans l'exercice de leur droit de libre circulation.

Selon la Cour de justice , la portée de la notion d'ordre public ne peut être déterminée unilatéralement par chacun des États membres sans contrôle des institutions de l'Union, même si les circonstances spécifiques justifiant d'avoir recours à la notion d'ordre public peuvent varier d'un pays à l'autre et d'une époque à l'autre.

La directive donne trois précisions d'importance quant au contenu de cet encadrement européen ; l'interprétation jurisprudentielle a sensiblement élargi leur domaine. D'abord, les raisons d'ordre public et de sécurité publique “ne peuvent être invoquées à des fins économiques” . La volonté d'assurer à une fondation publique nationale l'intégralité des recettes provenant de messages publicitaires , une politique restrictive mise en place à l'égard des jeux de hasard et de paris qui vise à titre principal, et non accessoire, au financement d'activités sociales au moyen d'un prélèvement sur les recettes provenant des jeux autorisés , ou la diminution des recettes fiscales  ne sont donc pas susceptibles de justifier un refus d'entrée et de séjour sur le territoire d'un État membre. De même, la sécurité de l'approvisionnement en énergie ne peut pas fonder un régime d'autorisation préalable concernant l'acquisition de participations dans des sociétés anonymes stratégiques contrôlées par un État membre lorsqu'il a pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice des droits de vote afférents aux actions détenues, puisque ceux-ci constituent l'un des principaux moyens pour un actionnaire de participer activement à la gestion d'une entreprise ou à son contrôle . En revanche, une autorité administrative peut être autorisée à interdire à un ressortissant de quitter l'État membre concerné en raison du défaut de paiement d'une dette fiscale par la société dont il est le gérant, dès lors que cette interdiction répond à une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société (en l'occurrence, la nature et l'importance de la dette fiscale) et ne poursuit pas des fins économiques . Ensuite, les raisons d'ordre public ou de sécurité publique doivent être exclusivement fondées sur le “comportement personnel” de l'individu auquel elles sont opposées ; des motifs de prévention générale  ou des raisons détachées du cas individuel  ne peuvent servir de justification. Enfin, “la seule existence de condamnations pénales antérieures ne saurait automatiquement motiver ces mesures” .

Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent, en outre, respecter le principe de proportionnalité : elles doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre . Le contrôle de proportionnalité doit se fonder non seulement sur l'objectif de la réglementation nationale discriminatoire, tel qu'il se présentait au moment de l'adoption de celle-ci, mais également sur ses effets, appréciés postérieurement à son adoption . Satisfont au principe de proportionnalité la garantie d'un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous afin de contribuer à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé , le maintien d'un service universel de lamanage essentiel à la sécurité dans les eaux portuaires , ou l'interdiction de la retransmission télévisée en France d'événements sportifs binationaux comportant de la publicité pour l'alcool . Tel n'est pas le cas, en revanche, du régime national qui interdit, sur les chaînes nationales de télévision, la publicité concernant les traitements médicaux et chirurgicaux dispensés par les établissements médicaux privés, alors qu'il l'autorise sur les chaînes locales , de la législation qui exclut tout remboursement, par un organisme national de sécurité sociale, des frais occasionnés par l'hospitalisation de ses assurés dans les établissements de soins privés situés dans un autre État membre  ou qui soumet l'autorisation d'exercer des activités de sécurité privée à la condition que les administrateurs et directeurs des entreprises privées aient leur résidence sur le territoire national , dès lors que des mesures moins restrictives permettraient d'atteindre le même but.

La directive ne se contente pas de définir des règles de fond mais coordonne également les procédures nationales afin de garantir les droits de la défense des personnes faisant l'objet de mesures d'ordre public. Selon le texte, les raisons d'ordre public doivent être portées à la connaissance de l'intéressé, à moins que des motifs intéressant la sûreté de l'État ne s'y opposent. Cette communication doit être précise et complète et effectuée au moment même où la mesure restrictive est notifiée . Sauf urgence, l'intéressé doit disposer d'un délai minimum d'un mois pour quitter le territoire. La Cour précise qu'une décision d'éloignement ne saurait être exécutée avant que la personne concernée ait été en mesure d'épuiser les recours nationaux dont l'exercice lui est assuré par l'article 31 de la directive . Les recours juridictionnels et, le cas échéant, administratifs ouverts aux nationaux contre les actes administratifs doivent également bénéficier aux personnes protégées par la directive . Dans l'hypothèse où le recours est accompagné d'une action en référé demandant le sursis, l'éloignement effectif ne peut avoir lieu tant que l'ordonnance de référé n'a pas été prise. Devant l'autorité administrative, qui n'est pas nécessairement une juridiction , mais qui doit être différente de celle ayant adopté la mesure, l'intéressé doit faire l'objet d'un “procès équitable”  au cours duquel la mesure projetée à son encontre doit faire l'objet d'un “examen exhaustif” .

CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn c. Home Office, aff. 41-74, LawLex200400003479JBJ, RTD eur., 1976, 141, obs. LYON-CAEN ; 27 octobre 1977, Régina c. Bouchereau, aff. 30-77, LawLex200500007162JBJ, JDI, 1978, 953, obs. KOVAR ; 9 mars 2000, aff. C-355-98, LawLex200500006621JBJ, Europe, 2000, nº 139. La simple omission, par le ressortissant d'un État membre, des formalités relatives à l'accès, au déplacement et au séjour des étrangers n'est pas de nature à constituer, en elle-même, un comportement menaçant l'ordre et la sécurité publics : CJCE, 8 avril 1976, Royer, aff. 48-75, LawLex200500007175JBJ ; Cah. dr. eur., 1976, 476, obs. TOMUSCHAT ; Gaz. Pal., 1977, 1, 40 ; Rev. crit DIP., 1977, 554, obs. DUBOUIS ; CJUE, 17 novembre 2011, Hristo Gaydarov, aff. C-430-10, LawLex201100001796JBJ, pour le ressortissant d'un État membre condamné dans un État tiers pour trafic de stupéfiants.

CJCE, 18 mai 1982, Adoui c. Belgique, aff. 115-81, LawLex200500007235JBJ ; RTD eur., 1980, 428, obs. DRUESNE ; RTD eur., 1982, 706.

CJCE, 26 février 1975, Bonsignore c. Oberstadtdirektor der Stadt Köln, aff. 67-74, LawLex200500007228JBJ ; Cah. dr. eur., 1975, 302, obs. TOMUSCHAT ; RTD eur., 1976, 141, obs. LYON-CAEN ; 10 juillet 2008, Jipa, aff. C-33-07, LawLex201200000789JBJ. 

CJCE, 18 mai 1982, Adoui c. Belgique, aff. 115-81, LawLex200500007235JBJ.

CJCE, 27 octobre 1977, Régina c. Bouchereau, aff. 30-77, LawLex200500007162JBJ ; 22 mai 1980, Regina c. Secretary of State for Home Affairs, aff. 131-79, LawLex200800000163JBJ ; Dir. 2004-38, art. 27.

CJCE, 25 juillet 1991, Manfred Säger c. Dennemeyer, aff. C-76-90, LawLex200500006504JBJ, JDI, 1992, 440, obs. BOUTARD-LABARDE ; Gaz. Pal., 1995, 19, obs. HUGLO. Tel le cas de la disposition nationale imposant la cession obligatoire et gratuite des équipements utilisés pour la réception et la transmission des paris qui, si elle peut se justifier dans le cas de la déchéance ou de la révocation du contrat de concession à titre de sanction, ne l'est pas lorsque la cessation d'activité intervient du seul fait de l'expiration de la concession, V. CJUE, 28 janvier 2016, Laezza, aff. C-375-14, LawLex201600000201JBJ.

CJUE, 30 juin 2016, Admiral Casinos & Entertainment AG c. Balmatic Handelsgesellschaft mbH, Robert Schnitzer, Suayip Polat KG, Ülkü Polat, Attila Juhas, Milazim Rexha, aff. C-464-15, LawLex201600001189JBJ, Europe 2016, n° 280, obs. SIMON.

CJCE, 18 avril 1998, Raymond Kohll c. Union des caisses de maladie, aff. C-158-96, LawLex200500006047JBJ ; Europe, 1998, nº 191, obs. IDOT ; JCP G, 1998, II, 189, obs. BOUTARD-LABARDE ; RTD eur., 1998, 584, obs. HUGLO ; JDI, 1999, 572, obs. LUBY ; Gaz. Pal., 1999, 1, 127, obs. TAQUET ; 19 avril 2007, Aikaterini Stamatelaki, aff. C-444-05, LawLex200700001190JBJ ; Gaz. Pal., 8-10 juillet 2007, 58, obs. NICOLELLA.

CJCE, 18 juin 1998, Corsica Ferries France (SA), aff. C-266-96, LawLex200200003693JBJ.

CJCE, 13 juillet 2004, Bacardi France c. TF1, aff. C-429-02, LawLex200400001752JBJ.

CJCE, 17 juillet 2008, Corporación Dermoestética (SA), aff. C-500-06, LawLex200800001131JBJ.

CJCE, 19 avril 2007, Aikaterini Stamatelaki, aff. C-444-05, LawLex200700001190JBJ.

Dir. 2004-38 qui remplace la directive 64-221 du 25 février 1964, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres - V. not. chap. VI intitulé "Limitation du droit d'entrée et du droit de séjour pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique".

CJCE, 29 octobre 1998, Commission c. Espagne, aff. C-114-97, LawLex200500007301JBJ.

CJCE, 28 octobre 1975, Rutili c. Ministre de l'Intérieur, aff. 36-75, LawLex200500007166JBJ ; 18 mai 1982, Adoui c. Belgique, aff. 115-81, LawLex200500007235JBJ.

V. sous l'empire de l'ancienne directive, CJCE, 8 avril 1976, Royer, aff. 48-75, LawLex200500007175JBJ, Cah. dr. eur., 1976, 476, obs. TOMUSCHAT ; Gaz. Pal., 1977, 1, 40 ; Rev. crit. DIP, 1977, 554, obs. DUBOUIS.

V. déjà CJCE, 18 octobre 1990, Massam Dzodzi c. Belgique, aff. C-297-88, LawLex200500007204JBJ, JDI, 1991, 455, obs. SIMON ; RTD eur., 1991, 565, obs. RODIÈRE.

CJCE, 5 mars 1980, Pecastaing c. Belgique, aff. 98-79, LawLex200500007231JBJ ; 22 mai 1980, aff. 131-79, LawLex200800000163JBJ.

CJCE, 5 mars 1980, Pecastaing c. Belgique, aff. 98-79, LawLex200500007231JBJ.

CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn c. Home Office, aff. 41-74, LawLex200400003479JBJ, RTD eur., 1976, 141, obs. LYON-CAEN.

V. rappelant le principe : CJCE, 25 juillet 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda c. Commissariaat voor de Media, aff. C-288-89, LawLex200500006589JBJ.

CJCE, 26 avril 1988, Bond van Adverteerders c. Pays-Bas, aff. 352-85, LawLex200500006886JBJ, JCP G, 1988, II, 21139, obs. BOUTARD-LABARDE ; JDI, 1989, 427 ; Gaz. Pal., 1988, 427, obs. MAURO ; D., 1990, 403, obs. EDELMAN ; 25 juillet 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda c. Commissariaat voor de Media, aff. C-288-89, LawLex200500006589JBJ, JDI, 1992, 75, obs. BOUTARD-LABARDE ; D., 1992, 537, obs. EDELMAN ; Gaz. Pal., 1995, 19, obs. HUGLO.

CJCE, 6 novembre 2003, Piergiorgio Gambelli, aff. C-243-01, LawLex200700001198JBJ : ce même arrêt précise que la diminution des recettes fiscales ne figure pas au nombre des raisons énoncées à l'article 56 TFUE.

CJCE, 6 novembre 2003, Piergiorgio Gambelli, aff. C-243-01, LawLex200700001198JBJ.

CJUE, 8 novembre 2012, Commission européenne c. République hellénique, aff. C-244-11, LawLex201200002284JBJ.

CJUE, 17 novembre 2011, Aladzhov, aff. C-434-10, LawLex201100001969JBJ.

Droit européen des affaires

101. Ordre public, sécurité publique et santé publique.(1)

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