Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Pour bénéficier de la protection, le dessin ou modèle doit présenter un caractère individuel et de nouveauté (art. 3) et n'être contraire ni à l'ordre public ni aux bonnes mœurs (art. 8).
La nouveauté suppose que, à la date de présentation de la demande d'enregistrement ou à la date de priorité si une priorité est revendiquée, aucun dessin ou modèle identique - c'est-à-dire dont les caractéristiqu …

Conditions de la protection.

V. GAUBIAC, La théorie de l'unité de l'art, RIDA, 1982, nº 111, 3 ; RAYNARD, Du nouveau droit français des dessins et modèles : de l'influence de l'ordonnance du 25 juillet 2001 sur le principe de l'unité de l'art, Propriété industrielle, avril 2002, chron., 9-12 ; HUMBLOT, Nouveauté, caractère propre : un fauteuil pour deux. Regard critique sur les critères "objectifs" de la protection des dessins et modèles, JCP E, 2003, 990 ; LE LABOURIER, Les hypothèses de cumul de protections : le cas particulier des dessins et modèles, Dr. et patr., avril 2006, 85.

Pour bénéficier de la protection, le dessin ou modèle doit présenter un caractère individuel et de nouveauté (art. 3) et n'être contraire ni à l'ordre public ni aux bonnes mœurs (art. 8).

La nouveauté suppose que, à la date de présentation de la demande d'enregistrement ou à la date de priorité si une priorité est revendiquée, aucun dessin ou modèle identique - c'est-à-dire dont les caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants - n'ait été divulgué au public (art. 4). La nouveauté est une condition objective et absolue. Elle se distingue de celle d'originalité prévue en matière de droit d'auteur. Les dessins ou modèles ne matérialisent pas la mise en forme d'une idée originale mais celle d'une idée non encore divulguée . La seule divulgation peut donc être destructrice de nouveauté et faire perdre au créateur le bénéfice de la protection. Cependant, lorsque le dessin ou modèle est également original, son créateur pourra, malgré la divulgation, bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur conformément au principe du cumul admis par la directive (cons. 12). Toutefois, un tel cumul de protection ne doit pas porter atteinte aux finalités et à l’effectivité respectives de ces deux régimes, de sorte qu'il ne peut être envisagé que si les modèles sont qualifiables d'œuvres . Cette possibilité de cumul prive en grande partie d'intérêt la protection spécifique aux dessins et modèles car, dans le régime de la propriété littéraire et artistique, l'exercice de l'action en contrefaçon est indépendant de tout dépôt et la durée de protection plus longue (soixante-dix ans post mortem au lieu de vingt-cinq ans).

Le caractère individuel  du dessin ou modèle dépend de l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti et qui doit différer de celle que produit sur lui tout dessin ou modèle divulgué antérieurement (art. 5). Lors de la demande d'enregistrement, la comparaison avec tout dessin ou modèle antérieurement divulgué doit permettre de relever l'existence d'une différence claire d'impression globale produite sur un utilisateur averti . Il est tenu compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s'applique ou dans lequel celui-ci est incorporé, du secteur industriel dont il relève  et du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou du modèle . Moins le créateur disposera de liberté dans la conception de son dessin ou de son modèle, eu égard aux contraintes techniques ou commerciales, plus les différences ou légères variations qu'il apportera seront considérées comme une évolution indépendante .

La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle est exclue dans certaines hypothèses. L'article 7, paragraphe 1, prévoit ainsi que l'enregistrement d'un dessin ou modèle ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique . La preuve du caractère exclusivement fonctionnel pèse sur celui qui l'invoque. De même, pour faciliter l'interopérabilité de produits de fabrication différente et notamment la concurrence sur le marché des pièces de rechange (cons. 32), la protection est exclue pour les dessins ou modèles d'interconnexions. L'enregistrement ne protège donc pas les caractéristiques de l'apparence du produit qui doivent nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour que le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle puisse mécaniquement être raccordé à un autre produit, être placé à l'intérieur ou autour d'un autre produit, ou être mis en contact avec un autre produit, de manière que chaque produit puisse remplir sa fonction (art. 7, paragr. 2), à l'exception cependant des systèmes modulaires (art. 7, paragr. 3). Le raccord mécanique du produit de l'ensemble modulaire qui sert à l'assemblage bénéficie de la protection (ex : système d'emboîtement des briques Lego) car il constitue “un élément important des caractéristiques innovatrices de produits modulaires et représente un atout précieux pour leur commercialisation” (cons. 21).

La divulgation est caractérisée dès lors que le dessin ou modèle a été publié après enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière. La divulgation au public d'un produit dans son ensemble entraîne la divulgation du dessin ou modèle d'une partie de ce produit, si son apparence est identifiable lors de la divulgation . Toutefois, la divulgation ne détruit pas la nouveauté : (i) si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient être raisonnablement connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l'Union avant la date de présentation de la demande d'enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée ; (ii) si elle est faite à un tiers à des conditions explicites ou implicites de secret  (art. 6, paragr. 1) ou (iii) si elle est faite au public à la suite d'une conduite abusive à l'égard du créateur ou de son ayant droit (art. 6, paragr. 3) . En outre, le créateur, son ayant droit ou un tiers sur la base d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant droit disposent d'un délai de grâce de douze mois précédant la date de présentation de la demande d'enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée (art. 6, paragr. 2), pendant lequel ils pourront tester le produit sur le marché avant d'envisager son éventuel enregistrement. À l'expiration de ce délai, ils pourront bénéficier de la protection conférée par le règlement 6/2002 au dessin ou modèle de l'Union non enregistré (art. 11). Dans tous les cas, le dessin et modèle tombé dans le domaine public avant la transposition de la directive 98/71 bénéficie au moment de son entrée en vigueur d'une nouvelle protection pour toute la durée prévue à la directive 93/98 si les conditions de la protection sont remplies .

Lorsque le dessin ou modèle est appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d'un produit complexe, il n'est nouveau et ne présente un caractère individuel que s'il est visible lors d'une utilisation normale du produit, ses caractéristiques visibles devant également remplir les conditions de nouveauté et de caractère individuel (art. 3, paragr. 3) . L'utilisation “normale” s'entend d'une utilisation par l'utilisateur final à l'exception de l'entretien, du service ou de la réparation (art. 3, paragr. 4). Un produit “complexe” est défini comme un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit (art. 2, 5)). Cette condition a de facto pour objectif d'exclure du champ de la protection les pièces détachées qui se trouvent sous le capot d'un véhicule, afin de permettre aux équipementiers et fabricants automobiles de copier les pièces d'origine et de proposer des pièces de rechange concurrentes. Les pièces de rechanges visibles peuvent, quant à elles, être reproduites par les fabricants indépendants à condition qu'ils paient une rémunération “équitable et raisonnable” au fabricant de la voiture . Pour bénéficier de la clause dite de réparation instaurée par l'article 3, le fabricant ou le vendeur doit faire preuve de diligence et veiller à ce que les utilisateurs en aval n’aient pas l’intention d’utiliser les pièces en cause à des fins autres que la réparation pour rétablir l’apparence initiale du produit complexe. Ils ne sont toutefois pas tenus de garantir, objectivement et en toutes circonstances, que les pièces qu’ils fabriquent ou vendent sont, en fin de compte, effectivement utilisées par les utilisateurs finals dans le seul but d’effectuer des réparations visant à rétablir l’apparence initiale de ce produit complexe (cons. 35).

La directive 2024/2823 comprend deux nouveaux articles par rapport à la directive 98/71 qui sont relatifs à la titularité des droits sur le dessin ou modèle et s'alignent sur les dispositions du règlement 6/2002. L'article 11 pose le principe de l'appartenance du droit sur le dessin ou modèle enregistré à son créateur. En cas de réalisation collective, ce droit appartient conjointement à l'ensemble des créateurs. Dans le cas où le dessin ou modèle serait réalisé par un salarié, l'article 11, paragraphe 3, attribue le droit de propriété à l'employeur lorsque la création a été réalisée suivant ses instructions ou dans l'exercice de ses obligations par le salarié, sauf convention contraire. Enfin l'article 12 pose une présomption d'intérêt à agir dans toute procédure en faveur de la personne au nom de laquelle le droit au dessin ou modèle est enregistré, ou avant l'enregistrement, de celle au nom de laquelle la demande a été déposée.

Le dessin ou modèle peut être nouveau sans être original : il peut ainsi combiner des éléments connus et appartenant au domaine public.

CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel - Sociedade de Vestuário SA c. G-Star Raw CV, aff. C-683-17, LawLex201800001975JBJ.

CJUE, 27 janvier 2011, Flos SpA c. Semeraro, aff. C-168-09, LawLex201100000081JBJ.

CJUE, 28 octobre 2021, Ferrari SpA c. Mansory Design & Holding GmbH, aff. C-123/20, LawLex202100005705JBJ, qui indique que la partie ou pièce en cause doit constituer une section visible du produit bien délimitée par des lignes, des contours, des formes ou une texture particulière ; CJUE, 16 février 2023, Monz Handelsgesellschaft International mbH & Co. KG, aff. C-472/21, LawLex202300002230JBJ, Europe mai 2023, Chron. 2, n° 21, obs. BASIRE ; JCP E 2023, n° 1327, obs. BINCTIN, qui précise que la visibilité d’une pièce d’un produit complexe lors de son utilisation normale par l’utilisateur final s'apprécie du point de vue de cet utilisateur ainsi que de celui d’un observateur extérieur, cette utilisation normale devant couvrir les actes accomplis lors de l’utilisation principale d’un produit complexe ainsi que ceux qui doivent être habituellement accomplis par l’utilisateur final dans le cadre d’une telle utilisation, à l’exception de l’entretien, du service et de la réparation.

V. Comm. CE, COM(96) 66 final du 21 février 1996, proposition modifiée de directive pour harmoniser les législations des États membres sur la protection des dessins et modèles, qui envisage le cas spécial des pièces de rechange des voitures.

En France, l'expression de caractère “propre” a été substituée à celle de caractère “individuel” (C. prop. intell., art. L. 511-2).

Sur la notion d'utilisateur averti, V. dans une affaire rendue dans le cadre du règlement 6/2002, TUE, 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXXI, aff. T-337-12, LawLex201300001630JBJ, qui qualifie d'utilisateur averti l'utilisateur doté d'une vigilance particulière que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, que ce soit un particulier ou un professionnel utilisant le produit couvert.

Dir. 2024/2823, cons. 18. - V. égal. Règl. 6/2002, cons. 14, rédigé à l'identique.

Comm. CE, Livre vert sur la protection juridique des dessins et modèles industriels, juin 1991. Selon le Tribunal, dans une affaire rendue dans le cadre du règlement 6-2002, plus la liberté du créateur dans l'élaboration du dessin et modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins et modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l'utilisateur averti : TUE, 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXXI, aff. T-337-12, LawLex201300001630JBJ.

CJUE, 2 mars 2023, Papierfabriek Doetinchem BV, aff. C-684/21, LawLex202300002862JBJ, Europe mai 2023, Chron. 2, n° 20, obs. BASIRE : le point de savoir si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci doit être apprécié au regard de l’ensemble des circonstances objectives pertinentes, notamment de celles dirigeant le choix de ces caractéristiques, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser cette fonction technique et, éventuellement, du fait que le titulaire du dessin ou modèle concerné est également titulaire d’enregistrements pour un grand nombre de dessins ou modèles alternatifs.

CJUE, 28 octobre 2021, Ferrari SpA c. Mansory Design & Holding GmbH, aff. C-123/20, LawLex202100005705JBJ, qui précise que lorsque l'acte de divulgation consiste en la publication d'images du produit, les caractéristiques de la partie ou de la pièce de ce produit pour laquelle le dessin ou modèle est revendiqué doivent être clairement visibles.

La convention de Paris de 1883 confère au déposant d'une demande de dessin ou modèle industriels dans l'un des pays de l'Union un droit de priorité de six mois pour effectuer le dépôt dans les autres pays (art. 4, A, 1 et C, 1).

Droit européen des affaires

285. Conditions de la protection.(1)

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