Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Les rédacteurs du Traité CE avaient défini trois instruments d'harmonisation : les règlements, les directives et les conventions internationales. Plus souple que le règlement, la directive a d'abord permis, en coordonnant les législations des États membres, de supprimer les obstacles à la liberté de circulation. Ce premier type de directives, que l'on peut qualifier de directives de libéralisation …

Directives d'intégration.

V. REICH, Competition between legal orders: A new paradigm of EC law?, CMLR 1992, 861 ; BARENTS, The internal market unlimited: Some observations on the legal basis of Community legislation, CMLR 1993, 85 ; DOUGAN, Minimum harmonization and the Internal Market, CMLR 2000, 853.

Les rédacteurs du Traité CE avaient défini trois instruments d'harmonisation : les règlements, les directives et les conventions internationales. Plus souple que le règlement, la directive a d'abord permis, en coordonnant les législations des États membres, de supprimer les obstacles à la liberté de circulation. Ce premier type de directives, que l'on peut qualifier de directives de libéralisation, a, notamment par la voie de la reconnaissance des diplômes ou des contrôles, ouvert l'accès aux professions dites “fermées”. Aux directives de libéralisation ont succédé les directives d'intégration qui, au-delà de la suppression des restrictions, harmonisent les conditions d'exercice des activités dans les différents États membres en coordonnant, rapprochant ou unifiant leurs législations.

Le rapprochement des législations en matière d'établissement et de fonctionnement du marché intérieur est prévu aux articles 114 et 115 TFUE. L'article 114 donne compétence, selon la procédure législative ordinaire, au Parlement et au Conseil pour adopter les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, sans viser une forme particulière de texte européen. L'article 115 vise plus particulièrement les directives adoptées à l'unanimité par le Conseil selon la procédure législative spéciale. 

L'harmonisation des législations a connu un faible succès jusqu'à la fin des années 1980 en raison de l'obligation d'adopter les textes à l'unanimité. Depuis l'introduction de la majorité qualifiée par l'Acte unique européen de 1986, complétée par le Traité de Maastricht de 1992, qui organise des procédures d'adoption plus souples et plus efficaces, le rapprochement des législations a connu une véritable explosion. Aujourd'hui, les mesures ayant pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur sont adoptées sur proposition de la Commission, par le Conseil, qui statue à la majorité qualifiée, et le Parlement européen selon la procédure de codécision .

L'intensité de l'harmonisation par voie de directive varie dans le temps et selon le secteur concerné. Les premières directives étaient très détaillées, laissant peu de marge de manœuvre aux États membres. En effet, ceux-ci n'étaient pas autorisés à maintenir ou adopter de dispositions plus strictes que celles de la directive, ou à faire valoir, dans les domaines harmonisés, les exceptions légales ou jurisprudentielles aux atteintes aux libertés de circulation. La distinction entre directive et règlement est progressivement devenue de plus en plus théorique : alors que, contrairement au règlement, la directive ne devait lier ses destinataires - les États membres - que quant au résultat à atteindre, ceux-ci conservant leur compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en œuvre, elle est dans certains cas devenue si précise qu'elle ne laisse plus aucune liberté de choix aux États membres. Ce type d'harmonisation, qualifiée de complète ou exhaustive, utilisée en particulier en matière de normalisation, a fait l'objet de vives résistances. La Commission, dans sa communication Harmonisation technique et normalisation, a donc proposé une “nouvelle approche” , afin de relancer l'harmonisation en Europe sur de nouvelles bases, en se limitant à légiférer sur les exigences essentielles applicables aux produits et en déléguant l'adoption de normes non contraignantes à des organismes européens ou internationaux de normalisation . Cette nouvelle approche, combinée avec la reconnaissance mutuelle et le principe de subsidiarité de l'action européenne consacré par le Traité de Maastricht, a inspiré de nombreuses directives d'harmonisation minimale, notamment dans le domaine du droit de la consommation , qui ont permis aux États membres de garantir un niveau de protection plus élevé à leurs nationaux. Une autre tendance a consisté, pour faciliter l'adoption des directives, à ouvrir des options aux États membres, correspondant à l'état de leurs droits respectifs, ce qui a abouti dans certains cas à priver l'harmonisation de toute portée. Aujourd'hui, à la suite d'un nouveau mouvement de balancier, les autorités européennes recourent, dans le domaine du droit de la consommation, à des directives d'harmonisation maximale, qui privent les États membres de la possibilité de conserver des dispositions nationales plus protectrices . Selon la Commission, la diversité des législations internes et des niveaux de protection constitue une charge financière supplémentaire pour les entreprises, qui décourage les exportations et fait obstacle au fonctionnement du marché intérieur, tout en créant un manque de confiance des consommateurs dans les transactions transfrontalières.

À la différence des directives de suppression des restrictions qui fixent des règles minimales destinées à favoriser l'établissement et la libre prestation de services des ressortissants des États membres sur l'ensemble du territoire du marché intérieur et laissent à l'État membre d'origine le contrôle des conditions d'exercice de cette activité, les directives d'intégration empruntent une voie plus contraignante pour les États membres, l'imposition de règles uniques pouvant justifier des atteintes aux droits de certains opérateurs lorsque ceux-ci constituent une entrave trop importante à la réalisation du marché intérieur. En matière de propriété industrielle, le recours à la théorie de l'épuisement du droit  a ainsi conduit à limiter l'exercice des droits de marque nationaux.

En vertu de l'art. 114, paragr. 2, TFUE, la procédure de codécision ne s'applique pas aux dispositions fiscales, aux dispositions relatives à la libre circulation des personnes et à celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés.

COM(1985)19 final, inédit au JO, mais qui a fait l'objet d'une résolution du Conseil du 7 mai 1985, publiée au JO C 136 du 4 juin 1985.

Parmi les nombreuses directives "nouvelle approche", sur lesquelles nous ne nous attarderons pas en raison de leur portée sectorielle et technique, citons notamment : Dir. 88/378 du 3 mai 1988 sur la sécurité des jouets (mod. en dernier lieu par Dir. 2008-112 du 16 décembre 2008) ; Dir. 93/42 du 14 juin 1993 sur les dispositifs médicaux (mod. par Dir. 2007/47 du 5 septembre 2007) ; Dir. 1999/5 du 9 mars 1999 sur les équipements terminaux de télécommunications.

V. not. Dir. 84/450 du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse [aujourd'hui abrogée].

V. not. Dir. 98/5 du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise ; Dir. 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; Dir. 2008/48 du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

D'abord consacré par la jurisprudence de la Cour (V. not., CJCE, 4 novembre 1997, Parfums Christian Dior c. Evora, aff. C-337-95, LawLex200200005060JBJ), puis par l'art. 7 Dir. 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299 du 8 novembre 2008, 25) qui remplaçait Dir. 89/104 du 21 décembre 1988 (JO L 40 du 1er février 1989, 1), le recours à la théorie de l'épuisement des droits conférés par la marque est posé à l'article 15 de la Dir. 2015/2436 du 16 décembre 2015 (JO L 336 du 23 décembre 2015, 1) abrogeant la Dir. 2008/95.

Droit européen des affaires

188. Directives d'intégration.(1)

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