Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Le règlement prévoit, au titre des compétences spéciales, des règles de compétence dérivée, qui ont pour effet d'étendre la compétence du juge initialement saisi, dans des hypothèses bien précises. Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, le demandeur peut ainsi, en cas de pluralité de défendeurs, attraire un défendeur domicilié sur le territoire d'un État membre, dans un autre État membre, devant …

Pluralité de défendeurs.

IDOT, Compétence en cas de pluralité de défendeurs, Europe, 2012, 112.

Le règlement prévoit, au titre des compétences spéciales, des règles de compétence dérivée, qui ont pour effet d'étendre la compétence du juge initialement saisi, dans des hypothèses bien précises. Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, le demandeur peut ainsi, en cas de pluralité de défendeurs, attraire un défendeur domicilié sur le territoire d'un État membre, dans un autre État membre, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux , à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables, si les causes étaient jugées séparément. La victime d'une entente unique et continue, constatée par une décision de la Commission, et à laquelle plusieurs entreprises ont participé de façon différente, sur les plans géographique et temporel, peut demander réparation de son dommage devant le tribunal du domicile de l'une des co-participantes, y compris lorsqu'elle s'est désistée de son action à l'égard de cette dernière .  

L'extension de compétence de l'article 8, paragraphe 1, suppose que le juge saisi soit celui du domicile d'un défendeur, situé sur le territoire d'un État membre . Il ne peut s'agir du juge d'un État membre reconnu compétent à l'égard d'un défendeur, non au regard du critère du lieu de son domicile - situé en dehors de l'Union européenne -, mais de l'article 7, paragraphe 2 . 

L'exigence d'un lien de connexité entre les demandes formées contre les différents défendeurs, d'abord posée par la jurisprudence , est consacrée par les règlements successifs. En pratique, les demandes formées par un même demandeur à l'encontre des différents défendeurs doivent être connexes dès leur introduction, à charge pour chaque juridiction nationale de vérifier dans chaque cas si cette condition est satisfaite . Cependant, le demandeur n'est pas tenu d'établir, outre la connexité, que les demandes à l'encontre des différents défendeurs n'ont pas été formées à la seule fin de soustraire l'un des défendeurs aux tribunaux de l'État membre où il est domicilié . 

La connexité est en elle-même insuffisante : le fait que des sociétés appartiennent à un même groupe et aient agi de manière similaire conformément à une politique commune élaborée par une seule d'entre elles ne peut justifier l'extension de compétence de l'article 8 . Il doit exister un risque que des décisions “inconciliables” soient rendues . Par exemple, l'incidence potentielle du montant à restituer dans le cadre d'une demande en nullité et de restitution de l'indu sur l'évaluation de l'éventuel préjudice dans le cadre d'une demande en responsabilité, ne suffit pas à qualifier d'" inconciliables " les décisions à rendre dans le cadre de ces deux procédures . Pour considérer que des décisions sont contradictoires, il ne suffit pas qu'il existe une divergence dans la solution du litige, mais il faut encore que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit . Deux demandes d'une même action, dirigées contre des défendeurs différents et fondées l'une sur la responsabilité contractuelle et l'autre sur la responsabilité délictuelle, ne peuvent en principe être considérées comme présentant un lien de connexité . En revanche, l'existence d'un contrat de distribution exclusive entre deux sociétés laisse supposer que les actes de contrefaçon allégués à leur égard relèvent d'une même situation de fait susceptible de justifier la compétence d'une seule juridiction pour statuer sur les demandes dirigées contre l'ensemble des acteurs ayant commis ces actes . Par ailleurs, lorsque la compétence du tribunal est fondée sur la règle générale de l'article 4 du règlement 1215-2012, il n'est pas nécessaire que les fondements juridiques des actions engagées en application de l'article 8 soient identiques . 

Cass. 1re civ., 8 janvier 2002, Kalenborn Kalprotect (Sté) c. Vicat (Sté), LawLex200900003441JBJ : l'article [8, paragraphe 1] du règlement qui attribue compétence, en cas de pluralité de défendeurs, au for de l'un d'eux, suppose que ce défendeur ne soit pas fictif.

CJUE, 21 mai 2015, Cartel Damage Claims, aff. C-352-13, LawLex201500000643JBJ, RJ com. 2015, chron., 506, obs. DECOCQ ; Europe 2015, n° 287, obs. IDOT ; AJCA 2015, 382, obs. LUCIANI ; Contrats cons. consom. 2015, n° 211, obs. DECOCQ ; RLC 2015/44, 2826, obs. ROBIN ; LPA 21 décembre 2015, 10, obs. ARHEL ; CMLR 2016, 225-248, WURMNEST ; Contrats Cons. Consom. 2016, chron. 3, obs. LECLERC ; Concurrences 3-2015, 145, obs. LACRESSE ; RLDA 2018-133, 6380, obs. NOURISSAT : le désistement de la victime d'une entente à l'égard du seul des participants à l'infraction domicilié dans le ressort du juge saisi n'affecte pas la compétence de ce dernier pour connaître des recours dirigés à l'encontre des autres participants, sauf si l'existence d'une collusion entre la victime et ce codéfendeur, en vue de détourner la règle de concentration des compétences en cas de pluralité de défendeurs, est établie.  

CJCE, 13 juillet 2006, Roche Nederland c. Frederick Primus, aff. C-539-03, LawLex200800000630JBJ : dans la mesure où on ne peut pas conclure à l'existence d'une même situation de fait - les défendeurs étant différents et les actes de contrefaçon reprochés, mis en œuvre dans des États membres différents, n'étant pas les mêmes - et où, les éventuelles divergences entre les décisions rendues à la suite des actions en contrefaçon engagées dans les différents États membres ne peuvent s'inscrire dans le cadre d'une même situation de droit - toute action en contrefaçon de brevet européen devant, en application de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, être examinée au regard de la réglementation nationale en vigueur en la matière dans chacun des États pour lesquels le brevet a été délivré -, il n'existe pas de risque que des décisions contradictoires au sens de l'article [8, paragraphe 1] soient rendues.

CJCE, 27 octobre 1998, Réunion européenne (SA) c. Spliethoff's Bevrachtingskantoor BV, aff. C-51-97, LawLex200600002403JBJ : les considérations de la Cour, quant à l'application de l'article [8, paragraphe 1] intervenaient dans un contexte juridique et factuel différent de celui de l'arrêt Freeport, dans la mesure où l'arrêt Réunion européenne concernait le cumul d'une compétence spéciale fondée sur l'article [7, paragraphe 2] pour connaître d'une action de nature délictuelle et d'une autre compétence spéciale fondée sur l'article [7, paragraphe 1] pour connaître d'une action de nature contractuelle, au motif qu'il aurait existé un lien de connexité entre les deux actions et où il portait sur une action intentée devant une juridiction d'un État membre où aucun des défendeurs au principal n'était domicilié. La Cour a considéré qu'on ne pouvait admettre, dans ces conditions, qu'une compétence fondée sur l'article [7] du règlement, qui est une compétence spéciale circonscrite dans des hypothèses exhaustivement énumérées, puisse servir de base pour connaître d'autres actions. En revanche, lorsque la compétence du tribunal est fondée sur l'article [4] du règlement, comme dans l'arrêt Freeport, l'application éventuelle de l'article [8, paragraphe 1] devient possible, si sont remplies les conditions énoncées à cette disposition.

CJUE, 7 septembre 2023, Beverage City & Lifestyle GmbH, aff. C-832/21, LawLex202300011206JBJ, Europe 2023, n° 412, obs. IDOT ; JCP E 2023, n° 1327, n° 46, obs. BINCTIN, qui précise que les différents défendeurs domiciliés dans différents États membres peuvent être attraits devant la juridiction du domicile de l’un d’eux saisie, dans le cadre de l'action en contrefaçon, de demandes formées contre l’ensemble des défendeurs par le titulaire de la marque lorsqu’il leur est reproché une atteinte matériellement identique à cette marque commise par chacun, dès lors que ces défendeurs sont liés par un contrat de distribution exclusive.

CJCE, 11 octobre 2007, Freeport plc c. Olle Arnoldsson, aff. C-98-06, LawLex200800000622JBJ, RTD com., 2008, 451, obs. MARMISSE-d'ABBADIE d'ARRAST ; Europe, 2007, nº 364, obs. IDOT ; CJUE, 1er décembre 2011, Eva-Maria Painer, aff. C-145-10, LawLex201100001885JBJ, Communic. com. électr. , 2012, n° 26, obs. CARON. 

V. CJUE, 11 avril 2013, Land Berlin, aff. C-645-11, LawLex201300000570JBJ, qui précise que l'article [8, paragraphe 1] n'a pas vocation à s'appliquer à des défendeurs qui ne sont pas domiciliés sur le territoire d'un État membre lorsque ceux-ci sont assignés dans le cadre d'une action intentée contre plusieurs défendeurs parmi lesquels se trouvent également des personnes domiciliées dans l'Union.

CJCE, 27 octobre 1998, Réunion européenne (SA) c. Spliethoff's Bevrachtingskantoor BV, aff. C-51-97, LawLex200600002403JBJ, JDI, 1999, 625, obs. LECLERC ; Europe, 1998, nº 420, obs. IDOT ; Rev. crit. DIP, 1999, 333, obs. GAUDEMET-TALLON. 

CJCE, 27 septembre 1988, Athanasios Kalfelis c. Banque Schröder Moenchmeyer Hengst et Cie, aff. 189-87, LawLex200600002278JBJ, JDI, 1989, 457, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1989, 117, obs. GAUDEMET-TALLON ; D., 1989, somm. 254, obs. AUDIT.

CJCE, 27 septembre 1988, Athanasios Kalfelis c. Banque Schröder Moenchmeyer Hengst et Cie, aff. 189-87, LawLex200600002278JBJ.

CJCE, 11 octobre 2007, Freeport plc c. Olle Arnoldsson, aff. C-98-06, LawLex200800000622JBJ, RTD com., 2008, 451, obs. MARMISSE-d'ABBADIE d'ARRAST ; Europe, 2007, nº 364, obs. IDOT.

CJCE, 13 juillet 2006, Roche Nederland c. Frederick Primus, aff. C-539-03, LawLex200800000630JBJ.

V. CJUE, 12 juillet 2012, Solvay SA, aff. C-616-10, LawLex201200001805JBJ, RTD eur., 2012, 957, obs. TREPPOZ, qui retient l'existence d'un risque de solutions inconciliables dans une situation où deux ou plusieurs sociétés établies dans différents États membres sont accusées, chacune séparément, dans une procédure pendante devant une juridiction d'un de ces États membres, de contrefaçon à la même partie nationale d'un brevet en raison d'actes réservés concernant le même produit.

CJUE, 20 avril 2016, Profit Investment SIM SpA c. Stefano Ossi, Commerzbank Brand Dresdner Bank AG, Andrea Mirone, Eugenio Magli, Francesco Redi, Profit Holding SpA, Redi & Partners Ltd, Enrico Fiore, E3 SA, aff. C-366-13, LawLex201600000855JBJ, RJDA 2016, n° 586 ; RLC 2016/50, n° 2974, obs. IDOUX ; LPA 27 septembre 2016, 11, obs. BELIL ; RLDA 2018-133, 6380, obs. NOURISSAT.

Droit européen des affaires

344. Pluralité de défendeurs.(1)

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Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

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