Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La contrariété de la décision étrangère à l'ordre public de l'État requis permet à celui-ci de s'opposer à sa reconnaissance ou son exécution. Selon la Cour de justice, “la clause de l'ordre public ne doit jouer que dans des cas exceptionnels” . Le recours à la clause de l'ordre public doit ainsi être exclu, eu égard à son caractère exceptionnel, lorsque la question peut être résolue sur la base d …

Ordre public

La contrariété de la décision étrangère à l'ordre public de l'État requis permet à celui-ci de s'opposer à sa reconnaissance ou son exécution. Selon la Cour de justice, “la clause de l'ordre public ne doit jouer que dans des cas exceptionnels” . Le recours à la clause de l'ordre public doit ainsi être exclu, eu égard à son caractère exceptionnel, lorsque la question peut être résolue sur la base de l'article 45, paragraphe 1, b), qui tend au respect des droits de la défense du défendeur défaillant . Toutefois, le contrôle par le juge requis du respect des droits de la défense dans l'État d'origine peut relever du point a), dans les cas particuliers où les garanties inscrites dans la législation de l'État d'origine et dans le règlement 1215-2012 ne sont pas suffisantes pour protéger le défendeur d'une violation manifeste de son droit de se défendre devant le juge d'origine, tel que reconnu par la CEDH .

Pour être exclue, la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre État membre doit heurter de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis . L'atteinte doit constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle ou d'un droit reconnu comme fondamental dans l'ordre juridique de l'État requis . En effet, la notion d'"ordre public" au sens du règlement vise à protéger des intérêts juridiques qui s'expriment à travers une règle de droit et non des intérêts purement économiques . Même si les États membres sont libres de déterminer, conformément à leurs conceptions nationales, les exigences de leur ordre public, la Cour de justice contrôle les limites dans lesquelles le juge d'un État membre peut recourir à cette notion pour refuser de reconnaître la décision d'un autre État membre. L'ordre public de l'État requis ne peut être opposé à la reconnaissance ou à l'exécution d'une décision rendue dans un autre État membre au motif que le juge d'origine n'aurait pas respecté les règles du règlement 1215-2012 relatives à la compétence  ou qu'il aurait mal appliqué le droit national ou le droit de l'Union européenne . La clause d'ordre public concerne tant les règles de fond , que les règles procédurales . De manière exceptionnelle, le juge requis peut ainsi légitimement considérer que le refus opposé par le juge étranger d'entendre la défense de l'accusé, absent des débats, constitue une violation manifeste d'un droit fondamental de son ordre public procédural, justifiant la non-reconnaissance de la décision étrangère. Il peut aussi tenir compte, au regard de la clause de l'ordre public, du fait que le juge de l'État d'origine a statué sur les prétentions du demandeur sans entendre le défendeur, qui s'était régulièrement constitué mais qui a été exclu de la procédure au motif qu'il n'aurait pas satisfait à certaines obligations, lorsqu'au terme d'une appréciation globale de la procédure et au vu de l'ensemble des circonstances, il lui apparaît que cette mesure d'exclusion a constitué une atteinte manifeste et disproportionnée au droit du défendeur d'être entendu  . En revanche, le juge de l'État membre requis ne peut refuser, au titre de la clause relative à l'ordre public, l'exécution d'une décision judiciaire rendue par défaut et tranchant un litige au fond, qui ne comporte d'appréciation ni sur l'objet ni sur le fondement du recours et qui est dépourvue de tout argument sur le bien-fondé de celui-ci, sauf s'il lui apparaît, au terme d'une appréciation globale de la procédure et au vu de l'ensemble des circonstances pertinentes, que cette décision porte une atteinte manifeste et démesurée au droit du défendeur à un procès équitable, visé à l'article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison de l'impossibilité d'exercer à son encontre un recours de manière utile et effective   ou refuser de reconnaître une décision d'une juridiction d'un autre Etat membre au motif que cette juridiction s'est déclarée compétente malgré l'existence d'une convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d'un autre Etat membre . La reconnaissance et l'exécution de l'ordonnance d'une juridiction d'un État membre rendue sans qu'un tiers dont les droits sont susceptibles d'être affectés ait été entendu, ne sont manifestement pas contraires à l'ordre public de l'État membre requis et au droit à un procès équitable, s'il est possible à ce dernier de faire valoir ses droits devant cette juridiction .

CJCE, 4 février 1988, Horst Ludwig Martin Hoffmann c. Adelheid Krieg, aff. 145-86, LawLex200600002273JBJ, Rev. crit. DIP, 1988, 598, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1989, 449, obs. HUET.

CJCE, 10 octobre 1996, Bernardus Hendrikman c. Magenta Druck & Verlag GmbH, aff. C-78-95, LawLex200600002131JBJ, Rev. crit. DIP, 1997, 555, obs. DROZ ; JDI, 1997, 621, obs. HUET ; Gaz. Pal., 1997, 2, 168, obs. NICOLELLA ; Cah. dr. eur., 1999, 166, obs. TAGARAS. V en ce sens, Cass. 1re civ., 30 juin 2004, Daimler Chrysler (Sté), LawLex200900003570JBJ, Gaz. Pal., janvier 2005, 28, obs. NIBOYET ; RJ com. 2004, 380, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Rev. crit. DIP, 2004, 818, obs. MUIR-WATT ; JDI, 2005, 112, obs. CUNIBERTI : “le moyen tiré de la contrariété à l'ordre public ne [doit] être considéré que dans les cas exceptionnels où les garanties inscrites dans la législation de l'État d'origine et le règlement n'ont pas suffi à protéger le défendeur d'une violation manifeste de son droit de se défendre devant le juge d'origine”.

Sur la compatibilité avec le respect des droits de la défense auquel tend l'application de l'article 45 du règlement avec les procédures d'"unless order", de “debartment” et de “disclosure order”, CJCE, 2 avril 2009, Gambazzi c. Daimler Chrysler Canada Inc., CIBC Mellon Trust Company, aff. C-394-07, LawLex200900001251JBJ, Europe, 2009, nº 261, obs. IDOT ; Gaz. Pal., 27-28 novembre 2009, 22, obs. NIOCHE et SPINOLI ; JDE, 2009, 318, obs. BOULARBAH et NUYTS.

CJUE, 13 décembre 2012, Trade Agency Ltd c. Seramico Investments Ltd,aff. C-619-10, LawLex201200002013JBJ.

CJUE, 21 mars 2024, “ Gjensidige ” ADB, aff. C-90/22, LawLex202400002504JBJ : l’article 45, paragraphe 1, a), et e), ii), du règlement 1215/2012 ne permet pas à une juridiction d’un État membre de refuser la reconnaissance d’une décision d’une juridiction d’un autre État membre au motif que cette dernière juridiction s’est déclarée compétente pour statuer sur une action introduite au titre d’un contrat de transport international, en méconnaissance d’une convention attributive de juridiction, au sens de l’article 25 de ce règlement, faisant partie de ce contrat.

CJUE, 25 mai 2016, Meroni, Lembergs, Berkis, Skoks, Ševcovs c. Recoletos Limited, aff. C-559-14, LawLex201600000992JBJ.

CJCE, 28 mars 2000, Dieter Krombach c. André Bamberski, aff. C-7-98, LawLex200600002382JBJ, JDI, 2001, 690, obs. HUET ; Gaz. Pal., 2000, 30, obs. NIBOYET ; RTD civ., 2000, 944, obs. RAYNARD ; Rev. crit. DIP, 2000, 481, obs. MUIR-WATT.

CJUE, 1re ch., 21 mars 2024, “ Gjensidige ” ADB, aff. C-90/22, LawLex202400002504JBJ.

CJCE, 28 mars 2000, Dieter Krombach c. André Bamberski, aff. C-7-98, LawLex200600002382JBJ ; 28 avril 2009, aff. C-420-08, Meletis Apostolides c. Epoux Orams, LawLex200900001592JBJ.

CJUE, 23 octobre 2014, flyLAL-Lithuanian Airlines, aff. C-302-13, LawLex201400001131JBJ, Europe 2014, n° 560, obs, IDOT ; RJDA 2015, n° 63 ; AJCA 2015, 43, obs. PIRONON ; RLDA 2015/100, 61, obs. LECOURT ; RLDA 2016/111, 5820, obs. BARBA.

CJCE, 28 mars 2000, Dieter Krombach c. André Bamberski, aff. C-7-98, LawLex200600002382JBJ.

CJCE, 11 mai 2000, Régie nationale des usines Renault (SA) c. Maxicar SpA, aff. C-38-98, LawLex200600002401JBJ, JDI, 2001, 696, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 2000, 497, obs. GAUDEMET-TALLON ; JCP 2001, II, 10607, obs. NOURISSAT : l'éventuelle incompatibilité avec les principes de la libre circulation des marchandises et de la libre concurrence, de l'admission par le juge de l'État d'origine, d'un droit de propriété intellectuelle sur des éléments de carrosserie permettant à son titulaire d'interdire à des opérateurs économiques établis dans un autre État membre de fabriquer, de vendre, de faire transiter lesdits éléments, ne constitue pas une violation manifeste d'une règle de droit essentielle dans l'ordre juridique de l'État requis.

Cass. 1re civ., 19 octobre 1982, LawLex200900003538JBJ, Rev. crit. DIP, 1983, 721, obs. GAUDEMET-TALLON : dans le cadre d'un procès en fixation de la pension alimentaire due par le père naturel à son enfant majeur, l'audition de la mère, dès lors qu'elle ne constitue qu'un élément d'appréciation parmi d'autres, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international, de même que la fixation de la pension alimentaire selon un barème réglementaire établi selon l'âge de l'enfant et les conditions locales.

Au titre d'une violation de son ordre public procédural, le juge français refuse de reconnaître ou d'exécuter une décision étrangère non motivée, V. not. Cass. 1re civ., 28 novembre 2006, Union Discount Limited (Sté), LawLex200900003575JBJ, JDI, 1997, 543, obs. PEROZ. V. déjà en ce sens, Cass. com., 17 mai 1978, Vanclef c. TTI (Sté), LawLex200900003540JBJ, JDI, 1979, 380, obs. HOLLEAUX, et Cass. 1re civ., 19 octobre 1991, Société générale routière c. Polypetrol (Sté), JDI, 1993, 158, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1992, 516, obs. KESSEDJIAN. Le juge français de l'exequatur estime également qu'une violation du droit à un procès équitable, consacré par l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH relève de son ordre public international, V. en ce sens, Cass. 1re civ., 30 juin 2004, Daimler Chrysler (Sté), LawLex200900003570JBJ, Gaz. Pal., janvier 2005, 28, obs. NIBOYET ; RJ com. 2004, 380, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Rev. crit. DIP, 2004, 818, obs. MUIR-WATT ; JDI, 2005, 112, obs. CUNIBERTI. Dans cette affaire, la Haute juridiction a, par ailleurs, estimé qu'une “injonction Mareva”, consistant à interdire au débiteur de disposer, en tout lieu, de ses biens, en vue de la préservation des droits légitimes du créancier, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international, dans la mesure où elle ne porte atteinte ni à un droit fondamental du débiteur (elle ne vise que les biens du débiteur, sans pour autant les rendre indisponibles), ni à une prérogative de souveraineté étrangère (au contraire d'une injonction anti-suit, elle n'influe pas sur une procédure dans un autre État membre).

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