Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, alinéa 1er, du règlement 2015-848, “les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité” . En vertu de cette disposition, la juridiction de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité est compétente pour connaître des action …

Compétence judiciaire.

V. MENJUCQ, La situation des créanciers dans le règlement 1346/2000 sur les procédures d'insolvabilité, RJDA, 2001, chron. 579 ; RAIMON, Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d'insolvabilité, JDI, 2005, 739 ; DAMMANN et SENECHAL, La procédure secondaire du règlement CE nº 1346/2000 du 29 mai 2000 : mode d'emploi, RLDA, 2006, chron. 81 ; PORTWOOD, Synthèse des jurisprudences européennes en matière de centre des intérêts principaux, Cah. dr. entr. 2009, nº 5, 44.

Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, alinéa 1er, du règlement 2015-848, “les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité” . En vertu de cette disposition, la juridiction de l'État membre d'ouverture de la procédure d'insolvabilité est compétente pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et s'y insèrent étroitement , telle une action révocatoire fondée sur l'insolvabilité et dirigée contre un défendeur ayant son siège statutaire dans un autre État membre  ou dans un État tiers . Elle conserve ainsi compétence exclusive pour ouvrir la procédure d'insolvabilité lorsque le centre des intérêts du débiteur est transféré vers un autre Etat membre après l'introduction de la demande mais avant que la juridiction saisie ait statué sur celle-ci . En revanche, la juridiction d'un État membre qui a ouvert une procédure principale d'insolvabilité à l'encontre d'une société, en retenant que le centre des intérêts principaux de celle-ci est situé sur le territoire de cet État, ne peut, en application d'une règle de son droit national relative à la confusion de patrimoines, étendre cette procédure à une deuxième société, située dans un autre État membre, que s'il est établi que le centre des intérêts principaux de cette dernière se trouve dans le premier État membre . 

Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé être, jusqu'à preuve du contraire, le lieu de leur siège statutaire (art. 3, paragr. 1, al. 2). Consacrant la jurisprudence de la Cour , le règlement 2015-848 énonce que “le lieu des intérêts principaux correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par les tiers”. Un renversement de la présomption simple prévue par le législateur européen au bénéfice du siège statutaire est possible lorsque, du point de vue des tiers, le lieu de l'administration centrale d'une société ne se trouve pas au siège statutaire . Tel est le cas lorsque des éléments objectifs et vérifiables par les tiers , tels les lieux où la société débitrice exerce une activité économique et ceux où elle détient des biens, permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation au siège statutaire est censée refléter . La présence d'actifs sociaux comme l'existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser la présomption si une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permet d'établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre. En revanche, le simple fait que les choix économiques d'une société soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption . D'un point de vue temporel, en principe, la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur à la date de l'introduction de la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité permet de déterminer la juridiction compétente. Sous l'empire du règlement 1346-2000, la Cour de justice a estimé que dans l'hypothèse d'un transfert du centre des intérêts principaux du débiteur après l'introduction d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité, mais avant l'intervention de l'ouverture de ladite procédure, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel était situé le centre des intérêts principaux au moment de l'introduction de la demande demeuraient compétentes pour statuer sur celle-ci . En revanche, dans le cas d'un transfert du siège statutaire avant l'introduction d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité, le centre des intérêts principaux du débiteur est présumé se trouver au nouveau siège statutaire. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se trouve ce nouveau siège deviennent en principe compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale, à moins que la présomption énoncée à l'article 3, paragraphe 1, ne soit renversée par la preuve que le centre des intérêts principaux n'a pas suivi le changement de siège statutaire . Aussi, le nouveau règlement prévoit-il désormais expressément que “cette présomption ne s'applique que si le siège statutaire n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité” (art. 3, paragr. 1, al. 2). 

Le règlement 2015-848 pose aussi une présomption en faveur des personnes physiques, dont le contenu varie selon que la personne physique exerce ou non une profession libérale ou une activité d'indépendant. Dans un tel cas, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu d'activité principal principal de l'intéressé (art. 3, paragr. 1, al. 3). La notion de “lieu d’activité principale” d’une personne physique exerçant une profession libérale ou une autre activité d’indépendant ne correspond pas à la notion d’"établissement" définie à l’article 2, point 10, du règlement .

Pour les autres personnes physiques, le centre des intérêts principaux est présumé être le lieu de la résidence habituelle de l'intéressé (art. 3, paragr. 1, al. 4). Pour les professions libérales, la présomption ne s'applique que si le lieu d'activité principal de la personne physique n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité et pour les autres personnes physiques, que si la résidence habituelle n'a pas été transférée dans un autre État membre au cours des six mois précédant la demande.

Lorsque le débiteur possède un établissement sur le territoire d'un autre État membre, une procédure peut y être ouverte, mais ses effets seront limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce territoire (Règl. 2015-848, art. 3, paragr. 2). La notion d'"établissement" au sens de l'article 3, paragraphe 2, requiert la présence d'une structure comportant un minimum d'organisation et une certaine stabilité en vue de l'exercice d'une activité économique, la seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répondant pas, en principe, à cette définition . La procédure territoriale d'insolvabilité ne revêt plus de nature nécessairement liquidative comme le prévoyait le règlement 1346-2000 . Elle constitue, en principe, une procédure “secondaire” . Les juridictions de l'État membre d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité sont compétentes, alternativement, avec les juridictions de l'État membre d'ouverture de la procédure principale, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de la procédure secondaire. La détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de la procédure secondaire s'effectue conformément aux dispositions de l'article 2 qui dispose que l'État membre dans lequel se trouve un bien est, pour les biens corporels, celui sur le territoire duquel le bien est situé, pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, celui sous l'autorité duquel ce registre est tenu, et, enfin, pour les créances, celui sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur . Aux termes de l'article 3, paragraphe 4, une procédure d'insolvabilité secondaire peut néanmoins être ouverte avant une procédure principale si  “a) une procédure principale d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en raison des conditions établies par le droit de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur ; ou si b) l'ouverture de la procédure d'insolvabilité territoriale est demandée par i)  un créancier dont la créance est née de l'exploitation d'un établissement situé sur le territoire de l'État membre dans lequel l'ouverture de la procédure territoriale est demandée, ou est liée à celle-ci; ou ii)  une autorité publique qui, en vertu du droit de l'État membre sur le territoire duquel l'établissement est situé, a le droit de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité”. Les conditions visées à l'article 3, paragraphe 4, sous a), qui empêchent l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans l'État membre du centre des intérêts principaux du débiteur, sont seulement les conditions de fond relatives à la qualité du débiteur et non les conditions relatives à la qualité des personnes habilitées à demander l'ouverture d'une telle procédure . Le terme “ créancier ” figurant à l'article 3, paragraphe 4, b) utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l'ouverture d'une procédure territoriale indépendante, n'inclut pas une autorité d'un État membre qui, selon le droit national, a pour mission d'agir dans l'intérêt général, mais n'intervient ni en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers . En revanche, la question de savoir quelle personne ou autorité est habilitée à demander l'ouverture d'une procédure secondaire après (et non avant) l'ouverture d'une procédure principale, doit être appréciée sur le fondement du droit national de l'État membre sur le territoire duquel l'ouverture de cette procédure est demandée, cette possibilité ne pouvant être limitée aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l'État membre sur le territoire duquel est situé l'établissement concerné ou aux seuls créanciers dont la créance a son origine dans l'exploitation de cet établissement  .

La notion de centre des intérêts principaux s'interprète de manière uniforme et indépendante des législations nationales, par référence au droit de l'Union : CJUE, 12 octobre 2011, Interdil Srl, aff. C-396-09, LawLex201100001630JBJ.

CJUE, 12 février 2009, Seagon c. Deko Marty Belgium NV, aff. C-339-07, LawLex200900000263JBJ.

CJCE, 2 mai 2006, Eurofood IFSC Ltd, aff. C-341-04, LawLex200600002447JBJ.

CJCE, 17 janvier 2006, Staubitz-Schreiber, aff. C-1-04, LawLex200600002448JBJ.

CJCE, 20 octobre 2011, Interedil Srl, aff. C-396-09, LawLex201100001630JBJ.

CJUE, 8e ch., 19 septembre 2024, aff. C-501/23, LawLex202400006506JBJ, qui retient qu'il est présumé, jusqu’à preuve du contraire, que le centre des intérêts principaux d'une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant se situe au lieu d’activité principal de cette personne, même si cette activité ne nécessite aucun moyen humain ou aucun actif.

Règl. 1346-2000, art. 3, paragr. 3, dernier alinéa.

Règl. 2015-848, art. 3, paragr. 3 : “Lorsqu'une procédure d'insolvabilité a été ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure d'insolvabilité secondaire”.

CJUE, 11 juin 2015, Comité d'entreprise de Nortel Networks, aff. C-649-13, LawLex201500000735JBJ, LPA 8 juillet 2015, 14, obs. LEGRAND ; D. 2015, 1514, obs. DAMMAN et BOCHÉ-ROBINET ; Rev. sociétés 2015, 549, obs. HENRY ; D. 2015, 1718, obs. DUPOIRIER ; RJDA 2015, n° 693 ; Europe 2015, n° 351, obs. IDOT.

CJUE, 17 novembre 2011, Procureur-generaal bij het hof van beroep te Antwerpen, aff. C-112-10, LawLex201100001788JBJ.

CJUE, 4 septembre 2014, Burgo Group, aff. c-327-13, LawLex201400000929JBJ., D. 2015, 45, obs. DAMMAN ; D. 2015, 1068, obs. JAULT-SESEKE ; RLDA 2014/97, 5290, obs. FARACHE ; RLDA 2014/99, 5366, obs. MARCHAND. 

CJUE, 16 janvier 2014, Ralph Schmid c. Lilly Hertel, aff. C-328-12, LawLex201400000036JBJ.

CJUE, 24 mars 2022, aff. C-723/20, LawLex202200001751JBJ.

CJUE, 15 décembre 2011, Rastelli Davide e, aff. C-191-10, LawLex201200000038JBJ, D., 2012, 403, obs. VALLENS, et 406, obs. DAMMAN et MÜLLER.

CJCE, 2 mai 2006, Eurofood IFSC, aff. C-341-04, LawLex200600002447JBJ.

Le centre des intérêts principaux du débiteur doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité eu égard à la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale, cette exigence étant satisfaite lorsque les éléments matériels pris en considération pour établir le lieu où la société débitrice gère habituellement ses intérêts ont fait l'objet d'une publicité ou, à tout le moins, ont été entourés d'une transparence suffisante pour les tiers, CJCE, 20 octobre 2011, Interedil Srl, aff. C-396-09, LawLex201100001630JBJ.

CJCE, 20 octobre 2011, Interedil Srl, aff. C-396-09, LawLex201100001630JBJ. En ce sens, Colmar, 20 juin 2006, LawLex201000000329JBJ : si le fait d'exercer son activité en Allemagne n'est pas exclusif d'une domiciliation en France, la fixation des intérêts à une adresse donnée doit cependant correspondre à une réalité vérifiable. V. aussi Douai, 2 mai 2006, Service des Impôts des Entreprises de Valenciennes La Rhônelle c. TLMI Ltd (Sté), LawLex201000000330JBJ : le centre des intérêts principaux du débiteur, dans le cas d'une société ayant son siège en Grande-Bretagne, mais dont le dirigeant de fait et unique actionnaire demeure en France, dont les documents commerciaux sont tous en langue française et dont le bureau est à Valenciennes, est situé en France et non en Angleterre.

Droit européen des affaires

393. Compétence judiciaire.(1)

Profitez de 15 jours offerts
et accédez à tous les contenus Livv

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

393. Compétence judiciaire..css-17rnqzd{cursor:pointer;margin-left:4px;-webkit-text-decoration:underline;text-decoration:underline;}(1).css-1wvip9k{z-index:1500;color:#FFFFFF;font-family:IBM Plex Sans,sans-serif,Playfair Display,serif;font-size:16px;line-height:body1.lineHeight;}

Profitez de 15 jours offerts et accédez à tous les contenus Livv

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

393. Compétence judiciaire.(1)

Profitez de 15 jours offerts
et accédez à tous les contenus Livv