Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La notion de “centre des intérêts principaux du débiteur” détermine non seulement la juridiction compétente pour ouvrir la procédure, mais, par extension, la loi applicable à la procédure. En effet, selon l'article 7, paragraphe 1, du règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte. Le paragrap …

Principe d'application de la loi de l'État d'ouverture.

V. MENJUCQ, La situation des créanciers dans le règlement 1346/2000 sur les procédures d'insolvabilité, RJDA 2001, chron. 579 ; RAIMON, Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d'insolvabilité, JDI, 2005, 739 ; PORTWOOD, Synthèse des jurisprudences européennes en matière de centre des intérêts principaux, Cah. dr. entr. 2009, nº 5, 44 ; MARTIN-SERF, Déclaration et vérification des créances. Détermination de la qualité de créancier dans une procédure d'insolvabilité soumise au règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, RTD com., 2012, 190.

La notion de “centre des intérêts principaux du débiteur” détermine non seulement la juridiction compétente pour ouvrir la procédure, mais, par extension, la loi applicable à la procédure. En effet, selon l'article 7, paragraphe 1, du règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte. Le paragraphe 2 de l'article 7 comporte une énumération non exhaustive des différents éléments relevant de la loi de l'État d'ouverture, parmi lesquels figurent : “ a) les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité ; b) les biens qui font partie de la masse de l'insolvabilité et le sort des biens acquis par le débiteur ou qui lui reviennent après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ; c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du praticien de l'insolvabilité ; d) les conditions d'opposabilité d'une compensation ; e) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie ; f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les procédures engagées par des créanciers individuels, à l'exception des instances en cours ; g) les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ; h) les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances  ; i) les règles de distribution du produit de la réalisation des actifs, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation ; j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité  ; k) les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité ; l) la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité ; m) les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers ” . 

Les articles 8 à 18 posent des exceptions au principe de l'application de la loi de l'État membre d'ouverture, d'interprétation stricte . Les règles de conflits de lois énoncées aux articles 8 à 10 concernent les créanciers ou tiers à la procédure détenant des droits sur des biens du débiteur situés dans un État autre que celui d'ouverture, et leur confèrent la possibilité de faire valoir leurs droits sur ces biens, selon la loi de l'État concerné. Il s'agit notamment des droits des créanciers fondés sur une réserve de propriété (art. 10) ou des droits réels  (art. 8). Selon la Cour, le champ d'application de l'article 8 qui permet d'appliquer au droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur les biens du débiteur, la loi de l'État membre sur le territoire duquel se trouve le bien en question, ne saurait dépendre de l'origine du droit réel concerné ou de la nature de droit public ou de droit privé de la créance garantie par ce droit réel . Les autres règles de conflits dérogatoires ont vocation à régir les effets de la procédure d'insolvabilité sur, notamment : - les contrats portant sur un bien immobilier (art. 11) ; - les systèmes de paiement et marchés financiers (art. 12) ; - les contrats de travail (art. 13) ; - les droits soumis à enregistrement (art. 14) ; - les brevets et marques européens (art. 15) ; - les instances en cours portant, selon la Cour, non pas uniquement sur un droit ou un bien déterminé, mais plus largement, sur un bien ou un droit relevant de la masse d'insolvabilité (art. 18) . 

Au titre des dérogations à la règle de conflit générale de la “lex fori concursus”, l'article 16, relatif aux actes préjudiciables, dispose que l'article 7, paragraphe 2, m) qui soumet la détermination des règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes juridiques préjudiciables à la masse des créanciers à la loi de l'État d'ouverture, n'est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d'un acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers démontre 	que cet acte est soumis à la loi d'un État membre autre que l'État d'ouverture et qu'il ne peut être attaqué sur le fondement des dispositions de la lex causae applicables en matière d'insolvabilité, ni même des dispositions et principes généraux de celle-ci prise dans son ensemble, ce qui suppose d'apporter la preuve tant de l'existence des éléments de fait permettant de conclure que l'acte concerné est inattaquable que de l'absence de tout élément qui s'opposerait à cette conclusion . Selon la Cour, l'article 16 n'est, en principe, pas applicable aux actes qui interviennent après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, car admettre une solution contraire irait au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l'ouverture de la procédure . L'article 16 du règlement 2015-848 peut être valablement invoqué lorsque les parties à un contrat, qui ont leur siège dans un seul et même État membre, sur le territoire duquel sont également localisés tous les autres éléments pertinents de la situation concernée, ont désigné comme loi applicable à ce contrat celle d'un autre État membre, à condition que ces parties n'aient pas choisi cette loi d'une façon frauduleuse ou abusive, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier . Cependant, ces considérations ne peuvent être transposées à l'hypothèse dans laquelle un créancier procède à la réalisation d'un droit réel relevant de l'article 8, paragraphe 1 - et comme tel non soumis à la lex concursus -, qui vise à permettre au créancier de faire valoir, de manière effective, et ce même après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, un droit réel constitué avant l'ouverture de cette procédure . Le régime d'exception de l'article 16 inclut les délais de prescription, les délais d'exercice de l'action révocatoire et les délais de forclusion qui sont prévus par la loi à laquelle est soumis l'acte contesté (lex causae). La lex causae détermine également les règles de forme à respecter pour l'exercice d'une action révocatoire .

V. Cass. com., 15 décembre 2009, LawLex201000000689JBJ, Gaz. Pal., 28-29 mai 2010, 43, obs. JOBARD-BACHELLIER, qui constitue le premier cas d'application des règles de conflits prévus par le règlement 1346-2000 : "aux termes de l'article 4 paragr. 2 h) du règlement CE nº 1346-2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi de l'État d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité et notamment les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances". Il en résulte, dans la mesure où la loi de l'État d'ouverture - en l'occurrence, la France - le prévoit, qu'"une attestation, fût-elle postérieure à l'expiration du délai de déclaration des créances par laquelle celui ou ceux qui exercent actuellement les fonctions d'organe habilité par la loi nationale de la société créancière à la représenter certifiant que le préposé déclarant bénéficiait, à la date de la déclaration, d'une délégation de pouvoirs à cette fin, suffit à établir que celle-ci émanait d'un organe ayant qualité pour la donner".

CJUE, 22 novembre 2012, Bank Handlowy w Warsszawie SA, aff. C-116-11, LawLex201300000234JBJ, qui précise qu'il appartient au droit national de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment celle-ci est clôturée, dans la mesure où les questions relatives aux conditions et effets de la clôture ne peuvent faire l'objet d'une interprétation autonome et doivent être tranchées en application de la lex concursus désignée comme applicable ; CJUE, 25 novembre 2021, aff. C-25/20, LawLex20é&à0005981JBJ, qui relève que le syndic qui produit, dans une procédure d'insolvabilité secondaire, des créances déjà produites dans une procédure d'insolvabilité principale, est soumis aux dispositions relatives aux délais de production des créances et aux conséquences des productions tardives, prévues par l'Etat membre d'ouverture de la procédure secondaire.

CJUE, 16 avril 2015, Hermann Lutz, aff. C-557-13, LawLex201500000499JBJ. 

CJUE, 10 décembre 2015, aff. C-594-14, LawLex201500001701JBJ, Europe 2016, n° 84, obs. IDOT ; JCP G 2016, 519, obs. d'AVOUT, retenant que des dispositions nationales ayant pour effet de sanctionner un manquement à l'obligation de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité relèvent de l'article 7, paragraphe 2, point m.

CJUE, 16 avril 2015, Hermann Lutz, aff. C-557-13, LawLex201500000499JBJ, sur l'application de l'article 16, d'interprétation stricte.

CJUE, 16 avril 2015, Hermann Lutz, aff. C-557-13, LawLex201500000499JBJ, D. 2015, 2105, obs. DAMMANN : le droit résultant de la saisie pratiquée sur des comptes bancaires ne constitue un droit réel au sens de l'article 8, paragraphe 1, du règlement 2015-848, que si ce droit présente, en vertu du droit national concerné, un caractère exclusif par rapport aux autres créanciers de la société débitrice. Pour savoir si un tel droit est caduc du fait de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité contre la société débitrice, il convient de se référer à la lex fori concursus, pertinente pour déterminer en application de l'article 4, paragraphe 2, sous m), les règles relatives à la nullité, l'annulation ou l'inopposabilité, même si les prévisions de l'article 8, paragraphe 4, qui vont dans ce sens, ne se réfèrent qu'aux "actions" (et non aux "règles") relatives à la nullité, l'annulation ou l'inopposabilité.  

CJUE, 26 octobre 2016, Bundesgerichtshof, SCI Senior Home c. Gemeinde Wedemark, Hannoversche Volksbank eG, aff. C-195-15, LawLex201600001746JBJ, D. 2017, 852, obs. DAMMANN.

CJUE, 6 juin 2018, Tarrago da Siveira c Massa Insolvente da Espirito Santo Financial GroupSA, LawLex201800000869JBJ, précisant que si l'article 18 du règlement 2015-848 qui prévoit par exception que les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi son régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel cette instance est en cours, ne s'applique pas aux procédures d'exécution forcée, en relèvent en revanche les actions en constatation d'obligations alimentaires qui se limitent à déterminer les droits et les obligations du débiteur, sans impliquer leur réalisation, et qui ne risquent pas à la différence des procédures individuelles d'exécution forcée, de porter atteinte au principe d'égalité de traitement des créanciers. 

CJUE, 15 octobre 2015, Nike European Operations Netherlands BV c. Sportland Oy, aff. C-310-14, LawLex201500001257JBJ, RJDA 2016, n° 49 ; Europe 2015, n° 538, obs. IDOT.

CJUE, 8 juin 2017, C-54-16, Vinyls Italia SpA c. Mediterranea di Navigazione SpA, LawLex201700000970JBJ, RJ Com. 2017, 599, obs. ATTAL : la forme et le délai dans lesquels le bénéficiaire d'un acte préjudiciable à la masse des créanciers doit soulever une exception, en application de l'article 16 du règlement 2015-848, pour s'opposer à une action tendant à la révocation de cet acte selon les dispositions de la lex fori concursus, et la question de savoir si cet article peut également être appliqué d'office par la juridiction compétente, le cas échéant après l'expiration du délai imparti à la partie concernée, relèvent du droit procédural de l'État membre sur le territoire duquel le litige est pendant sous reserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité.

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397. Principe d'application de la loi de l'État d'ouverture.(1)

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