Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La qualification de subvention suppose que la contribution financière des pouvoirs publics du pays d'origine ou d'exportation confère un avantage , direct ou indirect, à la fabrication, à la production, à l'exportation ou au transport de tout produit dont la mise en libre pratique dans l'Union cause un préjudice . Le bénéficiaire de la subvention est l'exportateur, qu'il s'agisse du producteur ou du négociant, et non l'acheteur des marchandises .

La Commission utilise un critère très proche de celui de l'investisseur privé en économie de marché appliqué en matière d'aides d'État , pour déterminer si l'exportateur a réellement bénéficié d'un avantage qu'il n'aurait pas obtenu dans des conditions commerciales normales.

Ainsi, un prêt accordé à une entreprise lourdement endettée n'est pas de nature à lui conférer un avantage si la décision de la banque demeure commercialement rationnelle au regard de la situation du marché, et compte tenu, notamment, de la cote de crédit de l'emprunteur au moment de l'octroi du prêt. Il importe évidemment de vérifier que le prêt a été octroyé avec un taux d'intérêt et des échéances conformes aux conditions du marché. De même, une assurance-crédit à l'exportation à court terme ne constitue pas une subvention si les primes exigées sont en rapport avec la transaction et le risque pris en connaissance de cause de la situation de la société bénéficiaire au moment de l'octroi de cette assurance. En revanche, les fonds octroyés par l'intermédiaire d'un programme d'obligations d'une banque publique à une entreprise en difficulté représentent une subvention, dès lors que ces fonds sont censés être réservés aux seules sociétés jouissant d'une très bonne notation pour émettre des obligations. L'avantage résulte du comportement anormal de la banque qui ne se comporte pas comme un investisseur privé dans les mêmes conditions de marché, l'entreprise bénéficiaire, mal notée, n'étant pas en mesure de réaliser une telle opération financière . Il en est également ainsi de la restructuration d'une entreprise qui se trouve dans une situation financière désastreuse dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer qu'un investisseur guidé par des conditions de marché aurait considéré l'investissement utile .

Le critère de l'investisseur privé est utilisé à la fois pour identifier l'avantage et en mesurer l'importance lors du calcul du montant de la subvention passible de mesures compensatoires. Ce montant doit refléter l'avantage conféré au bénéficiaire au cours de la période d'enquête, par rapport à ce qu'il aurait normalement pu obtenir. L'article 6 du règlement antisubventions compare le comportement des pouvoirs publics avec celui d'un opérateur privé selon qu'ils agissent en qualité d'investisseur , de prêteur , de garant  ou de fournisseur de biens ou de services ou d'acheteur de biens . À défaut de conditions de marché comparables dans le pays concerné, la Commission peut procéder à un ajustement de ces conditions sur la base des coûts, prix et autres facteurs réels disponibles et, le cas échéant, se référer aux conditions et modalités qui prévalent sur le marché d'un autre pays ou sur le marché mondial, auxquelles le bénéficiaire peut accéder .

Enfin, seul l'avantage actuel est pris en compte et non l'avantage potentiel. L'avantage résultant d'un régime de subvention établi sous la forme d'un crédit octroyé lors de l'exportation d'un produit fini, et destiné à compenser les droits de douane exigibles lors des importations ultérieures d'intrants utilisés dans la fabrication de ce produit, n'existe qu'au moment où le crédit est effectivement utilisé .

Règl. 2016-1037, art. 6, i) et ii) ; V. par ex. Règl. Comm. CE nº 618-1999 du 23 mars 1999, importations de fils en aciers inoxydables (Inde, Corée), LawLex200800001726JBJ, où, en l'absence de prêt comparable accordé au bénéficiaire, la Commission se réfère aux prêts commerciaux accordés aux autres exportateurs ayant coopéré.

Règl. Cons. UE nº 2450-98 du 13 novembre 1998, importations de barres en acier inoxydable (Inde), LawLex200800001768JBJ.

V. Règl. Cons. UE nº 2597-1999 du 6 décembre 1999, importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (Inde), LawLex200800001775JBJ, s'agissant d'un régime d'exonération d'un impôt prélevé sur la vente des marchandises et ajouté au prix de vente sur la facture, qui ne peut recevoir la qualification de subvention, car ce n'est pas le producteur-exportateur qui tire avantage de ce régime, mais l'acheteur des marchandises.

V. VOGEL, Traité de droit économique, Tome I, LawLex, 2015.

V. pour ces différents exemples : Règl. Comm. CE nº 708-2003 du 23 avril 2003, importations de certains microcircuits électroniques dits "DRAM" (Corée), LawLex200800001784JBJ.

Règl. Cons. UE nº 320-2008 du 7 avril 2008, importations de certains microcircuits électroniques dits "DRAM" (Corée), LawLex200800001863JBJ, considérant également que l'échange de créances contre des participations dont bénéficie une entreprise en difficulté après réduction de son capital, constitue une subvention, dès lors qu'elle est assurée d'obtenir un montant minimal pour ses actions, alors qu'elle n'apparaît pas en mesure d'apporter un quelconque rendement à ses actionnaires au regard de la rentabilité financière de ses fonds propres. - V. égal. Règl. Cons. UE nº 1480-2003 du 11 août 2003, importations de certains microcircuits électroniques dits "DRAM" (Corée), LawLex200800001732JBJ, considérant qu'un programme bancaire de rachat des obligations arrivant à échéance est de nature à conférer un avantage à une entreprise, dès lors qu'aucune source de financement comparable ne s'offre à elle sur le marché, du fait de son endettement déjà très lourd auprès de ses banques créancières et de ses difficultés financières qui l'empêchent de financer ses obligations arrivant à échéance au moyen de prêts bancaires.

502. Critère de l'investisseur privé en économie de marché.