Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

Le fournisseur qui désigne ou approvisionne un autre distributeur dans la zone concédée au distributeur exclusif commet une faute qui engage sa responsabilité contractuelle  ou justifie la résiliation du contrat à ses torts , à plus forte raison lorsqu'il accorde au nouveau revendeur de meilleures conditions tarifaires . Tel peut être également le cas lorsque l'installation d'un nouveau distributeur à proximité d'un membre du réseau, même en dehors de la zone d'exclusivité, est manifestement de nature à porter une atteinte considérable au courant de clientèle du distributeur déjà installé . La désignation d'un nouveau distributeur sur le territoire exclusif d'un autre distributeur a également été qualifiée de rupture brutale du contrat de distribution exclusive . En désignant un nouveau distributeur dans la zone d'exclusivité de l'un de ses distributeurs exclusifs, sans avertir ce dernier de son intention de rompre, un fournisseur commet à la fois une faute contractuelle et un abus du droit de ne pas renouveler le contrat . Enfin, le fournisseur qui laisse s'installer un commerce parallèle des produits contractuels sur le territoire de son distributeur exclusif, allant jusqu'à livrer les tiers revendeurs, engage sa responsabilité .

L'obligation d'exécution de bonne foi permet d'appréhender des situations qui, si elles ne correspondent pas exactement aux stipulations contractuelles, n'en constituent pas moins une violation de l'obligation de respect de l'exclusivité concédée au distributeur exclusif. Ainsi, un fournisseur commet une faute lorsqu'il installe dans le territoire de l'un de ses distributeurs un distributeur d'automobiles d'occasion, commercialisant dans les faits des véhicules de très faible kilométrage , ou lorsqu'il permet à un distributeur de commercialiser des produits de la gamme couverte par l'exclusivité accordée à l'un de ses distributeurs, quel que soit leur lieu de fabrication . Un fabricant ne peut pas non plus livrer, dans la zone attribuée à un distributeur exclusif, les produits contractuels à un installateur auquel il accorde des prix inférieurs  ni autoriser un revendeur à commercialiser ses produits sur le stand d'un salon organisé sur le territoire de son distributeur exclusif . Eu égard à la rigueur de la jurisprudence, le fournisseur doit se montrer particulièrement prudent et rigoureux. En effet, la simple mention de l'existence d'autres entreprises que celle du distributeur sur le site internet du concédant peut engager la responsabilité du fournisseur, même si ce dernier ne leur a pas concédé de contrat de distribution . 

En revanche, un fournisseur ne commet pas de faute lorsqu'il permet à un tiers de représenter sa marque à l'occasion d'une foire se tenant dans l'arrondissement dans lequel est installé un distributeur exclusif, dès lors qu'une clause dérogatoire est prévue dans le contrat  ou lorsque les produits de la marque commercialisés dans la zone d'exclusivité du distributeur appartiennent à des gammes différentes de celles couvertes par le contrat  ou ne sont pas couverts par la clause d'exclusivité et sont différents des produits contractuels . 

Le fournisseur peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité contractuelle en établissant que la désignation d'un nouveau distributeur repose sur des justifications objectives prévues au contrat , à condition que la procédure contractuelle soit respectée . Ces solutions traditionnelles sont toujours valables. En revanche, il convient de s'assurer que les modifications ne constituent pas une rupture partielle de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-1, II du Code de commerce qui impose le respect d'un préavis sauf, tel que le texte est interprété par la jurisprudence, en cas de faute grave. De même, il arrive fréquemment qu'en cours de préavis, l'exclusivité territoriale du distributeur soit remise en cause et que le fournisseur nomme un deuxième distributeur en vue de préparer la succession du distributeur résilié et de pallier le désintérêt de l'ancien représentant de la marque pour la promotion des produits et services contractuels. La Cour de cassation a considéré que “l'abandon réciproque de l'exclusivité conformément aux stipulations contractuelles n'est pas assimilable à une rupture partielle des relations commerciales” . Les juges du fond  ont validé la clause qui “prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d'exclusivité territoriale et d'approvisionnement exclusif” en considérant qu'elle “constitue l'aménagement contractuel de l'exécution de préavis en cas de rupture du contrat” et “qu'elle n'a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l'article L. 442-6, I, 5° (devenu l'art. L. 442-1, II) du Code de commerce et ne s'analyse pas en rupture partielle des relations commerciales”. La solution s'explique par l'existence d'une clause contractuelle et par le bilatéralisme de la levée d'exclusivité. Même dans cette hypothèse, il convient cependant de se montrer prudent et de veiller à ce que cet abandon ne conduise pas à une cessation ou une réduction du flux d'affaires qui pourrait être contestée au titre d'une allégation de rupture brutale de relations commerciales établies. 

La prudence s'impose  d'autant plus qu'il n'est pas certain que cette jurisprudence perdure. En effet, dans le même temps, la Cour de cassation affirme très nettement que le préavis doit être exécuté dans les mêmes conditions que le contrat et qu'une levée d'exclusivité par le fournisseur équivaut à une rupture, au moins partielle , de relations commerciales établies. Dès lors que le droit de la rupture de relations commerciales établies est d'ordre public et ne peut être écarté a priori par une clause contractuelle contraire, même en cas de clause contractuelle de levée de l'exclusivité pendant le préavis, il n'est pas certain que celle-ci puisse faire échec au droit commun de la responsabilité pour rupture de relations commerciales établies, sauf en cas de manquement avéré à une obligation stipulée au contrat.

Paris, 19 avril 2017, LawLex201700000737JBJ ; 12 janvier 2021, LawLex202100000094JBJ, LD février 2021, 3, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; Contrats Conc. Consom. 2021, n° 43 obs. MATHEY.

Paris, 15 novembre 1991, LawLex200200001778JBJ ; 10 septembre 1997, LawLex200200005041JBJ approuvé par Cass. com., 27 octobre 1998, LawLex200200005147JBJ. - V. égal. Cass. com., 4 février 2004, LawLex200400000427JBJ : un fournisseur viole ses obligations contractuelles en nommant de nouveaux distributeurs, non désignés dans la liste de sa clientèle réservée, sur la zone attribuée à un concessionnaire. 

Paris, 31 juillet 2019, LawLex201900001000JBJ.

Paris, 1er octobre 2008, LawLex200900001609JBJ, BRDA, 5/2009, 7 : le référencement sur le site était de nature à créer un doute dans l'esprit des clients potentiels quant aux droits des entreprises mentionnées et à les laisser dans l'ignorance de l'exclusivité accordée au concessionnaire. Comp. T. com. Paris, 13 octobre 2003, LawLex200400003487JBJ : un concédant commet une faute en installant un agent sur le territoire de l'un de ses concessionnaires et en diffusant des publicités dans la région qui ne citent que ses succursales établies sur des territoires limitrophes.

Lyon, 31 mai 2001, LawLex200200001737JBJ. 

Paris, 15 mars 2007, LawLex200700001418JBJ ; 19 mars 2014, LawLex201400001705JBJ ; Angers, 7 février 2017, LawLex201700000308JBJ.

Paris, 4 juin 2014, LawLex201400000744JBJ.

Cass. com., 8 juin 1999, LawLex200200004391JBJ. 

T. com. Paris, 9 avril 1992, LawLex200200005908JBJ, confirmé par Paris, 26 janvier 1995, LawLex200200005439JBJ.

Cass. com., 9 juillet 2013, LawLex201300001090JBJ, JCP E, 2013, 1543 et Contrats Conc. Consom., 2013, n° 209, obs. MATHEY ; RLDA 2013, n° 4725, obs. LALOT ; D., 2013, 2324, obs. MOULY-GUILLEMAUD.

Paris, 13 janvier 2016, LawLex201600000071JBJ.

Cass. com., 10 février 2015, LawLex201500000184JBJ, AJCA, 2015, 182, obs. CARVAL ; Contrats Conc. Consom., 2015, 89, 25, obs. MATHEY ; RDC, 2015, 470, obs. DESHAYES : “sauf circonstances particulières, l'octroi d'un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures”.

Paris, 21 mars 2018, LawLex201800000538JBJ.

Paris, 9 février 1988, LawLex200200005713JBJ, approuvé par Cass. com., 19 décembre 1989, LawLex200200005764JBJ, D., 1990, Somm. 368, obs. FERRIER ; RTD civ., 1990, 649, obs. MESTRE. - V. égal., sur le fondement de l'obligation de loyauté, Versailles, 18 mars 2021, LawLex202100000874JBJ, LD mai 2021, 2, obs. BETTONI et 8, obs. LOUVET ; D. 2022, 734, obs. FERRIER.

Lyon, 9 novembre 1990, LawLex200200005807JBJ. 

Toulouse, 1er mars 1999, LawLex200200004636JBJ. 

Cass. com., 8 février 2011, LawLex201100000739JBJ.

T. com. Paris, 15 novembre 2001, LawLex200200004794JBJ. 

Paris, 9 décembre 1998, LawLex200200005157JBJ, approuvé par Cass. com., 23 octobre 2001, LawLex200200005010JBJ. - V. égal., dans le même sens, Cass. com., 8 février 2011, LawLex201100000739JBJ.

Toulouse, 27 mars 2019, LawLex201900000499JBJ.

76. Désignation d'un nouveau distributeur.