Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

La faveur marquée de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence françaises, initialement tentées par une prohibition des clauses interdisant la commercialisation des produits contractuels au travers de “marketplaces”  a pu paraître excessive et parfois contraire aux principes mêmes de la distribution sélective. 
La distribution sélective postule (i) qu'un membre du réseau se doit de re …

Marketplaces.

VOGEL (L.), Réseaux contre plates-formes : la distribution sélective à l'épreuve de l'internet, in Etudes en l'honneur du Professeur Jérôme Huet, LGDJ, 2017, 401 ; CAMOUS-LEONARD et COMBE, La distribution sélective après l'arrêt Coty : Eclaircissements et zones d'ombre, Concurrences 4/2018, 55 ; COLANGELO & TORTI, Selective distribution and online marketplace restrictions under EU competition rules after Coty Prestige, ECJ 2018, 81 ; VIALA, Distribution sélective et restriction à la vente en ligne sur les marketplaces : quel cadre juridique après Coty ?, Contrats Conc. Consom. avril 2018, Etudes, n° 5 ; L. et J. VOGEL, Interdiction du recours aux places de marché par l'arrêt Caudalie : une décision bienvenue, une consécration à parachever, AJ Contrat 2018, 435 ; WAELBROECK et DAVIES, Coty, Clarifying Competition law in the Wake of Pierre Fabre, JECLAP 2018, 431 ; BOTTEMAN et BARRIO, From Pierre Fabre to Coty and Beyond: How Far Can Suppliers Ban Online Sales?, JECLAP 2019, 519 ; LACRESSE, LEUNG, MONTI Marketplaces et réseaux de distribution sélective : quel encadrement ?, RLC 2019, n° 3541 ; VOGEL, Places de marché et droit de la concurrence : suite ou fin ?, in Mélanges en l'honneur du Professeur Gilbert Parleani, IRJS Editions, 2021, 567 ; STAKHEYEVA, Competition law in attempt to understand (Luxury) trademarks,  ECJ 2022, 1.

La faveur marquée de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence françaises, initialement tentées par une prohibition des clauses interdisant la commercialisation des produits contractuels au travers de “marketplaces”  a pu paraître excessive et parfois contraire aux principes mêmes de la distribution sélective. 

La distribution sélective postule (i) qu'un membre du réseau se doit de respecter l'image des produits contractuels et leurs conditions de distribution en remplissant lui-même ses obligations contractuelles et les critères de sélection sans pouvoir mandater des tiers pour distribuer les produits contractuels, (ii) que l'équilibre économique du réseau puisse être préservé et garanti par la limitation quantitative du nombre de points de vente si la tête de réseau l'estime opportun et (iii) que le droit de la concurrence l'y autorise, à savoir dès lors que la part de marché du fournisseur et du distributeur est inférieure à 30%. La liberté de vente sur les “marketplaces” que semblait consacrer la jurisprudence allait directement à l'encontre de ces trois principes. 

De nombreuses “marketplaces” n'offrent pas de conditions de présentation et de valorisation des produits compatibles avec les règles de la distribution sélective  . La position des autorités de concurrence a ainsi pu manquer de cohérence à cet égard : elles reconnaissaient la liberté d'organisation du réseau et les impératifs tenant à la constitution d'une image de marque mais imposaient dans le même temps aux fabricants de voir leurs produits mélangés, sans mise en valeur particulière, à ceux d'autres marques qu'ils n'avaient pas choisies et qui n'appartenaient pas nécessairement à la même gamme, sur des sites dont ils n'avaient pas défini l'esthétique ou les règles de présentation et qui pratiquaient souvent des politiques de prix agressives, sinon de discount, alors que la jurisprudence reconnaissait par ailleurs le droit de refuser d'agréer des sites internet adeptes de pratiques de discount.

De même, il a toujours été admis en droit de la concurrence qu'un distributeur sélectif devait exécuter lui-même ses obligations contractuelles et ne pouvait pas nommer de sous-distributeurs ou sous-agents sans l'accord du fournisseur , ni conclure avec des entreprises exerçant leur activité dans le territoire convenu des accords de distribution et de service de vente et d'après-vente pour des produits contractuels sans le consentement du fournisseur . A défaut, le réseau de distribution sélective ne serait plus du tout maîtrisé. 

Les “marketplaces” se présentent comme de simples mandataires des distributeurs membres des réseaux. Au regard des règles classiques de la distribution sélective, le membre du réseau ne saurait cependant démultiplier les points de vente sans l'accord de son fournisseur. En outre, il n'est pas certain que les “marketplaces” ne soient que de simples mandataires. En réalité, elles s'identifient  généralement à de véritables entreprises autonomes qui décident elles-mêmes du référencement des distributeurs et de l'étendue  de la gamme des produits qu'elles entendent proposer à la vente. Plus que le prolongement transparent des membres du réseau, la “marketplace” représente une véritable entreprise de vente non membre du réseau qui définit sa propre politique commerciale. 

Enfin, la liberté de vente sur les “marketplaces” heurte de front le droit reconnu au fournisseur, en deçà des seuils d'exemption, de définir quantitativement le nombre de ses points de vente pour aboutir au maillage de la clientèle qu'il estime opportun.  Reconnaître la liberté illimitée de commercialiser sur une “marketplace” revient à dénier au fournisseur le droit de dimensionner quantitativement son réseau qui est de l'essence même de la distribution sélective quantitative. 

Sans doute inspirées par les conclusions du rapport final de la Commission sur le commerce électronique de mai 2017, les autorités françaises ont finalement fait marche arrière et considéré que la vente sur des plateformes non agréées constituait un trouble manifestement illicite , s'agissant d'un réseau dont la licéité avait été consacrée par l'Autorité de la concurrence dans une décision d'engagements . La reconnaissance ultérieure, par la Cour de justice, de la licéité de l'interdiction faite par un fournisseur à ses distributeurs agréés de recourir de façon visible à des plateformes tierces ou places de marché pour la vente sur internet de ses produits de luxe, a consolidé ce changement de cap . Selon le juge de l'Union, une telle interdiction apparaît légitime pour garantir que ces produits soient exclusivement rattachés aux distributeurs agréés dans l'esprit des consommateurs. Elle constitue également un moyen approprié pour le fournisseur de contrôler que ses produits seront vendus en ligne dans un environnement qui correspond aux conditions qualitatives qu'il a fixées, en l'absence de relation contractuelle avec les plateformes lui permettant d'en exiger le respect. Enfin, elle ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de préservation d'une image de luxe lorsque le fournisseur ne prohibe pas de manière absolue la vente sur internet des produits contractuels, mais seulement le recours à des plateformes tierces qui opèrent de façon visible à l'égard des consommateurs. La Cour d'appel Paris, saisie ultérieurement d'une question similaire, s'est alignée sur la position du juge de l'Union . Allant plus loin que la Cour de justice, mais rejoignant en ce sens l'interprétation de la Commission , les juges parisiens ont même estimé que la commercialisation de produits cosmétiques peut être interdite sur des plateformes tierces, qu'ils soient ou non considérés comme des produits de luxe . L’Autorité de la concurrence a rejoint ce mouvement et retenu que l’interdiction du recours aux plateformes pouvait également se justifier pour la vente de matériels de motoculture, en raison de leur particulière technicité et dangerosité , ou de produits électrodomestiques haut de gamme et de haute technicité . Les nouvelles lignes directrices sur les restrictions verticales de 2022  parachèvent cette évolution en considérant que l'interdiction faite aux membres d'un réseau de distribution sélective de commercialiser les produits contractuels sur une plateforme tierce ou place de marché peut bénéficier de l'exemption à condition qu’elle n’ait pas pour objet indirect d’empêcher l’utilisation effective de l’internet par l’acheteur pour vendre les  biens ou services contractuels sur des territoires spécifiques ou à une  clientèle spécifique. Du fait de l'inclusion des restrictions à l'utilisation des places de marché en ligne dans le champ de l'exemption, les débats sur la portée de l'arrêt Coty n'ont plus lieu d'être. L'interdiction peut désormais concerner tant les produits de luxe que les produits de haute qualité ou de haute technologie.

Décisions de mesures conservatoires Aut. conc. n° 14-D-07 du 23 juillet 2014, LawLex201400002294JBJ et n° 15-D-11 du 24 juin 2015, LawLex201500000887JBJ, relatives au réseau Samsung, renvoyant à l'examen au fond la clause d'interdiction de vente sur marketplaces, en raison de son caractère potentiellement anticoncurrentiel ; Communiqué de presse du 18 novembre 2015, prenant acte de la suppression, par Adidas, de la clause de ses contrats interdisant la vente sur les marketplaces ; Paris, 2 février 2016, LawLex201600000258JBJ, LD mars 2016, 6, obs. VERTUT ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 92, obs. MALAURIE-VIGNAL ; AJCA 2016, 210, obs. PONSARD, en référé, retenant que l'interdiction de vente sur les marketplaces ou autres plateformes en ligne est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction caractérisée.

V. admettant le refus d'agrément d'un site internet en raison de sa communication sur le principe du discount : Paris, 25 mars 2014, LawLex201400001777JBJ ; 13 janvier 2016, LawLex201600000070JBJ.

Décision Aut. conc. n° 18-D-23 du 24 octobre 2018, LawLex201800001583JBJ, préc., confirmée par Paris, 17 octobre 2019, LawLex201900001229JBJ, préc.

Décision Aut. conc. n° 21-D-30 du 28 décembre 2021, LawLex202200000035JBJ, LEDICO février 2022, 6 et JCP E 2023, n° 1116, n° 16, obs. DIENY.

Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01, pt 208.

Brochure explicative du règlement automobile n° 1415/95, question 11. - Adde, brochure explicative du règlement n° 1400/2002, autorisant les systèmes de distribution à trois niveaux, sous réserve de l'accord du fournisseur.

Règlement automobile n° 1475/95, article 31.

Cass. com., 13 septembre 2017, LawLex201700001426JBJ, LD octobre 2017,9, obs. BONNET-DESPLAN ; LEDICO novembre 2017, 2, obs. VOGEL (L. et J.) ; AJ Contrat, 2017, 489, obs. BUY et RODA ; JCP E, 2017, n° 1632, obs. WILHELM et DUMUR ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 221, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Concurrences 2017/4, 110, obs. FERRIER ; LPA 10 janvier 2018, 8, obs. ARHEL ; JCP E 2018, n° 1131, obs. MAINGUY ; RJDA 2017, n° 800, cassant Paris, Paris, 2 février 2016, LawLex201600000258JBJ, précit.

Décision Cons. conc. n° 07-D-07 du 8 mars 2007, LawLex200700000334JBJ, Concurrences, n° 2-2007, 102, obs. CLAUDEL ; RLDI, 2007/25, n° 829, obs. COSTES et AUROUX ; Communic. Com. électr., 2007, n° 72, obs. CHAGNY ; Contrats Conc. Consom., 2007, n° 122, obs. MALAURIE-VIGNAL ; D., 2007, Chron., 2209, obs. FOURGOUX ; RDC 2007, 773, obs. PRIETO.

CJUE, 6 décembre 2017, Coty Germany GmbH, aff. C-230-16, LawLex201700002002JBJ, LD décembre 2017, 1, obs. ERÉSÉO ; BRDA 18/1, 26, obs. COURSIERE-PLUNTZ et PETRIGNET ; LEDICO janvier 2018, 1, obs. DEBROUX ; D. 2018, 150, obs. GRIMALDI ; RLDA 2018, n° 6382, obs. AUDRAN et CHOFFEL ; AJ Contrat 2018, 34, obs. BUY et RODA ; RLC 2018, n° 3313, obs. CATALA-MARTY ; RLC janvier 2018, 27, obs. BONNET-DESPLAN ; Contrats Conc. Consom. 2018, n° 26, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Europe 2018, n° 74, obs. IDOT ; RLC 2018, n° 3340, obs. MARCINKOWSKI ; Concurrences 2018/1, 74, obs. DEBROUX ; Concurrences 2018/1, 104, obs. MARTIN ; RDC 2018, 87, obs. BÉHAR-TOUCHAIS.

Paris, 28 février 2018, LawLex201800000367JBJ, LEDICO avril 2018, 6, obs. DIENY ; LD mars 2018, 8, obs. BONNET-DESPLAN.

Competition policy brief 1/2018 - “EU competition rules and marketplace bans: Where do we stand after the Coty judgment?” , 4 April 2018.

Paris, 13 juillet 2018, LawLex201800001096JBJ, LD septembre 2018, 4, obs. ERÉSÉO ; AJ Contrat 2018, 435, obs. L. et J. VOGEL ; LEDICO octobre 2018, 3 et Concurrences, 2018/4, 125, obs. MARTIN ; D. 2019, 784, obs. N. FERRIER, sur renvoi de Cass. com., 13 septembre 2017, LawLex201700001426JBJ, précit.

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195. Marketplaces.(1)

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