Infractions au Code pénal, au Code de commerce ou au Code de l'environnement, Procédure pénale

Droit pénal des affaires

La répression des abus de marché a fait l’objet d’un important contentieux sur le principe des doubles poursuites. En effet, jusqu’en 2015 le principe de non bis in idem n’était pas applicable en la matière. Le Conseil constitutionnel admettait un possible cumul de poursuites et de sanctions administratives et pénales à l’encontre de l’auteur d’un même fait, à condition que le principe de proporti …

Cumul des sanctions administratives et pénales

La répression des abus de marché a fait l’objet d’un important contentieux sur le principe des doubles poursuites. En effet, jusqu’en 2015 le principe de non bis in idem n’était pas applicable en la matière. Le Conseil constitutionnel admettait un possible cumul de poursuites et de sanctions administratives et pénales à l’encontre de l’auteur d’un même fait, à condition que le principe de proportionnalité ait été respecté, c’est-à-dire que le montant global des sanctions prononcées n’excède pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues .

Cette solution reposait sur la réserve émise par la France lors de la ratification du protocole additionnel n° 7 de la CEDH , qui soutenait qu’en droit interne seules pouvaient constituer des infractions, au sens du protocole, celles relevant de la compétence des tribunaux répressifs. La règle  non bis in idem n’avait donc vocation à s’appliquer en France que pour les infractions relevant de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdisait pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement à celles prononcées par les juridictions répressives. La Cour de cassation consacrait le cumul non seulement sur le fondement des réserves faites par la France en marge du protocole n° 7 , mais aussi en application de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne , qui, selon elle, ne s'oppose pas à ce qu'une personne sanctionnée pour un manquement relevant de la compétence de l'Autorité des marchés financiers puisse, en raison des mêmes faits, être poursuivie et condamnée pour un délit, dès lors que ce cumul garantit une sanction effective, proportionnée et dissuasive .

Toutefois, à la suite de la condamnation de l’Italie par la Cour européenne des droits de l'Homme, pour avoir sanctionné administrativement un dirigeant d’entreprise, parallèlement poursuivi pénalement pour les mêmes faits de diffusion de fausses informations sur le marché , le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article L. 465-1  et de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier , ainsi que celles des articles L. 466-1, L. 621-15-1, L. 621-16 et L. 621-16-1, qui en sont inséparables , au motif que leur cumul porte atteinte au principe de nécessité des peines de l’article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Le Conseil a considéré que les deux répressions protègent les mêmes intérêts sociaux, qu’elles aboutissent au prononcé de sanctions de même nature, et que les poursuites et les sanctions prononcées relèvent du même ordre de juridiction, l’examen des recours relevant de la compétence de la Cour d’appel de Paris .

Afin de répondre à cette interdiction de cumul des sanctions administrative et pénale, la loi du 21 juin 2016 a réformé le système de répression des abus de marché et consacré aux articles L. 465-3-6 et L. 621-15 du Code monétaire et financier un nouveau dispositif qui permet la coexistence des deux systèmes, administratif et pénal, par le biais d’un choix alternatif de poursuite de l'infraction. Ce système impose une obligation d’information mutuelle et de concertation entre le Parquet national financier et le Collège de l’Autorité des marchés financiers, avant toute notification des griefs par l’AMF ou de mise en mouvement de l’action publique par le procureur de la République financier, sur le choix du type de répression, administrative ou pénale, à adopter. Il est désormais prévu que si l’AMF n’a pas l’intention de procéder à la notification du grief, l’action publique peut être mise en mouvement, et qu'inversement, si le procureur de la République n’a pas l’intention de mettre en mouvement l’action publique, l’AMF pourra notifier des griefs. L’éventuel désaccord entre le procureur et l'AMF relève de l’arbitrage du procureur général près la Cour d’appel de Paris. Cette interdiction de cumul n’étant entrée en vigueur que le 23 juin 2016, aucune disposition législative n'interdit, en revanche, un cumul de poursuites et de sanctions pour le délit et le manquement de diffusion de fausses informations lorsque la mise en mouvement de l'action publique et la notification des griefs sont toutes deux intervenues avant cette date .

Depuis, la Cour européenne des droits de l'Homme semble toutefois être revenue, partiellement, sur l’interdiction du cumul. Dans une décision du 15 novembre 2016, elle a considéré qu’une double répression pénale et administrative peut être possible sans porter atteinte à l’article 4 du protocole n° 7, dès lors que les procédures, administrative et pénale, sont mixtes, c’est-à-dire liées par un lien matériel et temporel suffisamment étroit et se combinent de manière intégrée dans un tout cohérent . Elle a néanmoins condamné la France, le 6 juin 2019 , en l'absence de lien matériel suffisamment étroit, compte tenu de l’identité des buts visés par les procédures devant l’AMF et les juridictions pénales et surtout, d’un lien temporel suffisamment étroit pour considérer les procédures comme s’inscrivant dans le mécanisme intégré de sanctions prévu par le droit français.

De son côté, la Cour de justice a admis que les États membres de l’Union européenne puissent, à certaines conditions, consacrer le cumul des sanctions administrative et pénale lorsque “ces poursuites et sanctions possèdent des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents d’un même comportement infractionnel” .

En revanche, en cas des poursuites mixtes, la règle non bis in idem ne s’applique pas dès lors que les incriminations se fondent sur des faits différents en substance de ceux qui ont été sanctionnés par l'autorité administrative. Tel est le cas des délits de faux, usage de faux, présentation de comptes annuels inexacts et diffusion d’informations fausses ou trompeuses .

Cons. constit., 28 juillet 1989, LawLex202300001052JBJ.

Dont l’article 4 prévoit la règle de non bis in idem.

Cons. constit., 30 septembre 2016, LawLex202200011305JBJ.

CEDH, 15 novembre 2016, n° 24130/11 et 29758/11, pour une affaire rendue en matière fiscale, la cour précisant que cela signifie non seulement que les buts poursuivis et les moyens utilisés pour y parvenir doivent être en substance complémentaires et présenter un lien temporel, mais aussi que les éventuelles conséquences découlant d’une telle organisation du traitement juridique du comportement en question doivent être proportionnées et prévisibles pour le justiciable.

CEDH, 6 juin 2019, “ Nodet c/ France”, LawLex202200011397JBJ, Dr. pén. n° 4, avril 2020, chron. 4, DREYER.

CJUE 20 mars 2018, aff. C-596/16, LawLex202300006317JBJ, Dr. pén. 2018, comm. 95, obs. PELTIER ; 20 mars 2018, aff. C-524/15, LawLex202300006319JBJ.

Cass. crim., 13 avril 2022, LawLex202200009791JBJ, Dr. pén. n° 7-8, juillet-août 2022, comm. 123, CONTE ; JCP E 2023, 1294, NAVARRO.

Cass. com., 8 février 2011, LawLex202200011254JBJ, Dr. pén. n° 9, septembre 2016, étude 19, CONTE ; JCP 2015, act. 368, SUDRE ; JCP E 2020, 1006, SALOMON ; Dr. sociétés, n° 8-9, août 2015, étude 14, MORTIER

qui pose le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction.

Cass. crim., 22 janvier 2014, LawLex202300004667JBJ, JCP 2014, n° 5, 131 et n° 12, 345, note MAURO ; Dr. sociétés 2014. Comm. 56, obs. SALOMON ; D. 2014. 600, note RONTCHEVSKY.

CEDH, 4 mars 2014, LawLex202200011275JBJ.

Dans sa rédaction résultant de la loi 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Dans sa rédaction résultant de la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Dans leur rédaction résultant de la loi 2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003.

CC, 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC, LawLex202200011270JBJ.

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