Procédures collectives

La procédure ouverte contre un débiteur peut, selon l'article L. 621-2 du Code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-7, être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de fictivité de la personne morale. 

La notion de fictivité de la personne morale s'entend d'une entité qui n'a que les apparences  d'une société mais qui ne réunit pas les éléments juridiques nécessaires à la constitution de celle-ci. La personne morale est en réalité une fiction, ou une “façade” selon les termes employés par la jurisprudence . Le constat de la fictivité d'une société se distingue de celui de sa nullité  : il n'a d'autre objet que d'étendre la procédure ouverte contre la société à une autre ou à ses dirigeants. 

La fictivité est d'abord reconnue en l'absence d'affectio societatis , c'est-à-dire d'intention des associés de se comporter comme tels , même si le fait qu'ils ne se soient jamais réunis pour approuver les comptes   ou n'aient pas tenu d'assemblées générales avec la régularité requise  ne suffit pas à démontrer qu'ils ont constitué une société de façade. De fait, la Cour de cassation contrôle les véritables raisons pour lesquelles la société a été créée. La fictivité d'une société est ainsi établie lorsqu'elle vise uniquement à mettre le patrimoine immobilier d'une société débitrice à l'abri de ses créanciers  ou n'a pour but que de poursuivre, à l'identique, l'ancienne activité  de son gérant, grâce aux actifs apportés par ce dernier . L’extension de procédure est justifiée lorsqu'un gérant poursuit la même activité commerciale en se servant de cadres juridiques différents mais fictifs, sans qu’il soit nécessaire de rechercher s’il existait en outre une confusion de leurs patrimoines . 

La fictivité de la personne morale est également caractérisée lorsque la société à laquelle on envisage d'étendre la procédure n'exerce pas d'activité économique réelle , notamment lorsqu'il s'agit d'une SCI qui n'exploite pas effectivement ses biens immobiliers, dès lors que leur seule acquisition ne suffit pas à établir l'existence d'une activité autonome . Néanmoins, la Cour de cassation a estimé que la fictivité de la personne morale ayant pour objet l'achat-revente de bien immobiliers, mais n'ayant acquis qu'un seul immeuble, jamais exploité ni revendu, n'était pas caractérisée dès lors qu'il n'était pas établi que les associés n'avaient pas l'intention de se considérer comme tels . De même, n'est pas fictive la société qui prend en location-gérance le fonds de commerce d'une autre dès lors que la réalité de l’existence économique de chacune d’elles est caractérisée par l'exercice d'activités commerciales propres au service d’intérêts distincts, même si un certain partage des locaux a été constaté, s’il existe entre elles une communauté d’associés, si les redevances n’ont pas été réglées et si un détournement de clientèle est allégué .

Enfin, la fictivité de la personne morale est établie lorsqu'elle est dénuée d'autonomie décisionnelle , ou se trouve en état de dépendance financière envers une autre société en procédure collective . La procédure ouverte contre une société peut ainsi être étendue à une autre, considérée fictive, lorsque l'associé de la première est le véritable maître de l'affaire de la seconde, sous le couvert de la personne morale . A l'inverse, l'absence de liberté totale de gestion d'un associé, prétendument maître de l'affaire, ne permet pas de caractériser la fictivité de la personne morale . 

V. not. Cass. com., 8 novembre 1988, LawLex202100004164JBJ (RJ) considérant que la procédure peut être étendue d'une société à une autre lorsque la seconde était une société fictive formant en réalité, avec les autres personnes morales désignées, distinctes en apparence, une entreprise unique.

Cass. com., 15 janvier 1991, LawLex202100006421JBJ (LJ).

Cass. com., 8 février 1994, LawLex202100003714JBJ (LJ) ;  15 octobre 2013, LawLex202100003707JBJ (LJ). 

V. a contrario, Cass. com., 22 janvier 2020, LawLex202100003704JBJ (LJ) retenant qu'une association qui a reçu un agrément en qualité de preneur à bail de réhabilitation, conclu des baux et loué des logements après avoir contracté un prêt pour financer les travaux, mène une réelle activité en relation avec son objet, qui exclut qu'elle soit considérée fictive.

Cass. com., 21 novembre 1995, LawLex202100003709JBJ (RJ). - V. cep., Cass. com., 15 novembre 2017, LawLex202100003706JBJ (RJ) considérant que la SCI régulièrement constituée, identifiée et immatriculée, dont l'objet social est réalisé par l'achat d'un immeuble et sa mise à la disposition du vendeur, n'est pas fictive dès lors que l'associée gérante s'acquitte des taxes foncières.

Paris, 2 juillet 2003, LawLex202100004514JBJ (LJ). 

Cass. com., 15 octobre 2013, préc. ; Contra. Paris, 1er mars 2011, LawLex202100004054JBJ (LJ) considérant que le fait qu’une société mère organise la comptabilité, la facturation et le paiement des factures d’une de ses filiales, créée pour reprendre la clientèle d'une société dont l'activité n'était pas compatible avec l'objet social des autres sociétés du groupe, ne caractérise pas sa fictivité pour absence d’autonomie décisionnelle ou de personnalité morale distincte mais seulement une mise en commun de moyens prévue par une convention d’assistance logistique et technique, qui ne justifie pas l’extension de la procédure ouverte contre la mère.

V. a contrario, Cass. com., 19 février 2002, préc. considérant que le fait que deux sociétés partagent les mêmes associés, que l'une d'elle ait contracté un emprunt pour procurer à l'autre, qui lui avait donné mandat de le souscrire, des liquidités et qu'elle n'ait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social, ne permet pas d'étendre à un associé la procédure ouverte contre l'une des sociétés, s'il n'est pas établi qu'il était le maître de l'affaire sous le couvert de la personne morale.

Paris, 26 mars 2019, LawLex202100003638JBJ (LJ). 

Cass. com., 19 février 2002, LawLex202100003703JBJ (LJ).

V. not. Cass. com., 3 février 1998, LawLex202100006460JBJ (LJ), retenant que la preuve de la fictivité d'une société n'est pas apportée lorsque le  liquidateur n'établit pas que les associés n'ont pas effectué les  apports prévus dans les statuts, n'ont pas partagé les bénéfices et les  pertes et qu'il n'y a pas eu d'affectio societatis ; Chambéry, 18 décembre 2007, LawLex202100003629JBJ (LJ) ; Cass com., 15 novembre 2017, LawLex202100003706JBJ, retenant que la fictivité est exclue lorsque l'absence de vie sociale est justifiée par l'état de santé du dirigeant.

V. not. Cass. com., 11 mars 2008, LawLex202100003708JBJ (LJ).

Cass. com., 29 avril 2003, LawLex202100003718JBJ (LJ). 

Paris, 26 mars 2019, LawLex202100003638JBJ (LJ).

Cass. com., 6 juillet 1999, LawLex202100004078JBJ (LJ). V. égal. Cass. com., 24 octobre 1995, LawLex202100004147JBJ (RJ) retenant que la fictivité d'une société, créée dans le seul but de mettre le patrimoine d'une autre à l'abri de ses créanciers, est établie lorsque cette dernière lui a cédé tout son patrimoine immobilier pour devenir simple locataire des locaux et être tenue aux versement d'un loyer qui a permis à la première d'acquérir des terrains et constructions ; Cass. com., 1er octobre 1997, LawLex202100002154JBJ (LJ) considérant que la confusion des patrimoines est caractérisée lorsqu'une SCI créée par des époux dans le seul but de faire échapper le patrimoine immobilier d'une SARL à ses créanciers, détourne les ressources de cette dernière, qui a nanti son fonds de commerce pour garantir le remboursement de l'emprunt fait pour l'acquisition de l'immeuble, financé les travaux effectués sur ce dernier et payé un loyer exorbitant destiné au remboursement des échéances de l'emprunt.

V. not. Cass. com., 2 juillet 2013, LawLex202100002103JBJ (LJ) retenant que l'entreprise constituée par un époux, au moment où son épouse déclare son état de cessation des paiements, dans le but de poursuivre l'activité de cette dernière et régler ses factures présente un caractère fictif ;10 mars 2021, LawLex202100002786JBJ (LJ), considérant que l'absence de volonté de faire vivre une société, créée dans l'unique but de poursuivre le projet du fils de l'associée unique, seul maître de l'affaire, de maintenir l'activité commerciale d'une société qui fait l'objet d'une liquidation judiciaire, établit la fictivité de la société et justifie l'extension de la liquidation judiciaire à son encontre.

V. not. Cass. com., 19 novembre 1996, LawLex202100003715JBJ (LJ) ; Chambéry, 18 décembre 2007, LawLex202100003629JBJ (LJ) retenant que la fictivité d’une société est établie lorsqu’elle n’a été créée que dans le but de poursuivre l’activité artisanale de l’un de ses salariés, soumis à une procédure de liquidation judiciaire, à l'aide de son matériel d’exploitation et avec ses anciens salariés, ni licenciés ni démissionnaires.

Personnes morales en apparence

COMANGES, Le dangereux paradoxe de la nullité des sociétés fictives, BJS 2003, 12.

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