Marques, Brevets d'invention, Dessins et modèles

Propriété industrielle

Les directives d’examen de l’EUIPO sur la marque européenne définissent l’ordre public comme l’ensemble des règles juridiques nécessaires au fonctionnement d’une société démocratique et de l’Etat de droit. L’article L. 711-3, b) du Code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 13 novembre 2019, lui ajoutait comme motif de nullité la contrariété des marques aux b …

Signe contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs

Les directives d’examen de l’EUIPO sur la marque européenne définissent l’ordre public comme l’ensemble des règles juridiques nécessaires au fonctionnement d’une société démocratique et de l’Etat de droit. L’article L. 711-3, b) du Code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 13 novembre 2019, lui ajoutait comme motif de nullité la contrariété des marques aux bonnes mœurs. La notion de “ bonnes mœurs ” n’apparaît plus à l’article L. 711-2, 7° du Code de la propriété intellectuelle, vraisemblablement par oubli car la directive du 16 décembre 2015 la mentionne comme cause de nullité. Les bonnes mœurs désignent des valeurs plus subjectives que l’ordre public, comme le refus de l’enregistrement des signes subversifs, obscènes ou encore racistes, discriminatoires, ou insultants . La marque “ Puta madre ”, qui contrevient aux règles de la morale sociale, est contraire aux bonnes mœurs . Les demandes d’enregistrement des slogans “ Je suis Paris ” et “ Pray for Paris ” sont, selon l’INPI, contraires à l’ordre public : du fait de leur utilisation et leur perception par la collectivité à la suite des attentats de novembre 2015 à Paris, ces termes ne sauraient être captés par un acteur économique .

L’appréciation de la conformité d’une marque à l’ordre public ou aux bonnes mœurs s’effectue au moment du dépôt, au regard des produits et services désignés dans la demande d’enregistrement . La nature des produits ou services visés ne peut pas, à elle seule, faire obstacle à l’enregistrement de la marque (art. 7 CUP et art. 15, §4 ADPIC) . Pour autant, l’enregistrement d’un signe peut être refusé si son utilisation, par offre, remise ou distribution de l’objet ou du service marqué, contrevient à l’ordre public . La marque qui comporte un terme désignant un produit du tabac, bien que valide, ne peut être enregistrée pour désigner des produits en cuir, dès lors que la loi interdit la commercialisation et la distribution d’objets d’usage ou de consommation courants s’ils portent la marque d’un produit du tabac (actuel L. 3512-4 du Code de la santé publique). Encore faut-il, pour faire obstacle à l’enregistrement, que l’activité visée soit de nature à affecter la validité du signe, ce qui n’est pas le cas d’une activité de publicité d’un guide de films érotiques .

Est contraire à l’ordre public le signe qui crée un risque de confusion avec un service officiel existant. Il appartient aux juges du fond de déterminer en vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation, l’existence ou non du risque de confusion , compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce qui établissent que la dénomination est de nature à laisser croire au public que le produit ou service émane d’un service officiel ou d’un service contrôlé ou habilité par les autorités publiques ou administratives . Sont de nature à tromper le public les termes “ Régie-France ”, pour désigner les produits d’imprimerie ou les messageries et la distribution de journaux  ou “ Ecole de conduite française ” sur une bande bleu, blanc, rouge, pour désigner une auto-école . Les marques “ Eurolivret ”, “ Eurosouscription ”, “ Eurocotation ”, “ Eurocontrat ” et “ Europortefeuille ” pour désigner notamment des services rendus dans les affaires financières, monétaires et immobilières sont déceptives et propres à tromper le public en ce qu’elles laissent entendre qu’elles émanent d’un organisme officiel européen garantissant la qualité, l’origine et le contrôle des produits ou services fournis . En revanche, la marque “ Europresse ” déposée en particulier pour des journaux, publications, services de publicité et de communication, n’est pas de nature à tromper le public, l’emploi du préfixe “ Euro ”, qui est simplement évocateur, s’analysant comme une volonté de montrer son appartenance à l’Europe .

L’adoption, à titre de marque, d’un titre appartenant à une profession réglementée par l’autorité publique sans en être titulaire, est contraire à l’ordre public. Le signe “ Notaire 37 ” a été déposé par la société Notariat services en fraude des droits du Conseil régional . En revanche, un signe constitué d’un terme légal désignant une activité réglementée n’est pas nécessairement contraire à l’ordre public. La marque collective “ Crédit mutuel ”, même si elle décrit un mode particulier d’exercice de l’activité bancaire réglementée par le Code monétaire et financier, a pu être valablement enregistrée par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM), organe chargé du contrôle, de l’inspection et de la représentation du réseau Crédit mutuel auprès des pouvoirs publics .

L’apologie des stupéfiants ou l’incitation à leur consommation est un motif de nullité de marque pour atteinte à l’ordre public. Le signe Cannabia, qui évoque le cannabis, ne peut servir à désigner des produits alimentaires, car le public ne manquera pas d’y voir une légitimation de l’usage de cette substance .

Directives relatives à l’examen des marques de l’Union européenne, office de l’union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Cass. civ., 29 mars 2011, n° 10-12.046, LawLex202100006280JBJ, PIBD 2011, n° 940, III, 354 ; GA propr. intell. Dalloz, 2e éd., 2015, n° 5, comm. BRUGUIERE ; Propr. Ind. 2011, comm. 49, TREFIGNY-GOY ; Comm. com. électr. 2011, comm. 53, obs. CARON.

Cass. com., 28 juin 1976, n° 75-10.193, LawLex202100006279JBJ, JCP G 1977, II, 18700, note BURST ; Bull. civ. 1976, IV, n° 217 ; Ann. propr. ind. 1978, 48 ; RTD com. 1977, 737, obs. CHAVANNE et AZEMA ; PIBD 1977, III, 35 et 37.

Paris, 8 avril 1993, 1993-022066, LawLex202200000182JBJ, PIBD 1993, 549, III, 487. 

Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-17.633, LawLex202100006462JBJ, D. 2013, act. 1061 ; D. 2014, pan., 327, obs. CLAVIER MARTIAL-BRAZ et ZOLINSKI ; RTD com. 2013, 691, obs. AZEMA ; JCP N. 2013. 524; Defrénois 15 oct. 2013, obs. LATINA ; ibid. 2014. 327, obs. MARTIAL-BRAZ ; RTD civ. 2014. 69, obs. AZEMA ; Cass. com., 16 décembre 2014, n° 12-29.157, LawLex202100006215JBJ, RJDA Avril 2015 n° 316 ; PIBD 2015, n° 1021, III,117 ; Propr. ind., 2015, comm. 22, TREFIGNY, n° 3 ; Comm. com. électr. 2015, comm. 11, CARON, n° 2 ; Bull. civ. 2015, IV, n° 193. 

Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-16.887, LawLex202100006163JBJ, JCP E 2020, 1489 ; RDB 2021, comm. 24, obs. SAMIN.

Paris, 18 octobre 2000, n° 1999/22759, LawLex202100006336JBJ, D. 2002, somm. 1131, obs. DURRANDE.

INPI, Communiqué de presse, 20 novembre 2015, « Marques Pray For Paris ou Je Suis Paris ».

Paris, 19 octobre 2005, 04/17766, LawLex202200001338JBJ, Propr. Ind. 2006, comm. 6, TREFIGNY ; D. 2005, p. 221, obs. MANARA.

Paris, 19 octobre 2005, 04/17766, LawLex202200001338JBJ, Propr. Ind. 2006, comm. 6, TREFIGNY ; D. 2005, p. 221, obs. MANARA : si les sites exploités sur Internet accessibles aux adresses « www.desirsexe.com » et « www.desir-sexe.com » ont un caractère érotique voire pornographique, le signe Désir Sexe n'est pas, en lui-même, immoral et contraire aux bonnes mœurs.

Paris, 5 mars 1990, n° 89/1681, LawLex202100006475JBJ. 

Paris, 17 octobre 1995, 1995-024073, LawLex202200000953JBJ, l’activité de publication d’un guide de films érotiques, non interdite mais simplement réglementée, n’est pas de nature à affecter la validité de la marque « Vidéo X le magazine du film X ».

Cass. com., 16 juin 1980, 79-11.118, LawLex202200001191JBJ, la cour d’appel qui, pour confirmer le rejet par l’INPI du dépôt de la marque « France-golf », retient que le mot « France » placé devant le mot « golf » constitue une indication propre à tromper le public en lui laissant croire qu’il s’agit d’un service officiel, ou à tout le moins d’un service contrôlé ou habilité par l’autorité publique nationale, ne donne pas de base légale à sa décision, et aurait dû rechercher les circonstances particulières de l’espèce établissant que la dénomination France-golf était de nature à tromper le public ; Paris, 15 mars 1988, n° 87-015661, LawLex202100006335JBJ. 

Paris, 15 mars 1988, n° 87-015661, LawLex202100006335JBJ. 

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54. Signe contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs

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