Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Le contrat susceptible de caractériser un marché public doit par ailleurs être conclu avec un “opérateur économique”. Cette notion comprend, selon l'article 2, paragraphe 1, point 10, de la directive 2014-24, toute personne physique ou morale ou entité publique, tout groupement de ces personnes et/ou entités, toute association temporaire d'entreprises, offrant la réalisation de travaux et/ou d'ouv …

Opérateur économique.

V. ARROWSMITH, Public private partnerships and the European procurement rules: EU policies in conflict?, CMLR 2000, 709 ; DELVOLVÉ, Marchés publics : des "contrats-maison", RDUE 2002, 53 ; BEZANCON, "In house" : les SEM dans la jurisprudence communautaire, Contrats Publics, octobre 2006, 46 ; MILLETT, Quelques précisions sur la réglementation des marchés "in house", Contrats Publics, février 2007, 62 ; CHAVAROCHETTE-BOUVERT, Application du droit communautaire des marchés publics et réorganisation administrative des personnes publiques (Vers un second souffle de l'hypothèse particulière du "in house"), AJDA, 2008, 2147 ; PEYRICAL, Contrats de mutualisation de services et marchés publics : résistance et adaptation, Contrats Publics, mars 2008, 62 ; COCHI et TERRIEN, L'actualité des contrats "in house", de prestations intégrées et de quasi-régie, Contrats Publics, juin 2009, 92 ; PEYRICAL, L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions, AJDA 2009, 965 ; MILLETT, Le "in house" a-t-il les faveurs communautaires ?, Contrats Publics, janvier 2010, 70 ; RAPP, Quasi-régie, quasi-régime, AJDA, 2010, 588 ; BURGI et KOCH, In-House Procurement and Horizontal Cooperation Between Public Authorities, EPPPL, 2012, 86 ; HAUSMANN et QUEISNER, In-House Contracts and Inter-Municipal Cooperation – Exceptions from the European Union Procurement Law Should be Applied with Caution, EPPPL, 2013, 231 ; STADLER et AQUILINA, The «In-House» Award of Public Service Contracts and the (Non-Applicability of the) Principle of Transparency, ELR, 2013, 2 ; LEVAIN et PRATS-DENOIX, Les relations in house à l'aune des nouvelles directives européennes, JCP, éd. E, 2015, n° 1188.

Le contrat susceptible de caractériser un marché public doit par ailleurs être conclu avec un “opérateur économique”. Cette notion comprend, selon l'article 2, paragraphe 1, point 10, de la directive 2014-24, toute personne physique ou morale ou entité publique, tout groupement de ces personnes et/ou entités, toute association temporaire d'entreprises, offrant la réalisation de travaux et/ou d'ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services sur le marché. N'importe quelle entité, quelle que soit sa forme , qui se livre à une activité économique, indépendamment de son caractère lucratif , relève de la définition de l'opérateur économique. Selon la Cour de justice, toute personne ou entité qui se considère apte à assurer l'exécution du marché, indépendamment de son statut, de droit privé ou de droit public, ainsi que de la question de savoir si elle est systématiquement active sur le marché ou si elle n'intervient qu'à titre occasionnel, ou si elle est subventionnée par des fonds publics ou ne l'est pas , est admise à soumissionner ou à se porter candidate à un appel d'offres. Il peut même s'agir d'un pouvoir adjudicateur, dès lors qu'il constitue une personne distincte au plan formel et autonome au plan décisionnel, par rapport à l'État ou à la collectivité territoriale . 

Selon la théorie dite du contrat “in house” , lorsque l'opérateur n'est que l'un des services de l'État ou d'une collectivité territoriale, ou lorsque, autonome par rapport à ces derniers sur le plan formel, il est soumis à leur influence sur le plan décisionnel, les parties au contrat sont exemptées de l'obligation de mise en concurrence. Il faut toutefois établir que le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et que cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent . La dérogation en faveur des contrats “in house” a souvent été invoquée, avec succès, pour justifier l'absence de mise en concurrence de prestations réalisées dans un cadre de coopération intercommunale . La directive 2014-24 consacre expressément la jurisprudence : (i) elle exclut de son champ d'application les marchés publics passés entre entités appartenant au secteur public lorsque le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale régie par le droit privé ou le droit public un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services, (ii) plus de 80 % des activités de cette personne morale contrôlée doivent être réalisées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle et (iii) la personne morale contrôlée ne doit pas comporter de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage (art. 12) .

Selon la directive, un pouvoir adjudicateur exerce un contrôle analogue lorsqu'il influe de manière décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. La condition de contrôle analogue suppose que le capital de l'opérateur ne soit pas détenu, même minoritairement, par des personnes privées . En effet, la relation entre une autorité publique et ses propres services est régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d'objectifs d'intérêt public, alors que tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente . C'est la raison pour laquelle l'attribution d'un marché public à une entreprise d'économie mixte, sans appel à la concurrence, est considérée comme susceptible de porter atteinte à l'objectif de concurrence libre et non faussée et au principe d'égalité de traitement des intéressés, en offrant à une personne privée présente dans le capital de cette entreprise un avantage par rapport à ses concurrents . Afin d'éviter que les opérateurs contournent la réglementation, la Cour de justice refuse de reconnaître l'applicabilité de l'exception à un marché attribué à une personne publique dont le capital a été ouvert peu de temps après à une société privée . Cependant, le seul fait que des personnes privées puissent participer au capital de la société adjudicataire ne suffit pas à écarter le bénéfice de la dérogation, en l'absence de tels associés à la date de conclusion du contrat et de preuve que l'ouverture de l'entité concernée à des capitaux privés était envisagée dès l'attribution du marché . La condition de contrôle n'est pas non plus satisfaite lorsque le conseil d'administration de l'opérateur jouit de très amples pouvoirs de gestion qui lui confèrent une grande marge d'autonomie par rapport à ses actionnaires . En revanche, le contrôle est reconnu lorsque le capital de l'opérateur est détenu à 99 % par l'État et à 1 % par des communautés autonomes , lorsqu'au travers de ses représentants dans les organes statutaires de l'adjudicataire, le pouvoir adjudicateur exerce une influence déterminante tant sur ses objectifs stratégiques que sur ses décisions importantes  ou lorsque chacune des autorités publiques participe tant au capital qu'aux organes de direction d'une entité chargée d'accomplir leur mission de service public . Lorsque l'opérateur est contrôlé conjointement par plusieurs pouvoirs adjudicateurs, la condition s'apprécie globalement et non organisme par organisme . 

2) Activité exercée essentiellement avec l'adjudicateur

La jurisprudence antérieure à la directive 2014-24 a précisé que pour bénéficier de la dérogation faite aux contrats “in house”, l'opérateur doit réaliser l'essentiel de son activité avec le pouvoir adjudicateur . La directive définit clairement ce qui constitue l'essentiel de l'activité en fixant le seuil à 80 % de l'activité. L'exercice d'activités marginales au profit d'opérateurs privés ne suffit donc pas pour considérer que la société adjudicataire a une vocation de marché rendant précaire le contrôle des collectivités qui en sont les actionnaires . La condition doit être appréciée au regard de toutes les activités réalisées par cet opérateur sur la base d'une attribution faite par le pouvoir adjudicateur, indépendamment du fait de savoir qui, du pouvoir adjudicateur ou des usagers du service, rémunère cette activité et sur quel territoire l'activité est exercée . 

CJCE, 14 avril 1994, Ballast Nedam Groep c. Belgique, aff. C-389-92, LawLex200500007694JBJ, Europe, 1994, nº 238 ; AJDA, 1994, 652, obs. CHAVRIER : l'exclusion d'une société holding d'une procédure ne peut résulter du seul fait qu'elle n'exécutera pas elle-même les travaux ; 20 octobre 2005, France, aff. C-264-03, LawLex200600002511JBJ, Europe, 2005, nº 412, obs. MEISSE : la maîtrise d'ouvrage déléguée pour l'exécution de certains services ne peut être réservée à des personnes morales limitativement énumérées relevant de l'État membre concerné ; 18 décembre 2007, Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia c. Administración General del Estado, aff. C-220-06, LawLex200700002040JBJ, Europe, 2008, nº 45, obs. IDOT : la faculté de présenter des offres ne peut être réservée aux sociétés de capitaux ; V. cep., CJCE, 23 janvier 2007, Makedoniko Metro c. Grèce, aff. C-57-01, LawLex200500007655JBJ, Europe, 2003, nº 104 ; RDUE, 2003, 282, obs. ALEMANNO : la réglementation interdisant toute modification de la composition d'un groupement d'entrepreneurs participant à une procédure de passation d'un marché public de travaux après la soumission des offres est compatible avec la directive.

CJCE, 29 novembre 2007, Italie, aff. C-119-06, LawLex200800000895JBJ : attribution de services de transport sanitaire à des associations bénévoles.

CJCE, 8 avril 2008, Italie, aff. C-337-05, LawLex200800000426JBJ, Europe, 2008, nº 188, obs. SIMON ; 15 octobre 2009, Acoset, aff. C-196-08, LawLex200900003198JBJ, AJDA 2010, 105, obs. DREYFUS et PELTIER ; AJDA 2009, 2286, obs. AUBERT, BROUSSY, DONNAT ; Europe 2009, nº 455, obs. SIMON.

CJCE, 10 novembre 2005, Autriche, aff. C-29-04, LawLex200800000893JBJ.

CJCE, 17 juillet 2008, Commission des Communautés européennes c. République italienne, aff. C-371-05, LawLex200800001130JBJ, Europe 2008, nº 318, obs. SIMON ; 10 septembre 2009, Sea Srl c. Comune di Ponte Nossa, aff. C-573-07, LawLex200900003033JBJ, Europe 2009, nº 413, obs. SIMON, AJDA 2009, 2226, note SERNIER et EPAUD, AJDA 2009, 2286, obs. AUBERT, BROUSSY, DONNAT.

CJCE, 13 octobre 2005, Parking Brixen c. Gemeinde Brixen, aff. C-458-03, LawLex200800000936JBJ ; V. aussi CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo c. Comune di Busto Arsizio, aff. C-340-04, LawLex200600002515JBJ, Europe, 2006, nº 211, obs. MEISSE.

CJCE, 19 avril 2007, Asociación Nacional de Empresas Forestales c. Transformación Agraria, aff. C-295-05, LawLex200700000689JBJ.

CJCE, 10 septembre 2009, Sea Srl c. Comune di Ponte Nossa, aff. C-573-07, LawLex200900003033JBJ.

CJUE, 29 novembre 2012, Econord SpA, aff. C-182-11, LawLex201200002432JBJ, Europe, janvier 2013, 33, obs. SIMON ; RTD eur., 2013, obs. DURVIAUX.

CJCE, 19 avril 2007, Asociación Nacional de Empresas Forestales c. Transformación Agraria, aff. C-295-05, LawLex200700000689JBJ ; 10 septembre 2009, Sea Srl c. Comune di Ponte Nossa, aff. C-573-07, LawLex200900003033JBJ.

CJCE, 18 décembre 2007, Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia c. Administración General del Estado, aff. C-220-06, LawLex200700002040JBJ, Europe, 2008, comm. 45, obs. IDOT : un marché public portant sur des services postaux ne répond pas au critère "in house" puisque le prestataire ne réalise pas l'essentiel de son activité avec le pouvoir adjudicateur, mais avec un nombre indéterminé de clients.

CJUE, 23 décembre 2009, CoNISMa c. Regione Marche, aff. C-305-08, LawLex201000003654JBJ, Europe 2010, nº 73, obs. MEISTER ; 11 juin 2020, Parsec Fondazione Parco delle Scienze e della Cultura, aff. C-219/19, LawLex202000000523JBJ.

CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo c. Comune di Busto Arsizio, aff. C-340-04, LawLex200600002515JBJ, Europe, 2006, nº 211, obs. MEISSE.

CJCE, 18 novembre 1999, Teckal c. Comune di Viano, aff. C-107-98, LawLex200500007658JBJ, Europe, 2000, nº 28, obs. KAUFF-GAZIN ; AJDA, 2000, 784, obs. BRENET.

Autrement qualifié de "contrat-maison", contrat de "quasi-régie" ou de contrat de "prestations intégrées".

CJCE, 18 novembre 1999, Teckal c. Comune di Viano, aff. C-107-98, LawLex200500007658JBJ ; 8 avril 2008, Italie, aff. C-337-05, LawLex200800000426JBJ, Europe, 2008, nº 188, obs. SIMON ; 10 avril 2008, Termoraggi c. Comune di Monza, aff. C-323-07, LawLex200800000651JBJ. - V., pour une application au bail emphytéotique conclu entre une commune et un OPAC, CAA Paris, 30 juin 2009, Ville de Paris, LawLex201000000192JBJ, AJDA 2009, 1766, obs. LELIEVRE.

CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324-07, Coditel Brabant, LawLex200800001929JBJ, Europe 2009, nº 27, obs. SIMON, Contrats Conc. Consom. 2009, chron. n° 1, 26, obs. SEE. - V. égal., en France, Cons. d'Et., 4 mars 2009, Syndicat national des industries d'information de santé, LawLex201000000190JBJ, Aït-El-Kadi, AJDA 2009, 458 ; Comp. Cons. d'Et., 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr, LawLex201000000181JBJ.

L'exemption est également accordée lorsque le pouvoir adjudicateur n'exerce pas seul mais conjointement avec d'autres pouvoirs adjudicateurs un contrôle analogue sur la personne morale concernée. Le contrôle conjoint suppose la réunion de 3 conditions : (i) les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux ; (ii) ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d’exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée; et (iii) la personne morale contrôlée ne poursuit pas d’intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent.

La seule forme de participation de capitaux admises est celle qui ne donne aucune capacité de contrôle ou de blocage.

CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26-03, LawLex200800000892JBJ. - V. égal., en droit interne, Cass. crim., 25 juin 2008, LawLex201000000236JBJ.

Droit européen des affaires

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