Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Pour caractériser un marché public, le contrat concerné doit être passé par “un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs”. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, point 1, de la directive 2014-24, sont considérés comme pouvoirs adjudicateurs l'État, les autorités régionales ou locales , les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public. 

La notion d'État ou d'autorité régionale ou locale répond à une définition fonctionnelle et non organique. Ainsi, outre l'État et ses autorités territoriales ou locales , sont qualifiés d'étatiques tous les organes qui exercent les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, y compris les organes fédérés dans le cas d'un État fédéral . Une commission locale de remembrement relève de cette catégorie lorsque sa composition et ses fonctions sont prévues par la loi, ses membres nommés par les pouvoirs publics et ses obligations garanties par ces derniers . La définition fonctionnelle de l'organe étatique rend inopérante toute objection tirée de l'absence de personnalité juridique de l'entité considérée .

L'organisme de droit public est défini comme tout organisme : a) créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial ; b) qui jouit de la personnalité juridique, et qui est c) soit, financé majoritairement par l’État, les autorités régionales ou locales, ou par d’autres organismes de droit public soit, soumis pour sa gestion à un contrôle par ces organismes ou autorités, soit dirigé par un organe d’administration, de direction ou de surveillance composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, des autorités régionales ou locales ou d’autres organismes de droit public (art. 2, paragr. 4). Des listes de ces organismes, communiquées par les États membres sont annexées à la directive et complétées périodiquement. 

Toutefois, les listes d'entités ne sont pas exhaustives et des difficultés de qualification se sont posées pour celles n'y figurant pas. Même si le fait de figurer sur ces listes laisse présumer de la qualité de l'organisme concerné, les organismes visés doivent dans tous les cas, selon le juge européen, remplir les trois critères cumulatifs fixés par l'article 2, paragraphe 1, point 4 . La question de la personnalité juridique est réglée par les statuts de l'organisme considéré. En revanche, la notion de création spécifique pour des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial et la condition de contrôle ou de financement majoritaire par l'État ou les collectivités territoriales ont été précisées par la Cour de justice. La directive 2014-24 souligne, en son considérant 10, qu'"un organisme, qui opère dans des conditions normales de marché, poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à l’exercice de son activité, ne devrait pas être considéré comme un “organisme de droit public”, étant donné que les besoins d’intérêt général pour la satisfaction desquels il a été créé ou qu’il a été chargé de satisfaire peuvent être réputés avoir un caractère industriel ou commercial". Elle ajoute que plus aucun doute ne subsiste sur la notion de financement majoritaire, la Cour de justice ayant clairement posé qu'il s'entend d'un “financement pour plus de la moitié, qui peut comprendre des paiements provenant d’usagers, qui sont imposés, calculés et recouvrés conformément aux règles de droit public”.

Il n'est pas nécessaire que l'organisme ait été créé par la loi ou le règlement  ou qu'il ait été institué dès l'origine en vue de satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, pourvu qu'il ait par la suite pris en charge de tels besoins . L'activité de l'organisme peut être partagée, la satisfaction des besoins d'intérêt général pouvant n'être qu'accessoire . La notion de pouvoir adjudicateur étant fonctionnelle, la mission peut même être confiée à une société commerciale sous contrôle public, dès lors que les conditions cumulatives de l'article 1er, paragraphe 9, sont remplies . Les besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial peuvent être définis comme des besoins satisfaits autrement que par l'offre de biens ou de services sur le marché et que, pour des raisons liées à l'intérêt général, l'État choisit de satisfaire lui-même ou à l'égard desquels il entend conserver une influence déterminante . L'intérêt général est apprécié en fonction des circonstances ayant présidé à la création de l'organisme et des conditions dans lesquels il exerce son activité. A cet égard, l'absence de concurrence sur le marché en cause , de poursuite d'un but lucratif à titre principal et de prise en charge des risques liés à l'activité constituent des critères déterminants . Relèvent de la catégorie des besoins d'intérêt général l'émission de documents étroitement liés à l'ordre public ou au fonctionnement institutionnel de l'État , l'enlèvement et le traitement d'ordures ménagères , l'organisation de foires et de salons , des travaux de terrassement, gros-œuvre et travaux spécialisés en vue de la réalisation du deuxième stade d'épuration biologique d'une station centrale d'épuration , la contribution à la politique pénitentiaire d'un État membre , les activités mortuaires et de pompes funèbres , le chauffage d'une agglomération urbaine par un procédé respectueux de l'environnement  ou encore le sport . 

2)	 Financement majoritaire ou contrôle par l'État ou les autorités régionales ou locales

Le financement majoritaire par l'État s'entend d'un financement supérieur à 50 % de l'ensemble des ressources de l'organisme . La condition de financement public ne couvre que les versements dépourvus de contrepartie. Il peut être direct dans l'hypothèse de bourses et subventions universitaires  ou indirect, telle une redevance ou une cotisation versée par les usagers, dès lors qu'elle est imposée, calculée et recouvrée selon les règles de droit public . En toute hypothèse, lorsque les modes de financement de l'organisme sont très évolutifs, ce dernier doit être considéré comme un pouvoir adjudicateur jusqu'à la clôture de la procédure de passation, s'il pouvait recevoir cette qualification à la date du lancement de l'appel d'offres . Le contrôle de l'État est établi lorsque les missions de l'organisme sont déterminées et ses agents nommés par l'État, qui lui adresse ses instructions . Ainsi, la surveillance exercée par un ministre sur le respect, par certains organismes, des règles de gestion très détaillées que leur impose le droit national suffit à qualifier le contrôle étatique de l'organisme public . La situation dans laquelle, d'une part, les pouvoirs publics contrôlent non seulement les comptes annuels de l'organisme concerné, mais également sa gestion en cours et, d'autre part, sont autorisés à visiter les locaux d'exploitation et les installations dudit organisme et à rapporter les résultats de ces contrôles à une collectivité territoriale qui en détient, par le biais d'une autre société, le capital, caractérise le contrôle requis par la directive, au contraire d'un simple contrôle a posteriori . En outre, une société, détenue entièrement par un pouvoir adjudicateur et dont l'activité est de satisfaire des besoins d'intérêt général, qui réalise tant des opérations pour ce pouvoir adjudicateur que sur le marché concurrentiel, est un organisme de droit public au sens de l'article 2, paragraphe 1, si elle est nécessaire à l'exercice de l'activité du pouvoir adjudicateur et que, pour satisfaire des besoins d'intérêt général, elle se laisse guider par des considérations autres qu'économiques .

L’expression «autorités régionales» comprend les autorités dont la liste non exhaustive figure dans les NUTS 1 et 2 visées dans le règlement (CE) 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil (1), tandis que l’expression «autorités locales» désigne toutes les autorités des unités administratives relevant de la NUTS 3 et des unités administratives de plus petite taille visées dans ledit règlement (Dir. 2014-24, art. 2, paragr. 2).

CJCE, 18 novembre 2004, Allemagne, aff. C-126-03, LawLex200600002495JBJ, Europe, 2005, nº 11, obs. MEISSE ; 29 octobre 2009, Allemagne, aff. C-536-07, LawLex200900003245JBJ, Europe 2010, obs. MEISTER : une ville est à l'évidence une collectivité territoriale.

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Comp. CJCE, 27 février 2003, Adolf Truley GmbH c. Bestattung Wien GmbH, aff. C-373-00, LawLex200500009496JBJ, Contrats Publics juin 2003, 50, obs. RICHER, retenant que l'existence d'une concurrence développée dans le secteur n'exclut pas nécessairement la notion de besoins d'intérêt général.

CJCE, 10 mai 2001, Agorà et Excelsior c. Ente Autonomo Fiera Internazionale di Milano, aff. C-223-99, LawLex200500007663JBJ, AJDA, 2001, 946, obs. BELORGEY, GERVASONI, LAMBERT ; Europe, 2001, nº 226, obs. GAUTIER : excluant la qualification de pouvoir adjudicateur d'un organisme dont la gestion est assurée dans un objectif de rendement, d'efficacité et de rentabilité et qui opère dans un environnement concurrentiel.

CJCE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria c. Strohal Rotationsdruck, aff. C-144-96, LawLex200500007654JBJ.

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CJUE, 3 février 2021, Federazione Italiana Giuoco Calcio et autres, aff. C-155 et 156/19, LawLex202100000293JBJ, Europe 2021, n° 131, obs. BRUYAS, qui considère que, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, point 4, a) de la directive 2014/24, une fédération sportive investie de missions à caractère public définies de façon exhaustive par le droit national peut être considérée comme ayant été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général - le sport - ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, même si elle prend la forme, non pas d'une administration publique, mais d'une association de droit privé, et que certaines de ses activités autofinancées ne revêtent pas de caractère public.

CJCE, 3 octobre 2000, The University of Cambridge, aff. C-380-98, LawLex200500007693JBJ, Europe, 2000, nº 391, obs. GAUTIER.

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CJCE, 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk c. GEWA, aff. C-337-06, LawLex200800000911JBJ, Europe, 2008, n° 44, obs. MEISSE : redevance mise à la charge des détenteurs d'un poste récepteur au profit d'un organisme de radiodiffusion ; 11 juin 2009, Hans & Christophorus Oymanns GbR, Orthopädie Schuhtechnik c. AOK Rheinland-Hamburg, aff. C-300-07, LawLex200900001864JBJ : cotisations mises à la charge des affiliés à une caisse publique d'assurance maladie.

CJCE, 17 décembre 1998, Connemara Machine Turf c. Coillte Teoranta, aff. C-306-97, LawLex200500007671JBJ et, 17 décembre 1998, Irlande, aff. C-353-96, LawLex200500007679JBJ, Europe, 1999, nº 75, obs. GAZIN.

CJCE, 1er février 2001, France, aff. C-237-99, LawLex200600002254JBJ, AJDA, 2001, 946, obs. BELORGEY, GERVASONI, LAMBERT ; Europe, 2001, nº 134, obs. KAUFF-GAZIN : spécialement si le ministre a la faculté de prononcer la dissolution de l'un deux et de nommer un liquidateur ou de suspendre les organes dirigeants et de nommer un administrateur provisoire.

CJUE, 5 octobre 2017, LitSpecMet UAB c. Vilniaus lokomotyvu remonto depas UAB, Plienmetas UAB, aff. C-567-15, LawLex201700001590JBJ.

CJCE, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes c. Pays-Bas, aff. 31-87, LawLex200500008001JBJ.

CJCE, 26 avril 1994, Italie, aff. C-272-91, LawLex200500007666JBJ, Europe, 1994, nº 236 : l'absence de personnalité juridique d'un service du ministère des Finances d'un État membre, loin de lui permettre d'échapper aux obligations posées par la directive, permet d'attribuer la qualité de pouvoir adjudicateur au ministère lui-même.

CJCE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria c. Strohal Rotationsdruck, aff. C-44-96, LawLex200500007654JBJ, Europe, 1998, nº 94, obs. LAGONDET ; RMCUE, 1998, 150, obs. MUÑOZ ; 13 janvier 2005, Espagne, aff. C-84-03, LawLex200800000894JBJ ; 11 juin 2009, Hans & Christophorus Oymanns GbR, Orthopädie Schuhtechnik c. AOK Rheinland-Hamburg, aff. C-300-07, LawLex200900001864JBJ, Europe 2009, nº 309, obs. DUPONT-LASSALLE ; CJCE, 11 juin 2009, Hans & Christophorus Oymanns GbR, Orthopädie Schuhtechnik c. AOK Rheinland-Hamburg, aff. C-300-07, LawLex200900001864JBJ : les critères posés aux points a) relatif aux conditions de création de l'organisme, b) qui porte sur sa personnalité juridique, et c) qui précise son mode de financement, doivent être remplis cumulativement, le point c) proposant cependant une alternative quant aux modalités de financement de l'organisme public.

CJCE, 10 novembre 1998, Gemeente Arnhem c. BFI Holding, aff. C-360-96 LawLex200500007692JBJ, Europe, 1999, nº 28, obs. GAZIN.

CJCE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria c. Strohal Rotationsdruck, aff. C-44-96, LawLex200500007654JBJ ; 10 novembre 1998, Gemeente Arnhem c. BFI Holding, aff. C-360-96 LawLex200500007692JBJ.

CJCE, 16 octobre 2003, Espagne, aff. C-283-00, LawLex200500007668JBJ, Europe, 2003, nº 394, obs. PONGERARD-PAYET ; AJDA, 2004, 526, obs. KARPENSCHIF.

Pouvoir adjudicateur.

V. FATÔME et RICHER, Un triomphe de l'interprétation fonctionnelle ou comment devenir un organisme de droit public, Contrats Publics, mars 2003, 63 ; KOVAR, Les acheteurs institutionnels et le droit communautaire de la concurrence, Contrats et marchés publics, 2007, étude, 1.

295. Pouvoir adjudicateur.