Infractions au Code pénal, au Code de commerce ou au Code de l'environnement, Procédure pénale

Droit pénal des affaires

Les délits de pollution des eaux constituent des délits d’imprudence pour lesquels l’intention n’est pas exigée . Le prévenu, qui n’a pas voulu ni recherché le résultat dommageable pour l’environnement, doit avoir commis l’une des fautes énumérées à l’article 121-3 du Code pénal, c'est-à-dire soit une faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui (al. 2), soit une faute simple (al. 3), …

Nécessité d'une faute

Les délits de pollution des eaux constituent des délits d’imprudence pour lesquels l’intention n’est pas exigée . Le prévenu, qui n’a pas voulu ni recherché le résultat dommageable pour l’environnement, doit avoir commis l’une des fautes énumérées à l’article 121-3 du Code pénal, c'est-à-dire soit une faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui (al. 2), soit une faute simple (al. 3), soit une faute qualifiée (al. 4).

La faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui consiste en un manquement volontaire à une obligation générale de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement dont le prévenu connaît le caractère risqué pour autrui (art. 121-3, al. 2).

Une faute simple peut résulter de la négligence ou imprudence du prévenu, qui n’a pas procédé aux diligences normales, compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ou du pouvoir et des moyens dont il disposait, ou de la violation d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement (art. 121-3, al. 3). Ainsi, commet une faute simple la société exploitante d'une installation classée pour la protection de l'environnement, qui ayant eu connaissance d’une pollution liée au rejet de jus de lixivia dans un cours d’eau, a continué ses activités de transit et de compostage, alors qu’elle aurait dû mettre en demeure le titulaire de l’autorisation administrative de réaliser les travaux nécessaires et dénoncer le contrat conclu si la mise aux normes n'était pas réalisée . Tel est également le cas du prévenu qui n’a pas suffisamment surveillé le dispositif de filtrage des boues et n’a pas vérifié le bon état de la pelle de la bonde, dont la rupture a favorisé le rejet de sédiments , ou du maire d’une commune qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter la pollution provoquée par les écoulements de purin provenant d'exploitations agricoles dans le réseau communal . De même, la faute simple doit être retenue à l'encontre du prévenu qui a violé, en connaissance de cause, des clauses du marché de travaux publics en vertu duquel il agissait et qui prévoyaient une évacuation de matériaux sur des dépôts terrestres ou un éventuel clapage en rivière, dès lors qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, pouvoirs et moyens .

Depuis la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000 , afin d’établir l'existence d'un délit d’imprudence, il est nécessaire de qualifier le lien de causalité (direct ou indirect) existant entre la faute de l’auteur et le résultat produit, préalablement à la caractérisation de la faute. En effet, de ce lien dépendra la nature de la faute à démontrer. Si le lien de causalité est direct, une faute simple suffira pour retenir le délit. En revanche, si le lien est indirect, c’est-à-dire si le prévenu n’a pas causé directement le dommage mais a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l'éviter, la faute doit être qualifiée (art. 121-3, al. 4). Si la faute commise est plus grave que celle qui est exigée, le délit sera, a fortiori, caractérisé.

La faute qualifiée peut être délibérée ou caractérisée. Une faute est délibérée lorsque le prévenu viole de manière consciente et volontaire une obligation de prudence ou de sécurité, sans pour autant vouloir les conséquences dommageables qui peuvent en découler. Il doit s'agir d’une obligation particulière. La faute peut être qualifiée de délibérée lorsque des eaux cyanurées provenant d’un atelier d’ébavurage ont été rejetées dans une fosse de décantation avant de s’évacuer dans une rivière, sans qu’aucun dispositif de filtrage n’ait été mis en place, dès lors que le prévenu ne s’est pas conformé à un arrêté préfectoral qui prescrivait un diagnostic approfondi et une évaluation des risques de pollution des sols et des eaux souterraines induits par l'activité du site , ou lorsqu'un incendie accidentel conduit au déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines ou superficielles, dès lors que le prévenu n’a pas pris les dispositions que l'Administration lui avait demandé pendant de longues années pour éviter cette pollution .

La faute est caractérisée lorsque le prévenu est conscient du risque d’une particulière gravité auquel il expose autrui, ou lorsqu’il ne peut pas l’ignorer, en raison de sa qualité. Ainsi, un tel risque ne peut pas être ignoré par le gérant d’une société fabriquant de l'eau de javel, qui n’a pas fait vérifier le bon fonctionnement du système de lagunage des eaux de l'aire de lavage de son usine, alors que l’entreprise avait déjà vu son attention appelée sur les rejets de chlore quelques années auparavant par l’Administration et par l’office national de l’eau et des milieux aquatiques , par le chef d’entreprise qui n’a pas formé son personnel pour réagir aux aléas de fonctionnement du matériel de pompage et de traitement des eaux usées et qui n’a pas donné les instructions à mettre en œuvre en cas d'incident , ou par le co-gérant d’une société de transports qui n’a pas pris les mesures suffisantes pour prévenir la pollution, alors que le problème était récurrent depuis plusieurs années, était connu du prévenu et que plusieurs plaintes avaient déjà été déposées par son voisin . Le risque ne peut pas non plus être ignoré par l'agriculteur expérimenté qui a effectué un transport dangereux d’une citerne remplie de produits chimiques qui a eu pour résultat le déversement des substances toxiques sur la chaussée et les fossés des routes départementales qui débouchaient dans une rigole qui s’écoulait jusqu’à des étangs, alors qu’il ne pouvait pas ignorer la dangerosité du transport et le fait qu’il nécessitait des précautions qu’il n’a délibérément pas prises . Connaissent également la gravité du risque, le directeur général d’une société qui n’a ni organisé ni procédé à la mise en œuvre des mesures de contrôle des installations du réseau des eaux résiduaires de son usine relevant de son pouvoir de dirigeant délégataire, et qui avait l'obligation de prendre pour satisfaire aux prescriptions d’un arrêté préfectoral , le directeur technique d’une société automobile, qui n'a pas donné des consignes suffisantes en matière de prévention pour permettre d’éviter la pollution , ou le directeur régional d'une station d'épuration, professionnel technicien compétent de haut niveau, qui a engagé et poursuivi des travaux dont il n'ignorait pas le caractère polluant et les dommages irréversibles qui en résulteraient et qui n’a pas pris les mesures conservatoires pour assurer la protection et la sauvegarde de la faune aquatique fluviale et marine . La faute qualifiée ne peut cependant pas être imputée aux personnes morales qui ne peuvent être condamnées, en cas de causalité indirecte, que du fait de la faute simple de l'un de leurs organes ou représentants.

Si les délits de pollution des eaux constituent, en principe, des infractions d’imprudence, la Chambre criminelle a considéré que l’article L. 216-6 punit également les rejets intentionnels dans les eaux superficielles ou souterraines qui entraînent des dommages à la faune ou à la flore. Elle a ainsi retenu le délit à l’encontre d’un prévenu qui a volontairement procédé au chargement sur des camions des boues noirâtres provenant d’une station de traitement des eaux, tout en sachant qu’elles laissaient échapper des résidus qu'un préposé, à l'aide d'un jet d'eau, chassait vers le collecteur d'eaux pluviales .

Cass. crim., 24 janvier 2012, LawLex202300001329JBJ.

Cass. crim., 13 janvier 2015, LawLex202300001320JBJ, JCP 2015, act. 220 ; Dr. pén. n° 5, mai 2015, 1, JEAN.

Cass. crim., 19 avril 2017, LawLex202300008489JBJ, JCP 2018, act. 317, ROBERT ; Dr. pén. n° 11, novembre 2017, comm. 164, ROBERT.

Versailles, 15 octobre 2014, LawLex202300000940JBJ.

Cass. crim., 23 mars 2004, LawLex202300008820JBJ, JCP S 2016, 1216, HENRION ; Dr. pén. n° 4, avril 2006, étude 6, COTTE et GUIHAL

Cass. crim., 19 octobre 2004, LawLex202200001485JBJ, RTD com. 2000. 1023, obs. BOULOC ; D. 2001. 2350, DE BOUBEE ; Dr. soc. 2000. 1148, obs. MORVAN ; RSC 2000. 816, obs. BOULOC.

Cass. crim., 25 octobre 1995, LawLex202300008495JBJ, Dr. pén. n° 9, septembre 2019, comm. 143, CONTE

Cass. crim., 16 janvier 2007, LawLex202300001068JBJ, Dr. pén. n° 9, septembre 2019, comm. 143, CONTE ; JCP 2011, 629, PUEL et COICAUD.

Cass. crim., 7 novembre 2006, LawLex202300008492JBJ, Dr. pén. n° 2, février 2008, chron. 1, BERTELLA-GEFFROY.

Cass. crim., 18 juillet 1995, LawLex202300008819JBJ.

Cass. crim., 2 juillet 1998, LawLex202300008818JBJ.

L. 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, JO du 11 juillet 2000.

Cass. crim., 7 février 2012, LawLex202300001326JBJ, JCP 2013, doctr. 360, MARON, ROBERT, VERON ; Dr. pén. n° 5, mai 2012, comm. 69, VERON.

Cass. crim., 28 juin 2017, LawLex202300001327JBJ, Dr. pén. n° 12, décembre 2022, comm. 200, ROBERT.

Cass. crim., 4 mai 1999, LawLex202300008824JBJ, JCP E 2019, 1516, BUGADA, CAPPELLARI, CHOPIN, COHEN-DONSIMONI, COLONNA, LAFFUE, MORIN.

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