Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

Le contrat de distribution exclusive est celui par lequel “un commerçant appelé concessionnaire met son entreprise de distribution au service d'un commerçant ou d'un industriel, appelé concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, la distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé” . Très fortement marquée par l'intuitus personae, la distribution exclusiv …

Définition.

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Le contrat de distribution exclusive est celui par lequel “un commerçant appelé concessionnaire met son entreprise de distribution au service d'un commerçant ou d'un industriel, appelé concédant, pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, la distribution de produits dont le monopole de revente lui est concédé” . Très fortement marquée par l'intuitus personae, la distribution exclusive se distingue de la distribution sélective : les distributeurs exclusifs sont choisis discrétionnairement , alors que dans le cadre de la distribution sélective, le choix du distributeur est effectué selon des critères de sélection définis. L'exclusivité de fourniture mise à la charge du concédant constitue également un critère de distinction essentiel entre les deux formes de distribution. Contrairement au revendeur agréé, le concessionnaire bénéficie d'un monopole de vente des produits fournis sur le territoire concédé. Le concédant s'interdit d'approvisionner d'autres distributeurs, sous la seule réserve de la clientèle qu'il aurait pu se réserver .

Le contrat de distribution exclusive est un contrat-cadre, dont les parties fixent librement le contenu. Elles se mettent d'accord sur les obligations essentielles, qui seront concrétisées par une série de contrats d'application, tels que des contrats de vente ou de prestation de services. Même si le contrat-cadre n'est pas un contrat de vente, il n'en demeure pas moins créateur d'obligations, et principalement d'obligations de faire, telles que l'obligation de passer des commandes pour le distributeur et l'obligation de satisfaire ces commandes pour le fournisseur. Comme tout contrat, sa formation est soumise aux conditions décrites à l'article 1128 du Code civil. Aussi la convention doit-elle avoir un contenu licite et certain, concerner des personnes capables, dont le consentement n'a pas été vicié. Le contenu du contrat peut n'être défini que de manière très générale. Seuls les contrats d'application présentent une offre ferme et précise et réalisent ainsi progressivement l'objectif global fixé par le contrat-cadre.

CHAMPAUD, La concession commerciale, RTD com., 1963, 451, spécialement nº 24. - V. égal., la définition donnée par CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2014, 10e éd., selon lequel les contrats de distribution exclusive consistent, de la part du producteur, à ne confier la distribution de ses produits, dans un secteur géographique donné, qu'à un seul distributeur.

Cass. com., 7 avril 1998, LawLex200200005121JBJ, Bull. civ. 4, nº 126 ; D., 1998, Somm. 332, obs. FERRIER ; LPA, 13 septembre 1998, 16, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RJDA, 1998, nº 975 ; 1er mars 2011, LawLex201100000370JBJ, D., 2012, 583, obs. FERRIER ; Décision Cons. conc. nº 01-D-40 du 20 juillet 2001, LawLex200200002148JBJ.

Cass. com., 1er décembre 1992, LawLex200200005960JBJ, Bull. civ. 4, nº 392 ; RTD com., 1993, 564, obs. BOULOC.

Les fournisseurs recourent à la distribution exclusive particulièrement pour les produits de marque - de luxe ou de haute technicité - qui supposent des distributeurs compétents pour assurer conseil, installation et service après-vente. La tête de réseau peut ainsi concentrer son activité de vente et planifier sa production, sélectionner ses revendeurs et maintenir une certaine harmonie au sein du réseau. L'ensemble des contrats de distribution exclusive lui permet de couvrir une zone géographique étendue et de définir précisément la densité du réseau. En contrepartie, le distributeur jouit d'une protection relative sur une zone géographique donnée, contre la désignation d'autres distributeurs sur son territoire - sauf usage de la nouvelle faculté de désigner jusqu'à cinq distributeurs par zone de chalandise - et les ventes actives des autres membres du réseau, y compris lorsque le fournisseur recourt à différents modes de distribution. En outre, le distributeur exclusif est assuré d'un approvisionnement régulier et d'une demande certaine : il peut décider d'investir en tenant compte des débouchés que lui offre le territoire, mieux planifier ses achats, maintenir des stocks et des gammes de produits plus importants, et concentrer ses efforts commerciaux sur le territoire qui lui est réservé. La distribution exclusive garantit enfin au consommateur un meilleur service, notamment en ce qui concerne l'information sur les produits, le crédit ou l'après-vente.

En revanche, la distribution exclusive a pour principal inconvénient de restreindre l'offre du fournisseur qui ne peut vendre ses produits qu'à ses distributeurs et de limiter le nombre de points de vente et le choix des consommateurs, qui, sur une zone de chalandise donnée, ne pourront s'adresser qu'à un seul distributeur de la marque. Combinée avec une exclusivité de marque, la distribution empêche également la comparaison en un lieu unique des produits proposés par différents fabricants. D'un point de vue concurrentiel, la distribution exclusive présente donc un bilan ambigu : l'accroissement de la concurrence intermarques est obtenu au prix d'une diminution de la concurrence intramarque. La distribution exclusive restreint la concurrence tout en contribuant à la développer. Elle est dès lors susceptible d'échapper à la prohibition du droit des ententes, soit au titre de la règle de raison, soit sur le fondement d'une exemption collective ou individuelle.

Traditionnellement, le contrat de distribution exclusive est analysé, par la doctrine , comme instituant une relation de dépendance : le distributeur est juridiquement un commerçant indépendant, qui se trouve économiquement sous l'influence du fournisseur. Même si cette analyse est aujourd'hui largement datée compte tenu de la concentration de la distribution dans tous les secteurs d'activité, la jurisprudence et le législateur ont accru la protection des distributeurs. Paradoxalement, cette dernière est intervenue au moment où elle était la moins nécessaire au vu de l'évolution du rapport de forces économique.

Le régime juridique de la distribution exclusive reste aujourd'hui très marqué par l'incidence des règles de concurrence. La distribution exclusive relève du règlement d'exemption 2022/720 du 10 mai 2022 relatif aux restrictions verticales .

À certains égards, le contrat de distribution exclusive semble susciter moins de difficultés juridiques que les contrats de distribution sélective, de distribution automobile, de franchise et d'agence. Lorsqu'il est convenu à l'état brut, sans cumul avec la distribution sélective, la tête de réseau n'est pas tenue de définir des critères de sélection complexes et d'agréer les membres du réseau selon des procédures de sélection qui peuvent constituer des nids à procès. Même combinées à la distribution sélective, les règles propres à la distribution exclusive l'emportent lorsqu'il s'agit d'opposer un refus d'agrément compte tenu du nombre limité de territoires au sein du réseau.

Contrairement au contrat de franchise, le contrat de distribution exclusive présente l'avantage pour la tête de réseau de n'avoir à se préoccuper ni de la transmission d'un savoir-faire original et expérimenté, ni de la fourniture de comptes prévisionnels ou d'études de marché, dont l'inexactitude, l'excès d'optimisme ou l'insuffisance constituent une source de contentieux inépuisable pour les franchisés mécontents.

Enfin, à la différence du contrat d'agence, au lieu d'être exposé au paiement d'une indemnité de fin de contrat égale à deux années de commissions, le fournisseur tête de réseau peut mettre fin au contrat sans indemnisation sous réserve de ne pas abuser de son droit et d'observer un préavis de rupture raisonnable. 

Il n'en demeure pas moins que le contrat de distribution exclusive fait l'objet de débats récurrents, concernant la licéité du réseau, la revente hors réseau, la formation du contrat, son exécution et, surtout sa rupture.

PÉDAMON et KENFACK, Droit commercial. Commerçants et fonds de commerce - Concurrence et contrats du commerce, Dalloz, 5e éd., 2023.

Utilité et régime juridique de la distribution exclusive.

V. JENNY, Pratiques verticales restrictives, concurrence et efficience, Cah. dr. entr., 1989, nº 4, 5 ; VOGEL, Analyse des restrictions verticales, Contrats Conc. Consom., 1997, nº 99 ; CAPRICE et PHILIPPE, Les restrictions verticales, in PERROT, Réglementation et concurrence, Economica, 1997, 147 ; REY, Impact des accords verticaux entre particuliers et distributeurs, RF éco., vol. XII, 2, printemps 1997, 3 ; MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence dans les contrats de distribution, JCP E, 1998, 260 ; KARYDIS, Les systèmes de distribution des produits et le problème des importations parallèles en droit communautaire : essai d'une approche de synthèse, RMUE, 2/1999, 107 ; PHILIPPE, Relations verticales et concurrence, Thèse, Toulouse 1, 1999 ; VANDENCASTEELE, La part de marché est-elle la clé de voûte du droit européen de la concurrence ?, in Mélanges Waelbroeck, vol. II, Bruylant, 1999, 1561 ; VERGE, Politique de la concurrence et analyse économique des relations verticales, Thèse, Toulouse 1, 2001 ; LIANOS, La transformation du droit de la concurrence par le recours à l'analyse économique : l'exemple du traitement des restrictions verticales par le droit communautaire et américain de la concurrence, Bruylant, 2007 ; BERKOWITZ, SCHWARTZ, OLLEY, Customer and Territorial Restraints, in COLLIN & WRIGHT, Antitrust Law and Economics of Product Distribution, ABA Section of Antitrust Law, 2006, 153 ; PRIETO, La nouvelle politique de la Commission européenne en matière de restrictions verticales, in Le nouveau droit communautaire de la concurrence, LGDJ, 2008, 111 ; BISHOP & MAXWELL, The Economics of EC Competition Law, 3rd ed., Sweet & Maxwell, 2010 ; CHRISTOU, International Agency, Distribution and Licensing Agreements, Sweet & Maxwell, 6e éd., 2011 ; DEMME, Le droit des restrictions verticales, Economica, 2011 ; BELLIS & BENEYTO PEREZ, Reviewing Vertical Restraints in Europe: Reform, key issues and national enforcement, Bruylant, 2012 ; WIJCKMANS & TUYTSCHAEVER, Vertical Agreements in EU Competition Law, Oxford, 3rd ed., 2018 ;  COMBE, Économie et politique de la concurrence, Dalloz, 2e éd., 2020.

Particulièrement efficiente d'un point de vue économique et commercial, la distribution exclusive ne bénéficie pas actuellement d'un régime juridique parfaitement adapté. Certes, globalement, le droit positif permet de créer des réseaux de distribution exclusive et de les faire fonctionner. 

Mais les multiples réformes législatives de ces dernières années n'ont pas contribué, loin s'en faut, à améliorer son régime juridique. Des lois brouillones, généralement rigides, inutiles et coûteuses ont créé des contraintes et une insécurité inopportunes aux réseaux de distribution exclusive. 

La loi Lurel a remis en cause per se les droits d'importation exclusive outre-mer alors qu'il n'est pas démontré que ceux-ci soient la cause réelle de la cherté de la vie dans les territoires ultra-marins. L'interprétation administrative de la loi Hamon sur la convention écrite conduit à faire peser sur les réseaux le risque d'une intangibilité annuelle des prix contraire aux fondements de l'économie de marché et à la jurisprudence de la Cour de cassation. Enfin, la réforme des contrats d'affiliation par la loi Macron apparaît à la fois aberrante et inutile. 

Ces interventions législatives sont d'autant plus critiquables qu'elles visent des questions qui dans la plupart des cas ne se posent pas alors que les vraies difficultés qui mériteraient d'être réglées demeurent sans réponse. Le maintien en droit français d'une interdiction per se des prix minimum imposés apparaît contraire aux principes de l'analyse économique moderne. Les dérives du droit de la rupture de relations commerciales établies ne sont toujours pas corrigées. 

La jurisprudence a su éviter de céder aux mirages du solidarisme économique et du protectionnisme contractuel, en dépit de tentatives réitérées d'une partie de la doctrine pour l'inciter à adopter ces directives. Si les solutions jurisprudentielles apparaissent satisfaisantes, il serait cependant souhaitable que les juges se montrent plus sévères à l'égard de la revente hors réseau et plus réalistes en matière de restitutions et règlent les conflits de jurisprudence trop nombreux entre les différentes chambres de la Cour de cassation notamment en ce qui concerne le régime de la tacite reconduction et de la faculté de résiliation pour faute grave indépendamment des stipulations des clauses résolutoires. 

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33. Définition.(1)

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