Commission, July 13, 2018, No M.8862

La circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en oeuvre par d'autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel.

L'article 101 TFUE n'exige pas que le plan d'ensemble qui caractérise une infraction complexe ait été préalablement conçu ou qu'une structure globale de prise de décision regroupant les différentes composantes de l'infraction ait existé.

L'entreprise qui dispose d'informations lui permettant de soupçonner que l'entente bilatérale à laquelle elle est partie n'est qu'une composante d'une infraction plus large peut se voir imputer une participation à l'infraction unique.

Le participant à une entente ne peut invoquer l'état de récidive d'autres membres de l'entente à titre de circonstance atténuante pour le calcul de sa propre amende.

L'absence de conséquences économiques de l'infraction ou leur caractère réduit ne peut justifier une réduction d'amende.

Pour justifier une réduction d'amende, la cessation de l'infraction doit avoir été motivée par les premières interventions de la Commission et ne pas avoir été décidée ou mise en œuvre avant celles-ci.

Des aveux, même utiles, effectués dans le cadre de la réponse à la communication des griefs, ne peuvent justifier une réduction d'amende au titre de la communication sur la coopération.

En vertu de l'importante marge d'appréciation que ce texte lui accorde, la Commission est tenue à une obligation de motivation renforcée lorsqu'elle s'écarte de la méthodologie générale de détermination du montant de l'amende exposée dans les lignes directrices pour appliquer le point 37 de celles-ci.

L'insuffisance de motivation de la Commission constitue une violation des formes substantielles que le Tribunal de l'Union peut relever d'office.

TUE, 4e ch., 13 juillet 2018, n° T-58/14

Une plateforme de vente en ligne ne peut, pour échapper à sa responsabilité, se prétendre simple hébergeur au sens de la loi LCEN du 21 juin 2004 dès lors qu'elle joue un rôle actif dans la commercialisation des produits vendus sur son site. 

La commercialisation de produits cosmétiques peut être interdite sur des plateformes tierces, qu'ils soient ou non considérés comme des produits de luxe. 

L'interdiction de la commercialisation de produits cosmétiques sur des plateformes tierces présente un caractère proportionné lorsque, en l'absence de relations contractuelles entre ces dernières et le fabricant, celui-ci ne peut imposer le respect de ses critères qualitatifs.

La commercialisation de produits cosmétiques aux côtés de produits sans rapport avec ceux-ci, tels que des alarmes incendie ou des caméras de vidéosurveillance, porte atteinte à l'image de luxe que le fabricant souhaite légitimement protéger.

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 13 juillet 2018, n° 17-20787

Cass. 3e civ., 12 juillet 2018, n° 17-20.680

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-441/14

Commission, July 12, 2018, No M.8869 

L'article L. 442-1, I, 2° (ancien art. L. 442-6, I, 2°) du Code de commerce ne peut conduire à la paralysie d'une clause contractuelle, mais seulement à l'engagement de la responsabilité de son auteur.

La qualité de partenaire commercial au sens de l'ancien article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ne pouvait être revendiquée par les parties à un bail commercial, ni, a fortiori, par le codébiteur solidaire du preneur.

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 12 juillet 2018, n° 18-00485

La présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante ne viole pas le principe de responsabilité personnelle puisque la société mère et ses filiales détenues à 100 % forment une entreprise unique au sens du droit de la concurrence de l'Union.

La présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante ne viole pas la présomption d'innocence dès lors qu'elle ne conduit pas à une présomption de culpabilité de l'une ou l'autre des sociétés mère ou filiale et qu'elle revêt un caractère réfragable.

La présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante ne viole pas le régime de la propriété existant dans les Etats membres en établissant une inégalité de traitement entre les holdings industrielles et d'autres sociétés mères, dès lors qu'elle s'applique à toutes les entités économiques en cas de détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d'une filiale.

Le devoir de conserver les éléments nécessaires afin de pouvoir se défendre en cas d'actions judiciaires s'impose à toute société en toute situation et pas uniquement lorsqu'une société mère détient encore la filiale au moment des inspections effectuées par la Commission. 

Le fait qu'une société holding se soit bornée à gérer ses participations ne suffit pas à renverser la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante dès lors qu'elle assure une unité de direction notamment par le biais de ce contrôle budgétaire.

La liberté de gestion de sa politique commerciale par la filiale ne suffit pas à établir l'absence d'influence déterminante exercée par sa société mère.

Le fait que le comportement anticoncurrentiel d'une filiale ait persisté après sa cession à un groupe tiers ne suffit pas à établir son autonomie sur le marché, dès lors que la présomption d'imputabilité ne repose pas sur une relation d'instigation ou sur une implication de la société mère dans l'infraction.

La Commission n'est pas tenue de prendre en considération la solvabilité de la filiale lorsqu'elle décide de condamner solidairement sa société mère au paiement de l'amende.

La Commission ne viole pas le principe d'égalité de traitement lorsqu'elle condamne solidairement la société mère au paiement de l'amende infligée à la filiale au titre de la participation directe de cette dernière à l'infraction dès lors qu'il n'existe pas différents degrés de participation à l'infraction au sein de l'entité qu'elles constituent.

Le Tribunal ne peut examiner la demande de bénéfice d'ordre et de discussion présentée par une société mère condamnée solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale en vertu de son pouvoir de pleine juridiction, dès lors que la Commission elle-même n'est pas compétente pour répartir l'amende infligée entre les codébiteurs solidaires dans leur relation interne.

Lorsque la responsabilité de la société mère est entièrement dérivée de la participation directe de l'une de ses filiales à l'infraction, la réduction d'amende octroyée à cette dernière doit lui être étendue.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-455/14

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-451/14

Des sociétés mères exercent une influence déterminante sur leur filiale commune lorsqu'elles dominent son conseil d'administration et disposent d'un droit de regard constant sur la plupart des décisions prises en son sein, qu'elles soient stratégiques ou relatives à la gestion quotidienne, et qu'il existe plusieurs chevauchements entre les membres de leurs personnels respectifs, permettant d'assurer la communication d'informations entre les diverses entités, et une forte dépendance économique de la filiale vis-à-vis de ses sociétés mères, qui garantissent ses engagements.

La participation directe d'une société mère aux activités collusoires de sa filiale ne constitue pas une condition nécessaire pour pouvoir la tenir responsable d'une violation de l'article 101 TFUE.

Dans le cadre d'un accord de partage de marché entre des entreprises qui se livrent concurrence à l'échelle mondiale, la Commission peut tenir compte des parts de marché mondiales des entreprises participantes pour calculer la valeur des ventes en relation avec l'infraction, conformément au paragraphe 18 de ses lignes directrices de 2006.

Une approche du calcul de l'amende qui repose sur les parts de marché mondiales des entreprises permet de tenir compte, même de manière seulement agrégée, des éventuelles barrières à l'entrée susceptibles d'exister sur les différents segments géographiques de ce marché.

L'impact concret de l'infraction sur le marché n'est plus pris en considération dans le calcul de l'amende en vertu des lignes directrices de 2006.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-451/14

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-450/14

La distanciation publique de l'entente doit être appréciée selon la perception objective des autres participants de l'entente, et non selon la perception subjective de l'entreprise qui se prévaut d'une telle distanciation, de sorte que l'attitude hésitante d'un participant envers l'entente caractérise une entreprise qui, sans vouloir perdre les bénéfices de la participation à un accord anticoncurrentiel, essaye d'éviter les risques liés à cette participation et ne peut s'analyser en une distanciation publique.

L'entreprise qui a servi de coordinateur des membres de l'un des volets de l'entente et a participé à de nombreuses réunions anticoncurrentielles ne peut prétendre avoir joué un rôle "exclusivement passif ou suiviste".

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-450/14

Article 20 Regulation No 1/2003 does not limit the Commission's power to take or obtain copies of or extracts from the books and records related to the business of an undertaking under inspection to those that it has already reviewed.

The copying of data stored on the digital data carrier of an undertaking under inspection carried out for the purposes of indexation which is necessary for the identification of documents relevant to the investigation, falls within the scope of the powers conferred on the Commission by Article 20(2)(b) and (c) of Regulation No 1/2003.

Article 20(2)(b) of Regulation No 1/2003 does not provide that the examination of the books and records related to the business of undertakings under inspection must be carried out exclusively at their premises and can be carried out at the Commission's premises.

The rights of defense of the undertakings are protected when the image copies of the computer hard disks of their personnel made by the investigators are taken to Brussels in sealed envelopes, the envelopes containing those copies are opened and examined on the date agreed with the applicants and in the presence of their representatives in sealed premises, when the documents extracted from the data are printed out and listed, with a copy provided to the undertaking and, at the end of the examination, the copies are definitively wiped.

The Commission officials do not infringe the scope of the inspection decision by examining the seized documents at the Commission's premises insofar as the Commission provides that operations "can" take place in all premises controlled by the company.

In the absence of any specific date by which the inspection has to be completed in the decision, the period between the inspection being conducted at the applicants' premises and the continuation of that inspection in Brussels should not be unreasonable.

An undertaking is precluded from claiming that the suspension of the process of selecting the documents relevant to the subject matter of the investigation in the month between the date of copying and the date of the opening of seals made it impossible for it to determine the added value of the other information in its possession for the purposes of a possible application for immunity, since it had conserved the information copied by the Commission. 

 Article 20(3) and (4) of Regulation No 1/2003 does not require the Commission "to consult" or "give notice" "in good time" to the Belgian Competition Authority, when it plans, for practical reasons, to continue at its premises in Brussels the examination of documents started in the context of an inspection conducted in the territory of another Member State. 

The fact that, for reasons beyond the control of the cartel members, the cartel was unable to produce its effects or achieve the expected results, does not constitute an attenuating circumstance.

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-449/14

L'article 20 du règlement 1/2003 ne limite pas le pouvoir de la Commission de prendre ou d'obtenir copie ou extrait des livres et des documents professionnels d'une entreprise inspectée à ceux qu'elle a déjà contrôlés.

La copie des données stockées sur un support de données numériques de l'entreprise, en vue de procéder à l'indexation nécessaire à l'identification des documents pertinents pour l'enquête, relève des pouvoirs conférés à la Commission par l'article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement 1/2003.

L'article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement 1/2003 n'exigeant pas que le contrôle des livres et documents professionnels des entreprises soumises à l'inspection s'effectue exclusivement dans leurs locaux, celui-ci peut avoir lieu dans ceux de la Commission.

Les droits de la défense des entreprises sont préservés lorsque les copies-images des disques durs d'ordinateurs de leurs personnels réalisées par les enquêteurs sont transportées à Bruxelles dans des enveloppes scellées, que l'ouverture de ces dernières et leur examen sont effectués à la date convenue avec les entreprises et en présence de leurs représentants, dans des locaux scellés, que les documents extraits de ces données sont imprimés et listés avec remise d'une copie à l'entreprise et que, à l'issue de l'examen, les copies sont définitivement effacées.

Les agents enquêteurs ne violent pas la portée de la décision d'inspection en procédant à l'examen des documents saisis dans les locaux de la Commission lorsque celle-ci prévoit que les opérations "peuvent" se dérouler dans tout lieu contrôlé par l'entreprise.

En l'absence de précision quant à la date de la fin de l'inspection dans la décision, le délai entre l’inspection effectuée dans les locaux de l’entreprise et la poursuite des opérations dans ceux de la Commission ne doit pas présenter de caractère déraisonnable.

Une entreprise ne peut prétendre que la suspension des opérations de sélection des documents pertinents pour l'objet de l'inspection au cours du mois écoulé entre la date de la copie et celle de l'ouverture des scellés a entravé sa faculté d'évaluer la valeur ajoutée des autres informations en sa possession aux fins d'une éventuelle demande de clémence, dès lors qu'elle a conservé les informations copiées par la Commission. 

L'article 20, paragraphes 3 et 4, du règlement 1/2003 n'impose pas à la Commission "d'entendre" ou "d'aviser en temps utile" l'Autorité belge de la concurrence, lorsqu'elle envisage, pour des raisons pratiques, de poursuivre dans ses locaux à Bruxelles, l'examen de documents commencé sur le territoire d'un autre État membre.

Le fait que pour des raisons indépendantes de la volonté des membres de l’entente, celle-ci n'a pas pu déployer ses effets ou apporter les résultats escomptés ne constitue pas une circonstance atténuante.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-449/14

The two cartel configurations, the first between European and third-country producers and the second one between European producers, constitute a single and continuous infringement insofar as they form part of an overall plan with the single objective of restricting competition for submarine and underground power cable projects in specific territories by agreeing on market and customer allocation and thereby distorting the normal competitive process,  and as all the members intentionally contributed to that single objective and were aware of the conduct planned or put into effect by the other undertakings in pursuit of that single objective, or could have reasonably foreseen it and were prepared to take the risk.

An undertaking, which, through its subsidiary, acted as coordinator for some of the cartel members and participated in several anticompetitive meetings, cannot claim a passive or follow-my-leader role, even if it did not comply with certain decisions taken jointly.

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-448/14

Les deux configurations d'une entente, la première entre producteurs européens et étrangers et la seconde entre producteurs européens, constituent une infraction unique et continue dès lors qu'elles s'inscrivent dans un plan global ayant pour objectif de restreindre la concurrence pour les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains dans des territoires spécifiques, en convenant de l'attribution de marchés et de clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal, que tous les membres ont intentionnellement contribué à la réalisation de cet objectif unique et connaissaient le comportement envisagé ou mis en oeuvre par les autres entreprises participant de cet objectif unique ou pouvaient raisonnablement le prévoir et étaient prêts à en accepter le risque.

Une entreprise, qui, au travers de sa filiale, a servi de coordinateur d'un partie des membres de l'entente et a participé à plusieurs réunions anticoncurrentielles, ne peut se prévaloir d'un rôle passif ou suiviste, même si elle ne se serait pas conformée à certaines décisions prises en commun.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-448/14

Article 101 TFEU is capable of being applied to practices and agreements that serve a common anticompetitive objective, where it is foreseeable that, taken together, those practices and agreements have direct and substantial effects in the internal market and undertakings cannot be allowed to escape application of EU competition rules by combining several practices pursuing the same objective, when each practice viewed in isolation is not liable to produce a direct and substantial effect in the European Union market but the practices, taken together, are liable to produce such an effect.

Proof of the single nature of an infringement is brought where the "home territory" agreement and the allocation of power cable projects in the context of the 'European cartel configuration' within the EEA were implemented at the same time, concerned high voltage submarine power cables and high voltage underground power cables, involved the same producers, where the natural persons involved on behalf of the undertakings were the same for the various elements of the cartel and the various measures had the same objective, namely the establishment of a system for sharing the worldwide market for power cable projects with the exception of the United States.

An undertaking cannot claim to have been unaware of the existence of a single and continuous infringement where the meetings which it had attended started with a general part during which the participants were made aware of events concerning the cartel, the employees of that undertaking were in contact with the representatives of European producers, who were aware of the elements of the infringement, and that undertaking was offered a role of national coordinator.

The other cartel members'' replies to the Statement of Objections are not, in principle, included in the documents of the investigation file that the parties may consult.

It is for the Commission alone to carry out an initial assessment of the potentially exculpatory nature of the information contained in the documents received after the Statement of Objections, when an undertaking concerned requests access to those documents.

It is for the applicant undertaking to adduce prima facie evidence that the undisclosed documents would be useful to its defense.

The Commission does not breach the principle of equal treatment by punishing more severely the members of a single infringement who accepted an additional commitment to allocate markets within the EEA than those who only agreed not to penetrate each other's respective home territories. 

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-447/14

L'article 101 TFUE est susceptible de s'appliquer à des pratiques et accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu'il est prévisible que, pris ensemble, ces pratiques et accords ont des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur alors qu'il ne saurait être permis aux entreprises de se soustraire à l'application des règles de concurrence de l'Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n'est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans le marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet.

La preuve du caractère unique de l'infraction est apportée lorsque l'accord sur le " territoire national " et l'attribution des projets de câbles électriques dans le cadre de la configuration européenne de l'entente au sein de l'EEE ont été mis en oeuvre concomitamment, concernent les câbles électriques sous-marins à haute tension et les câbles électriques souterrains à haute tension et impliquent les mêmes producteurs, que les personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises sont les mêmes pour les différents éléments de l'entente et que les différentes mesures participent d'un objectif commun, à savoir l'instauration d'un système de partage du marché mondial des projets de câbles électriques à haute tension, à l'exception des États Unis.

Une entreprise ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance de l'existence d'une infraction unique et continue, alors que les réunions auxquelles elle a participé commençaient par une partie générale informant les entreprises participantes des événements concernant l'entente, que les employés de cette entreprise ont été en contact avec les représentants de producteurs européens qui avaient connaissance des éléments de l'infraction, et que cette entreprise s'est vu proposer un rôle de coordinateur national.

La réponse des autres membres de l'entente à la communication des griefs n'est pas, en principe, comprise dans l'ensemble des documents du dossier d'instruction que peuvent consulter les parties.

La Commission est seule compétente pour procéder à une première appréciation du caractère potentiellement à décharge des informations contenues dans les documents reçus après la communication des griefs, lorsqu'une entreprise concernée en demande l'accès.

Il appartient à l'entreprise de fournir un premier indice de l'utilité, pour sa défense, des documents dont elle dénonce la non-communication.

La Commission ne viole pas le principe d'égalité de traitement en sanctionnant plus lourdement les membres d'une infraction unique qui ont accepté un engagement supplémentaire de répartition des marchés au sein de l'EEE, que ceux qui se sont uniquement accordés pour ne pas pénétrer sur leurs territoires respectifs.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-447/14

An agreement that aims to protect European producers from any actual or potential competition from other foreign producers on their territory is liable to restrict competition, unless there are insurmountable barriers to entry on the European market that exclude all potential competition from those latter producers.

The participation of a foreign producer in an agreement on export territories must be considered to be an element of the overall plan which formed the basis for the single and continuous infringement the objective of which was to restrict competition for projects of underground and submarine power cables in specific territories, insofar as, for the purpose of characterizing the instances of conduct as a single and continuous infringement, it is not necessary to ascertain whether they present a link of complementarity, if they contribute to the attainment of the set of anticompetitive effects desired by those responsible, within the framework of a global plan having a single objective.

The undertaking which attended a meeting in which it indicated its willingness to cooperate in a cartel, and where it did not indicate in any way to the other participants that it was attending because of its state of dependence on the other producers for the procurement of the accessories necessary for its activity in producing power cables, cannot claim that its presence was motivated exclusively by that state and the pressure it was subjected to in order to force its participation, which it could have reported to the competent authorities.

The absence of direct contact between the applicant and its competitors for a year does not prove that the applicant had withdrawn from the cartel on the date it claims where the applicant's participation in the cartel was limited to a few meetings and contacts and occurred, as a general rule, through coordinators, so that the absence of proof demonstrating the applicant's presence at the anticompetitive meetings after the date on which it claims to have distanced itself from the cartel is not, in itself, capable of demonstrating that it had terminated the unlawful agreement.

The Commission has territorial jurisdiction to penalize an undertaking whose activities are limited to export territories, provided that its practices form part of a single and continuous infringement, certain elements of which affect the EEA market.

An undertaking sanctioned by the Commission cannot invoke the principle of non-discrimination to criticize the fact that no sanction was imposed on other undertakings for which the authority did not have sufficient evidence of participation in the infringement.

A non-EEA undertaking cannot criticize the Commission's choice to take into account its worldwide turnover rather than its turnover in the EEA when the object of the infringement was precisely to abstain from operating in that territory.

The fact that an undertaking only participated in a very limited number of cartel meetings is not a mitigating factor when its commitment did not require constant interaction or meetings with the other undertakings involved.

The fact that an undertaking participated in an infringement for a shorter period than others is not considered to be a mitigating circumstance, since that circumstance is already reflected in the multiplier applied for the duration of the infringement.

The fact that an undertaking was forced to participate in the cartel is not a mitigating circumstance since it should have reported the pressure to the competition authorities instead.

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-446/14

L'accord qui vise à protéger les producteurs européens sur leur territoire d'une concurrence réelle ou potentielle provenant de producteurs étrangers est susceptibles de restreindre la concurrence sauf s'il existe des barrières insurmontables à l'entrée sur le marché européen excluant toute concurrence potentielle de la part de ces derniers.

La participation d'un producteur étranger à un accord sur les territoires d'exportation doit être considéré comme un des éléments du plan d'ensemble ayant donné lieu à une infraction unique et continue dont l'objectif était de restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins sur des territoires spécifiques, dès lors que la qualification d'infraction unique et continue ne nécessite pas de vérifier que les agissements présentent des liens de complémentarité s'ils contribuent, par une interaction, à la réalisation de l'ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs dans le cadre d'un plan global visant un objectif unique.

L'entreprise qui a assisté à une réunion où elle a manifesté sa volonté de coopérer dans le cadre de l'entente et n'a pas indiqué aux autres participants s'être présentée en raison de son état de dépendance vis-à-vis des autres producteurs pour obtenir des accessoires nécessaires à son activité de production de câbles électriques ne peut prétendre que sa présence était exclusivement motivée par cet état et les pressions subies pour forcer sa participation, qu'elle aurait pu dénoncer aux autorités compétentes.

L'absence de contacts directs entre une entreprise et ses concurrents durant un an n'établit pas que celle-ci s'était retirée de l'entente à la date qu'elle prétend, alors que sa participation directe s'est limitée à quelques réunions et contacts et s'est, en générale, réalisée par l'intermédiaire de coordinateurs, de sorte que l'absence de preuve de sa présence à des réunions anticoncurrentielles après la date à laquelle elle dit s'être distanciée de l'entente ne démontre pas en soi qu'elle a abandonné l'accord illicite.

La Commission est territorialement compétente pour sanctionner une entreprise dont l'intervention se serait limitée à des territoires d’exportation, dès lors que ses pratiques s'intègrent dans une infraction unique et continue dont certains éléments affectent le marché de l'EEE.

Une entreprise sanctionnée par la Commission ne peut invoquer le principe de non-discrimination pour critiquer l'absence de sanction à l'égard d'autres entreprises pour lesquelles l'autorité ne disposait pas de preuves suffisantes de participation à l'infraction.

Une entreprise étrangère à l'EEE ne peut critiquer le choix de la Commission de tenir compte de son chiffre d'affaires mondial plutôt que de celui réalisé dans l'EEE lorsque l'infraction avait précisément pour objet son abstention d'intervenir sur ce territoire.

La faible participation d'une entreprise aux réunions ne constitue pas une circonstance atténuante lorsque son propre engagement ne nécessitait pas d’interactions ou de réunions constantes avec les autres entreprises concernées.

La durée moindre de participation à l'entente d'une entreprise ne justifie pas une réduction du montant de l'amende lorsqu'elle est déjà reflétée dans le coefficient multiplicateur relatif à la durée de l'infraction.

Le fait qu'une entreprise aurait été forcée de participer à l'entente ne constitue pas une circonstance atténuante dès lors qu'elle aurait plutôt dû dénoncer les pressions subies aux autorités de concurrence.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-446/14

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-445/14

Même sans attribution, la discussion de projets dans le cadre d'une entente suffit à affecter l'indépendance commerciale des participants à l'entente, y compris celle d'entreprises ayant seulement connaissance de ces discussions, en violation des règles de concurrence, tout comme l'échange d'informations commercialement sensibles sur la façon dont les participants devaient se positionner.

Il n'existe aucun principe général en vertu duquel le simple fait qu'une entreprise n'ait pas assisté aux réunions de l'entente suffirait à conclure qu'elle ne possédait pas le degré requis de connaissance pour établir sa participation à une infraction unique et continue, alors en outre que pour l'organisation de l'entente il était fondamental que le nombre de participants aux réunions soit réduit au minimum, que les communications avaient essentiellement lieu par courriels, téléphone, télécopie ou contacts bilatéraux.

En déclarant qu'elles ont continué de participer à l'entente dans des cas exceptionnels, des entreprises reconnaissent qu'elles ne sont pas distanciées publiquement et n'ont exprimé aucune volonté claire de ne pas être considérées comme participant à l'entente. 

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-445/14

The commitment on the part of the Japanese producers not to compete for projects located in the European territory is an infringement of Article 101(1) TFEU insofar as those producers were, at least, potential competitors for the European producers in the EEA during the early period of the cartel.

An undertaking belongs to the core group of the cartel when it participated in eight meetings which is comparable to the other members of the core group, the fact that it participated in fewer bilateral meetings being of limited significance since it was during the other meetings that it was possible to set the parameters of the cartel, and it had implemented, directly or through its subsidiary, the practices listed by the Commission such as price agreements, the submission of cover bids  and the exchange of sensitive strategic and commercial information.

The value of sales of parent companies must be aggregated with that of their joint subsidiary where they have not withdrawn from the market and have maintained their own customer base for the products in respect of which the infringement was committed.

Previous decisions by the Commission imposing fines can be relevant from the point of view of observance of the principle of equal treatment only where it is demonstrated that the facts of the cases in those other decisions, such as markets, products, countries, undertakings and periods concerned, are comparable to those of the present case.

Where a non EEA undertaking has participated in a market-sharing agreement aimed at reserving the EEA market for European producers, it would not be appropriate to apply a methodology based on its actual sales in the EEA, as to do so would amount to it not being penalized for its participation in the cartel.

When the liability of the parent company is derived purely from that of its subsidiary and both have appealed against the decision, any reduction in the amount of the fine granted to one must benefit the other.

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-444/14

L'engagement des producteurs japonais ne pas entrer en concurrence pour les projets situés sur le territoire européen constitue une infraction à l'article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors que ces producteurs japonais représentaient, à tout le moins, des concurrents potentiels pour les producteurs européens dans l'EEE au cours de la période initiale de l'entente.

Une entreprise fait partie du noyau dur d'une entente dès lors qu'elle a participé à huit réunions, comme les autres membres de ce noyau, le fait qu'elle ait été présente de manière limitée aux réunions bilatérales étant sans incidence, que sa participation continue aux réunions dès le début de l'entente lui donnait la possibilité d'agir sur les paramètres de celle-ci et qu'elle a mis en oeuvre, directement ou par le biais de sa filiale, les pratiques énumérées par la Commission telles que des accords de prix, la soumission d'offres de couverture, l'échange d'informations stratégiques et commerciales sensibles.

La valeur des ventes des sociétés mères doit être agrégée à celle de leur filiale commune lorsqu'elles ne se sont pas retirées du marché et ont conservé une clientèle propre concernant les produits objets de l'infraction.

Les décisions antérieures de la Commission en matière d'amende ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d'égalité de traitement que s'il est démontré que les données circonstancielles de ces affaires, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, sont comparables avec celles de l'espèce.

Lorsqu'une entreprise extérieure à l'EEE a participé à un accord de partage de marché visant à réserver le marché de l'EEE aux producteurs européens, il ne serait pas approprié d'appliquer une méthodologie qui se fonde sur ses ventes réelles dans l'EEE, sous peine de ne pas la sanctionner à la hauteur de sa participation à l'entente.

Lorsque la responsabilité de la société mère est entièrement dérivée de celle de sa filiale et qu'elles ont toutes deux exercé un recours contre la décision de condamnation, la réduction du montant de l'amende éventuellement accordée à l'une doit bénéficier à l'autre.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-444/14

Le fait que les demandes d'information de la Commission à une entreprise allemande lui aient été adressées en anglais ne constitue pas une violation des droits de la défense dès lors qu'elle a suffisamment été en mesure de les comprendre pour répondre à chacune d'elles et qu'il ne lui a pas été imposé d'y répondre en anglais.

L'entreprise allemande qui ne demande pas de délai supplémentaire pour répondre à la communication de griefs qui lui a été notifiée en anglais à des fins de traduction, mais pour examiner en détail les allégations qui y figurent, et qui a pu y répondre, en allemand, ne peut ultérieurement prétendre que l'emploi de la langue anglaise a nui à l'exercice des droits de la défense.

Lorsque la Commission n'a pas utilisé la langue de procédure dans son mémoire en défense, elle est autorisée à régulariser cette omission dans les annexes de sa duplique.

La réponse des autres entreprises à la communication des griefs n'est pas, en principe, comprise dans le dossier d'instruction que peuvent consulter les parties.

La Commission procède discrétionnairement à une première appréciation du caractère potentiellement à décharge des informations contenues dans les documents reçus après la communication des griefs pour décider si les entreprises peuvent ou non y accéder.

L'entreprise qui invoque une violation de ses droits est tenue de fournir un premier indice de l'utilité, pour sa défense, des documents qui ne lui ont pas été communiqués.

L'utilisation d'une année de référence commune pour toutes les entreprises qui ont participé à l'infraction permet de déterminer les amendes de manière uniforme dans le respect du principe d'égalité de traitement, à moins que l'une d'elles soit en mesure de démontrer que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours de cette période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l’ampleur de l'infraction qu'elle a commise.

L'organisation matérielle d'une réunion anticoncurrentielle implique nécessairement de la part de celui qui la prend en charge une volonté de contribuer activement au fonctionnement de l'entente, qui le prive de la possibilité d'invoquer un rôle passif.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-441/14

An undertaking cannot claim never to have consented during the meetings in which it took part to accede to the cartel in question, whereas it is sufficient, in order to prove an undertaking's participation in a cartel, to show that it took part in meetings during which agreements of an anticompetitive nature were concluded, without having manifestly opposed them.

Although an undertaking did not participate in the European cartel configuration, in allocating with the other producers projects relating to the market concerned, it was aware of that configuration or was, in any event, capable of reasonably foreseeing it insofar as it  participated in meetings in which two European undertakings from the core of the cartel were present and it can be inferred from emails that it was made aware of market allocation at a European level.

Where an undertaking only participated in one of the two aspects of the cartel, it would be inappropriate to dilute its weight in the infringement by including the sales relating to those two aspects in the calculation of sales to which the infringement relates on the pretext that it is a single infringement.

EU law contains no general principle that the penalty be proportionate to the undertaking's turnover from the sale of the product in respect of which the infringement was committed.

An undertaking's participation in only one aspect of the infringement need not necessarily be taken into account when determining the gravity percentage, but may be reflected in the value of sales used to calculate the basic amount of the fine or in the examination of any mitigating circumstances.

The undertaking's alleged dependence on the other members of the cartel does not constitute a mitigating circumstance since it is up to the undertaking to report any pressure it may have encountered to the authorities.

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-439/14

Une entreprise ne peut prétendre n'avoir jamais consenti au cours des réunions auxquelles elle a participé à adhérer à l'entente en cause alors qu'il suffit, pour prouver la participation d'une entreprise à une entente, de démontrer que celle-ci a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s'y être manifestement opposée.

Bien qu'une entreprise n'ait pas participé à la configuration européenne d'une entente, en se répartissant avec d'autres producteurs les projets relatifs au marché concerné, elle connaissait l'existence de cette configuration ou était raisonnablement en mesure de la prévoir dès lors qu'elle a participé à des réunions où étaient présentes deux sociétés européennes du noyau dur de l'entente et qu'il se déduit de courriels qu'elle a été informée de la répartition du marché au plan européen.

Lorsqu'une entreprise n'a participé qu'à l'un des deux volets de l'entente, il serait inopportun de diluer son poids dans l'infraction en englobant les ventes relatives à ces deux volets dans le calcul des ventes en relation avec l'infraction au prétexte qu'il s'agit d'une infraction unique.

Le droit de l'Union ne contient pas de principe d'application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée au chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au travers de la vente du produit qui fait l'objet de l'infraction.

La participation d'une entreprise à un seul volet de l'infraction ne doit pas nécessairement être prise en considération lors de la détermination du coefficient de gravité, mais peut transparaître au travers de la valeur des ventes retenue pour calculer le montant de base de l'amende ou de l'examen des circonstances atténuantes.

La prétendue dépendance d'une entreprise à l'égard des autres membres de l'entente ne constitue pas une circonstance atténuante dès lors qu'il lui appartient de dénoncer les éventuelles pressions subies aux autorités.

TUE, 8e ch., 12 juillet 2018, n° T-439/14

GC, 8th chamber, July 12, 2018, No T-438/14

Forment une unité économique pendant la durée de l’infraction les personnes morales qui ont participé à une infraction unique et continue, telles que, l’unité commerciale d’une entreprise active dans le secteur concerné, la nouvelle entreprise qui résulte de la fusion de celle-ci avec une autre, et la filiale de cette nouvelle entité, successeur de l’activité, qui a ensuite été cédée à une autre entreprise. 

En application du principe de responsabilité personnelle, la personne morale cédée peut être sanctionnée pour la période infractionnelle pendant laquelle elle a elle-même pris part à l'infraction.

Une filiale, en tant qu'auteur de l'infraction, peut être tenue pour responsable d’une infraction à caractère anticoncurrentiel, même si elle ne décide pas de manière autonome de son propre comportement sur le marché, dès lors que la responsabilité d’une société mère n’exclut pas la possibilité de tenir sa filiale pour responsable, mais au contraire, la responsabilité d’une société mère à l’égard d’une infraction dérive de la conduite illicite de sa filiale.

Une filiale participe directement à l’entente, dès lors qu’elle contrôle les actifs infractionnels et dispose de toutes les informations pertinentes qui concernent l’activité infractionnelle.

L’existence d’un programme de respect de droit de la concurrence, tel que l’instauration de directives de conformité suite à l’achat d’une filiale, n’empêche pas que le la responsabilité d’une entreprise soit établie. 

Court decisions rendered in 2018 - Page 36