Pour apprécier l'existence de manquements commis par le partenaire qui se prétend victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies, le juge doit examiner l'ensemble de la relation et pas seulement la dernière période de celle-ci.

La marge perdue s'apprécie au regard des revenus dégagés dans le cadre de la dernière activité exercée par la victime pour le compte de son client, et non de l'ensemble des celles exercées au cours de la relation, à plus forte raison lorsque des contrats antérieurs lui ont permis de réaliser un chiffre d'affaires vingt fois plus important que celui précédant la rupture.

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-10.896

La perte de l'exclusivité territoriale après six mois de préavis ne constitue pas une violation de celui-ci dès lors qu'elle était contractuellement prévue et qu'elle est compensée par la disparition corrélative de l'obligation d'approvisionnement exclusif et de non-concurrence imposée au distributeur.

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-25.517

La différence entre le mode de calcul de l’abattement octroyé par la Cour d'appel aux entreprises qui ont obtenu l’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence et celui retenu par l’Autorité et maintenu par l’arrêt à l’égard des entreprises qui n’ont formé qu’une demande de réformation de la décision sans contester le taux d’abattement retenu ne caractérise pas une violation du principe d’égalité de traitement dès lors qu'elle résulte de choix procéduraux distincts selon les entreprises qui les ont placées dans des situations non comparables et qui s’imposent à la Cour d’appel, tenue de respecter le principe dispositif.

Cass. com., 24 juin 2020, n° 17-20.177

Le début de la relation commerciale établie entre une société mère et un fournisseur ne peut remonter à la date du contrat de fourniture conclu entre l'une de ses filiales et ce dernier, dès lors que les sociétés d'un même groupe constituent des personnes juridiques distinctes et que la société mère ne s'est pas immiscée dans la gestion ou le fonctionnement de sa filiale de manière à créer une confusion dans l'esprit du fournisseur sur la personne de son cocontractant.

Le fait que le fournisseur qui a subi la rupture des relations commerciales pratiquait des prix plus élevés que ses concurrents est indifférent pour apprécier le caractère brutal de la rupture.

Le fait que le fournisseur, victime de la rupture, offre à la suite de celle-ci des prix jusqu'à 30 % inférieurs à ceux qu'il pratiquait avec son ancien cocontractant, est sans effet sur le caractère brutal et ne peut constituer un fait justificatif, dès lors que la situation à prendre en considération est celle existant au moment de la rupture.

La détermination de la durée de préavis doit s'apprécier au regard des contraintes spécifiques de certification relatives à la fourniture de produits de santé.

Le fournisseur victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies avec son cocontractant qui demande l'indemnisation du préjudice lié à la constitution de stock pour éviter une rupture d'approvisionnement, doit prouver la valeur des marchandises stockées, ou démontrer que celles-ci ne peuvent être autrement écoulées et que les achats ne sont pas déjà pris en considération dans le calcul de la marge perdue.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/03495

Une exclusivité ne peut se déduire, dans un relation commerciale non formalisée, du fait que le cocontractant était le seul distributeur des produits contractuels pour le territoire des Etats-Unis pendant de nombreuses années, dès lors que le fournisseur a contesté cette exclusivité dans plusieurs mails.

Lorsque la rupture a lieu à une date antérieure à celle de la publication de l'ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du Livre IV du Code de commerce, l'article 442-6 ancien du Code de commerce continue de s'appliquer.

Le distributeur qui cesse de s'approvisionner auprès du fournisseur au motif que celui-ci accorderait de meilleurs tarifs à un tiers, sans établir qu'il en résulterait une modification substantielle de nature à bouleverser l'économie de la relation, prend l'initiative de la rupture.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/17650 

Le fait que la victime exerce sous le statut d'auto-entrepreneur, qui l'empêche de réaliser un chiffre d'affaires de plus de 32 000 euro, ne rend pas irrecevable son action en rupture brutale de la relation commerciale au motif qu'il demande 60 000 euro de dommages-intérêts.

L'auteur de la rupture ne peut invoquer des faits postérieurs à celle-ci pour justifier sa décision.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/21085 

La victime d'une rupture brutale qui ne demande plus que l'indemnisation de sa perte de marge sur la période de préavis non effectué et a renoncé à sa prétention à la réparation de la perte de chance de percevoir la marge brute sur les achats de son distributeur jusqu'au terme du contrat, ne peut se voir opposer le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Le distributeur qui adresse sa lettre de rupture à l'une des sociétés du groupe fournisseur, comme le contrat l'y autorise, ne se rend pas coupable de rupture brutale, en l'absence de preuve que son cocontractant était son interlocuteur unique, direct et obligé pour une éventuelle dénonciation du contrat. 

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/21607

Le point de départ du délai de préavis court de la lettre de rupture qui annonce le terme de la relation à une date précise, même si le prestataire a été invité à soumissionner à un appel d'offres pour l'année suivante et si le contrat s'est poursuivi au-delà du terme prévu en raison des difficultés d'organisation de cette procédure de mise en concurrence.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/27793 

Le fait que l'Autorité de la concurrence ait rendu deux décisions distinctes, à deux dates différentes, la première appliquant la procédure de transaction, la seconde suivant le procédure ordinaire, ne viole pas le principe d'impartialité par préjugement de la seconde affaire, dès lors que l'ensemble des pratiques a fait l'objet d'une seule et même instruction, a été examinée par l’Autorité au cours d’une même séance, et a donné lieu à un délibéré unique.

Le refus de l'Autorité de la concurrence de communiquer le procès-verbal de transaction aux entreprises qui n'ont pas transigé ne viole pas le principe du contradictoire, même s'il a été visé, à titre de simple rappel de la procédure, dans sa décision de sanction, dès lors qu'un tel acte ne comporte pas d’examen des pratiques reprochées ni quant à leur réalité, ni quant à leur qualification juridique et se borne à attester de l'accord des parties intéressées sur la proposition de transaction du rapporteur général.

L'audition séparée des entreprises qui ont transigé et de celles qui ont refusé de le faire ne viole pas le principe du contradictoire, dès lors que l'audition des premières n’a porté que sur la détermination du montant de la sanction pécuniaire qui leur serait infligée dans les limites définies par la proposition du rapporteur général.

Cass. com., 24 juin 2020, n° 17-28.115

Cass. com., 24 juin 2020, n° 19-12.261

Cass. 1re civ., 24 juin 2020, n° 18-22.543

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 24 juin 2020, n° 18/18264

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-14.248

Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-81.134

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-11.958

Cass. com., 24 juin 2020, n° 18-17.104

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/26693

Les objectifs fixés par le concédant peuvent être rapprocher des capacités d'absorption du marché local, compte tenu du taux de pénétration de la marque du concédant afin d'apprécier s'ils sont intentionnellement excessifs, ou discriminatoires envers les autres concessionnaires.

La mauvaise foi de l’importateur concédant ne se déduit pas de la circonstance selon laquelle les dernières demandes au titre des obligations de fonds de roulement qui pèsent sur le concessionnaire sont datées du même jour que les lettres de résiliation des contrats, dès lors que le respect des obligations nées du contrat est dû nonobstant le préavis.

La chronologie de l'ouverture des établissements du groupe concurrent choisi comme nouveau concessionnaire à l'issue de la période de préavis, ne permet pas d'apprécier la loyauté du concédant.

Le concessionnaire qui n'a pas été empêché de négocier, avec un successeur la valeur de sa clientèle propre non attachée à la marque, ne peut pas prétendre que le concédant a compromis les chances de cessions du fonds de commerce.

Les lettres adressées à des clients des concessionnaires appelants par le successeur ne prouvent pas le détournement de clientèle de la part du concédant, dès lors qu'il pouvait se procurer la liste de certains clients locaux de la marque par l’acquisition d’un fichier commercialisé établi à partir du fichier des immatriculations.

Le concessionnaire qui a emprunté de l'argent pour se conformer à son obligation contractuelle relative au montant du fonds de roulement, suite à une élévation des objectifs à l'initiative du concédant  peut demander la réparation de son préjudice équivalent au montant du coût du capital.

Un système de distribution sélective quantitative dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd donc pas pour cela le bénéfice de l’exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux.

L’exigence de bonne foi ne requiert pas de la part de la tête d’un réseau de distribution la détermination ni la mise en œuvre d’un processus de sélection des distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés, ni d’appliquer ceux-ci de manière non discriminatoire dès lors qu'elle n'entretient pas les concessionnaires sortants, de manière déloyale, dans l’illusion que leurs contrats de distribution seraient renouvelés à l’échéance du préavis de résiliation, ni qu’elle ait négocié avec eux tandis que le concessionnaire remplaçant aurait été d’ores et déjà choisi.

La proposition de règlement transactionnel d'un litige ne vaut pas reconnaissance de responsabilité.

Le consentement du concessionnaire, à la politique de renouvellement du contrat de distribution par l'importateur, lorsqu'il n'est pas inscrit au contrat peut se déduire des circonstances, dès lors qu'elles démontrent qu'il a agit en connaissance de cause et en acceptant les risques futurs le concernant.

Aucune disposition législative ou réglementaire, de droit national ou communautaire, n’impose à la tête de réseau de justifier des raisons qui l’ont amené à arrêter le « numerus clausus » qui lui sert de critère quantitatif de sélection, s’agissant d’un système de distribution sélective quantitative.

Le refus de contracter, s'agissant de la distribution de véhicules neufs, n'est pas fautif au regard du droit des ententes, dès lors que leur objet anticoncurrentiel n'est pas démontré.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/23867

Commission, June 23, 2020, No M.9756

CJEU, June 23, 2020, No C-516/15

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 23 juin 2020, n° 19/02125

Le candidat qui a reçu une communication des données chiffrées concernant l'exploitation du fonds de commerce et savait ainsi qu'il était fermé lors de la conclusion du contrat, a contracté en toute connaissance de cause et ne peut reprocher au franchiseur un manquement à son obligation d'information relative à l'étendue du marché local.

Le franchiseur, qui a transmis l'information permettant au candidat de contacter les gérants des points de ventes qui ont cessé d'exécuter leurs contrats, n'a pas manqué à son obligation d'information concernant l'état du réseau.

Le franchiseur qui a fait des points de situation avec le franchisé et lui a fourni une assistance commerciale lorsque celui-ci a rencontré des difficultés qui se sont matérialisé par un déficit, n'a pas manqué à son obligation d'assistance.

La diminution du nombre des points de vente franchisés n'est pas fautive en elle-même, dès lors qu'il n'existe aucune obligation du franchiseur de maintenir et de développer le réseau.

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 23 juin 2020, n° 18-01333

sur le différend qui oppose la société WEB Grid à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production au réseau public de transport d’électricité

CRE, cordis, 22 juin 2020, n° 02-38-20

Le régime de recueil de consentement des personnes concernées tel que prévu par le règlement général sur la protection des données (RGPD) est applicables aux opérations de lecture et d’écriture dans le terminal d’un utilisateur (notamment cookies et autres traceurs).

La CNIL, qui dans une délibération portant adoption de lignes directrices, acte de droit souple, se contente simplement de rappeler la position du Comité européen de protection des données (CEPD) sur la non-conformité des « cookies walls », c'est-à-dire la pratique qui consiste à bloquer l'accès à un site web ou une application mobile pour qui ne consent pas à être suivi, au RGPD, sans la faire sienne, ne se méprend pas sur la portée des recommandations du comité et n’entend pas leur donner une force obligatoire.

La CNIL, qui, dans ses lignes directrices sur les cookies et autres traceurs, déduit des dispositions du RGPD sur la validité du consentement qui doit être libre, une interdiction générale et absolue des « cookies walls », pratique qui mène à l’impossibilité pour l’utilisateur d’accéder au site internet en cas d’absence ou de retrait de son consentement, excède ce qu’elle peut légalement faire dans le cadre d’un acte de droit souple.

La CNIL, qui, dans ses lignes directrices sur les cookies et autres traceurs, ne pouvant légalement fixer de durée limite de validité aux cookies de mesure d’audience, s'est contentée de définir des durées indicatives pour l’utilisation des traceurs et la conservation des informations collectées par leur biais, ne les a pas entaché d’illégalité dès lors qu'elle s’est bornée à préconiser à travers des orientations non contraignantes des durées d’usage de nature à permettre le réexamen périodique de leur nécessité au regard des dérogation à la règle du recueil du consentement.

La délibération portant adoption de lignes directrices en matière de cookies et autres traceurs, acte de droit souple, par laquelle la CNIL indique, afin d’assurer l’objectif de transparence pleine et entière sur les cookies et autres traceurs non soumis au consentement préalable, que les utilisateurs doivent être informés de leur existence et de leur finalité, par exemple par la biais d’une mention dans la politique de confidentialité des organisations y ayant recours, n’est pas entachée d’illégalité dès lors qu’elle rappelle que la loi ne soumet pas les cookies à une obligation de recueil du consentement préalable, n’impose pas d’offrir une possibilité de s'opposer à leur utilisation, la commission entendant simplement favoriser la diffusion de bonnes pratiques pour l’utilisateur et non d’imposer une nouvelle obligation d’information non prévue par la loi.

Lorsqu'elle affirme dans ses lignes directrices sur les cookies et autres traceurs, que la validité du consentement est soumise à la condition que la personnes concernée ne subisse pas d'inconvénient majeur en cas d'absence ou de retrait de son consentement, un tel inconvénient majeur pouvant consister dans l'impossibilité d'accéder à un site internet en raison de la pratique des "cookies walls", la CNIL déduit une interdiction générale et absolue de la seule exigence d'un consentement libre posée par le RGPD, de sorte qu'elle excède ce qu'elle peut légalement faire dans le cadre d'un instrument de soft law.


Court decisions rendered in 2020 - Page 40