La prescription de l'action en réparation ne commence à courir qu'à la date de la décision de l'Autorité de la concurrence, qui porte à la connaissance de la victime les faits commis par l'auteur du comportement anticoncurrentiel.

Une décision de constatation d'infraction adoptée par l'Autorité de la concurrence, confirmée par la Cour d'appel de Paris, établit l'existence d'un préjudice résultant des agissements dolosifs de l'entreprise dans la conclusion des marchés publics en cause.

CAA Nantes, 4e ch., 10 mai 2017, n° 16NT02222

CE, 5e et 4e ch. réunies, 10 mai 2017, n° 391519

Une société holding n'a pas un intérêt légitime à agir en concurrence déloyale dès lors que, n'exerçant aucune activité de vente de capsules de café en France, elle n'est pas directement victime du dénigrement portant sur les capsules commercialisées par l'une de ses filiales.

Si la responsabilité d'une société mère peut être engagée au titre de pratiques anticoncurrentielles commises par ses filiales lorsqu'elles constituent, ensemble, une entreprise au sens du droit la concurrence, tel n'est pas le cas en matière de concurrence déloyale, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu'en cas d'immixtion dans la gestion de ses filiales ou encore, en vertu de la théorie de l'apparence, pour protéger les cocontractants croyant contracter avec elle.

Les téléopérateurs qui ne font que relater des fait objectifs, à savoir que l'usage de capsules de café concurrentes a pour effet potentiel d'endommager les machines du groupe qui les emploie et exclut la garantie, sans expressément viser la réquérante, mais en citant les capsules sous marques de distributeur que le grand public ignore qu'elle fabrique, ne commettent pas un dénigrement.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 14-13330

L'entreprise qui, en vue de s'approprier les données et connaissances d'une agence d'intérim concurrente, met en oeuvre une stratégie d'embauche progressive de ses salariés permanents auxquels un salaire supérieur, un intéressement, et pour certains une participation au capital et la prise en charge de leurs frais judiciaires en cas d'action de leur ancien employeur ont été promis, se rend coupable de désorganisation.

Si les salariés intérimaires recrutés par les agences d'intérim ne font pas partie du personnel de celles-ci, de sorte que l'embauche ensuite ou en même temps de salariés inscrits dans une autre agence n'est pas en soi constitutif de concurrence déloyale, tel n'est pas le cas du détournement des listes d’intérimaires d’une agence concurrente, établi par les documents informatiques saisis dans les locaux de la société mise en cause et notamment le dossier " intérimaires " qui contient 415 fichiers faisant référence à des personnes du fichier intérimaires de l’entreprise plaignante.

L’entreprise nouvellement créée dont 17 des 21 clients qu’elle facture, faisaient partie du fichier clientèle de l’entreprise plaignante - ce qui constitue une proportion trop importante pour relever d’une diversification choisie par les clients -, s’est rendue coupable de détournement de la clientèle, établi par la saisie, au sein de ses locaux, de 47 fichiers informatiques faisant référence aux clients de la plaignante entrés en sa possession grâce au débauchage des salariés de cette dernière.

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 10 mai 2017, n° 13-03074

Un master franchisé ne peut se dispenser du paiement des redevances au motif qu'il n'aurait pas exploité le concept de la franchise lorqu'il est établi qu'il a intégré deux nouveaux franchisés au sein du réseau sur son territoire et les a inscrits à des formations organisées par le franchiseur.

Un master franchisé est tenu au versement du droit d'entrée lorsque, conformément à ses propres obligations, le franchiseur lui a concédé le droit exclusif de développer son concept sur un territoire réservé.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 14-23140

Un franchisé ne peut reprocher au franchiseur de lui avoir dissimulé que son implantation constituait l'une des premières expérimentations en province d'un concept éprouvé en région parisienne dès lors qu'il a obtenu pour cette raison une exonération de droit d'entrée et de la redevance de marketing nationale. 

Le franchiseur ne peut se voir reprocher aucun dol au titre du compte d'exploitation prévisionnel élaboré sous la  seule responsabilité du franchisé, à partir de chiffres d'affaires exacts d'autres membres du réseau qu'il lui a communiqués. 

Le franchisé qui a signé un contrat prévoyant la libre cession du réseau par le franchiseur, sans avoir à recueillir le consentement de ses membres, ne peut ultérieurement lui reprocher de ne pas l'avoir informé de ses projets de cession. 

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 14-20349

Il y a lieu d'appliquer la compétence de principe du juge du lieu de résidence du défendeur en application de l'article 4 du réglement 1215-2012, dès lors que l'auteur de l'acte de concurrence déloyale, même réalisé au Japon, est domicilié en France, dans la mesure où l'article 7, paragraphe 2, n'est par ailleurs pas applicable puisqu'il ne concerne que la possibilité d'attraire une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre dans un autre Etat membre (celui du lieu de survenance du dommage), ce qui n'est pas le cas du Japon.

La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale qui affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé est, en vertu des articles 6, paragraphes 1 et 4, paragraphe 2 du réglement Rome II, la loi du pays dans lequel la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée avaient leur résidence habituelle au moment de la survenance du dommage.

La société, qui, en violation de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce, exerce des pressions sur un grand magasin afin qu'il déplace le corner d'une concurrente sous menace de rompre les relations, commet un acte de concurrence déloyale à l'égard de cette dernière.

La société qui s'adresse au client de son concurrent en présentant ce dernier comme un contrefacteur de ses produits et de ses stratégies et en l'avertissant que la marque n'a pas " l'héritage ancien " qu'elle revendique, commet un acte de dénigrement. 

La société qui, en violation de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce, exerce des pressions sur un grand magasin afin qu'il déplace le corner d'un concurrent sous menace de rompre les relations, commet un acte de concurrence déloyale à l'égard de ce dernier [délit abrogé par par l'ordonnance du 24 avril 2019].

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 15-01850

La très nette baisse des ventes d'un distributeur exclusif tenu par une clause d'objectifs constitue une faute grave qui justifie une rupture immédiate des relations commerciales établies, dès lors qu'il n'est pas démontré que ces objectifs étaient irréalisables.

Le seul fait que les produits contractuels figurent dans le catalogue d'un autre revendeur, édité peu de temps avant la rupture ne caractérise pas une violation de la clause d'exclusivité par le fournisseur en l'absence de preuve d'une commercialisation effective avant la fin des relations et de l'approvisionnement du tiers par le fournisseur lui-même.

En l'absence de preuve de ventes directes ou de commandes reçues, le seul fait que le fournisseur ait pris attache avec un autre distributeur au cours de la relation ne traduit pas une violation de la clause d'exclusivité.

La très nette baisse des ventes d'un distributeur tenu par une clause d'objectifs constitue une faute grave qui justifie une rupture immédiate des relations commerciales établies, dès lors qu'il n'est pas démontré que ces objectifs étaient irréalisables.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 16-00436

Le franchiseur qui substitue au logiciel d'exploitation un nouvel outil assorti d'un contrat de licence qui lui permet de désactiver le compte du franchisé à l'expiration du contrat, le dépossédant ainsi de l'accès à la clientèle dont le contrat de franchise lui réserve pourtant la propriété, effectue une modification substantielle des conditions contractuelles qui justifie la résiliation du contrat à ses torts.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 14-20469

La menace de ne pas poursuivre les relations si le prestataire n'accepte pas une transaction qui lui ferait renoncer à 85 % du montant des sommes dont il s'estime créancier ne relève pas de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce dès lors que les facturations en question ne procèdent d'aucun accord entre les partenaires [délit abrogé par par l'ordonnance du 24 avril 2019].  

La seule notification par le client de son intention de recourir à un appel d'offres ne suffit pas à précariser les relations en l'absence de mise en œuvre effective d'une telle procédure.  

La spécificité et l'étroitesse d'un marché qui nécessite la mise en œuvre de procédés et de matérieaux réservés à certaines industries qui complique la recherche de nouveaux contrats, justifie l'allocation d'un préavis de douze mois pour rompre des relations commerciales établies de huit années.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 15-10894

Pour déterminer la loi applicable à une action en rupture brutale de relations commerciales établies qui entre dans la sphère d'un litige contractuel, il convient, en l'absence de choix des parties, de se référer à l'article 4, f du Règlement Rome I qui désigne la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle.

Le juge saisi d'une demande d'indemnisation d'une rupture brutale de relations commerciales établies doit surseoir à statuer lorsque l'auteur de la rupture invoque pour la justifier des manquements contractuels qui font l'objet d'un litige porté devant un autre juge.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 14-15261

L'effet fidélisant de la pratique, qui consiste pour un opérateur de téléphonie mobile dominant à subventionner totalement le terminal de ses abonnés moyennant leur réengagement pour une période de 24 mois, n'est pas démontré lorsque la mise en œuvre du subventionnement dépend de la décision du client de changer de mobile et qu'il n'est pas établi que l'attractivité des terminaux auprès des abonnés est telle qu'elle conditionne leur maintien auprès de cet opérateur.

La production, par le défendeur à l'action en réparation, d'éléments de preuve qu'il a obtenus au cours d'une procédure devant l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'un litige avec un autre opérateur ne caractérise pas une violation du secret de l'instruction protégé par l'article L. 463-6 du Code de commerce.

Toute entreprise victime de pratiques anticoncurrentielles a le droit de se voir indemniser du préjudice que des pratiques anticoncurrentielles lui ont directement causé, qu'elle les ait ou non dénoncées à une autorité de concurrence.

La preuve des pratiques anticoncurrentielles peut résulter d'une décision définitive de l'Autorité de la concurrence mais aussi d'éléments extérieurs que l'entreprise verse aux débats.

Le fait que l'entreprise qui se prétend victime de pratiques anticoncurrentielles ait pu acquérir des parts de marché non négligeables n'implique pas l'absence de préjudice, dès lors que son entrée sur le marché peut avoir été retardée en raison des barrières artificielles résultant des pratiques incriminées, en l'absence desquelles son développement aurait pu être plus important.

Il n'existe pas de relation de cause à effet entre la faute commise, consistant dans l'imposition d'obligations d'exclusivité et de non-concurrence à des distributeurs, et le préjudice invoqué lorsqu'il est établi qu'indépendamment de cette faute, celui qui s'en prétend victime avait déjà fait le choix de se doter de son propre réseau de distribution.

Le nouvel entrant, qui, après la cessation de la pratique d'exclusivité abusive, n'effectue aucune démarche auprès des prestataires qui en ont été libérés pour nouer des accords de partenariat, ne peut imputer à l'opérateur en place les conséquences de son choix stratégique.

Si le Tribunal de commerce n'est pas compétent pour sanctionner le non-respect d'injonctions prononcées par l'Autorité de la concurrence, il peut qualifier la pratique qui manifeste ce non-respect au regard des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE.

Le manque à gagner subi par le concurrent victime de pratiques anticoncurrentielles peut être évalué au moyen d'une approche contrefactuelle consistant à comparer un scénario réel reconstitué à partir des données recueillies auprès de l'auteur de l'abus et un scénario hypothétique reconstituant la situation qui aurait prévalu en l'absence d'infraction.

La victime qui demande que le préjudice lié à l'indisponibilité du capital soit actualisé par application du taux de rémunération du capital des activités mobiles calculé par l'Arcep doit au préalable démontrer qu'elle a été conduite à renoncer à des projets d'investissements précis et aboutis, à défaut de quoi elle ne pourra obtenir que l'application à la somme allouée des intérêts au taux légal majoré de 0,5 point.

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 mai 2017, n° 15-05918

Cass. crim., 10 mai 2017, n° 16-81.822

Un agent immobilier rompu aux transactions relatives aux constructions anciennes, qui aurait dû être alerté par les déformations de la toiture révélant la présence de capricornes, manque à son obligation de conseil lorsqu'il n'attire pas l'attention de l'acheteur sur ce phénomène.

L'acheteur profane qui n'était pas à même, seul, de déceler les désordres dus aux insectes xylophages affectant l'immeuble acheté n'a pas commis une faute d'imprudence ou de négligence qui aurait concouru à la réalisation de son dommage, même si lors de la visite, elle était accompagnée par un menuisier, non spécialiste de la charpente, qui, de surcroît, n'a pu avoir accès aux combles. 

CA Dijon, 1re ch. civ., 9 mai 2017, n° 15-00783

CA Versailles, 6e ch., 9 mai 2017, n° 16/04746

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 mai 2017, n° 16/01418

Une société de design graphique qui n'a reproduit les marques de producteurs de champagne, vins et spiritueux, avec ou sans leur environnement graphique, que sur les créations qu'elle a réalisées pour leur compte et qu'elle a ensuite, conformément aux contrats et aux usages en vigueur, représentées sur ses supports commerciaux à titre d'information, ne commet pas d'acte de concurrence déloyale.

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 mai 2017, n° 15-15434, 15-16205

Des relations nouées dans le cadre de procédures d'appels d'offres et de contrats conclus sans tacite reconduction présentent néanmoins un caractère établi lorsqu'elles se sont poursuivies sans interruption pendant 32 ans.

La décision du maître de l'ouvrage de changer de structure contractuelle pour l'exécution des travaux sur son réseau en sélectionnant désormais des entreprises chefs de file qui constitueront ses partenaires de premier rang et en renvoyant les autres au second rang en qualité de sous-traitants des chefs de file, constitue une rupture implicite de ses relations antérieures avec certains de ses anciens partenaires.

La dépendance économique d'un entrepreneur à l'égard du maître de l'ouvrage avec lequel il réalise 61 % de son chiffre d'affaires, doublée d'une dépendance organisationnelle tenant à la nécessaire spécialisation de ses techniciens et à l'obligation d'assurer des astreintes jusqu'au terme du préavis, justifie l'allongement du délai de préavis accordé.

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 5 mai 2017, n° 15-13369

L'animateur d'un réseau de distribution exclusive doit établir qu'il n'a pas autorisé la première commercialisation de ses produits dans l'UE lorsque les factures qu'il produit, portant sur des ventes ponctuelles et des sommes négligeables sur une période de cinq ans, ne démontrent pas l'absence de risque de cloisonnement du marché. 

Des emails datés de plus de cinq ans ou des faits qui remontent au début des années 1990 peuvent être invoqués pour établir un risque de cloisonnement du marché lorsque l'animateur d'un réseau de distribution exclusive n'établit pas avoir changé de pratique depuis lors. 

L'animateur d'un réseau de distribution exclusive ne démontre pas l'absence de risque de cloisonnement du marché par la production de factures certes relatives à sa marque, mais pas au type de produit en cause ou qui font état de ventes à un opérateur Internet, alors que l'affaire concerne la vente en boutiques.  

Décisions de justice rendues en 2017 - Page 54